L’incident a eu lieu la semaine dernière et a entraîné une «infiltration d’eau» dans la salle des machines, selon l’armateur turc et les autorités portuaires sénégalaises.

Un pétrolier en provenance de Russie a été endommagé par «quatre explosions externes» la semaine dernière au large de Dakar, entraînant une «infiltration d’eau» dans la salle des machines, a appris l’AFP mardi auprès de l’armateur turc et des autorités portuaires sénégalaises. Des mesures de sécurisation ont lieu à une dizaine de kilomètres au large de la capitale sénégalaise pour stabiliser le Mersin, pétrolier battant pavillon panaméen et opéré par l’armateur turc Besiktas, qui transporte une cargaison de près de 39.000 tonnes de gazole.

La cause de ces explosions n’était pas connue mardi mais la provenance de Russie du navire suggère la possibilité d’une attaque ukrainienne, selon plusieurs experts consultés par l’AFP. «Quatre explosions externes» ont eu lieu le jeudi 27 novembre «aux alentours de 23h45», «entraînant une infiltration d’eau de mer dans la salle des machines», a indiqué lundi soir l’armateur turc Besiktas dans un communiqué.


Passer la publicité

Selon l’armateur, la situation a «immédiatement été maîtrisée», le «navire est sécurisé et stable» et il n’y a «aucun blessé, aucune perte humaine et aucune pollution». Les autorités portuaires ont indiqué à l’AFP mardi matin avoir répondu à un appel de détresse du Mersin le 27 novembre, avant d’évacuer l’équipage majoritairement turc et de déployer un dispositif pour répondre à l’avarie. «Les mesures prises sont d’abord un dispositif de sécurité autour du navire, un barrage antipollution et la saisie de l’armateur pour une intervention rapide», a déclaré à l’AFP Ibrahima Diaw, haut commandant du port de Dakar.

Une escalade inquiétante

Une pollution est «possible mais pourrait être évitée si les actions initiées aboutissent», a-t-il poursuivi, disant espérer que le navire ne coulera pas. «Il faut réagir rapidement», a-t-il relevé. Plusieurs experts consultés par l’AFP évoquent la possibilité que le Mersin ait été attaqué en raison de ses liens avec la Russie, dans le contexte de la guerre en Ukraine. Selon le site de suivi des navires myshiptracking.com, le bateau venait du port de Taman, situé sur le détroit de Kertch qui relie la Russie à la Crimée ukrainienne annexée par Moscou.

Cet incident au large de Dakar est survenu peu de temps avant deux attaques de drones revendiquées par l’Ukraine en mer Noire, en zone économique turque, vendredi et samedi, qui ont visé des pétroliers de la «flotte fantôme» russe, sous sanctions occidentales, qui continue d’exporter du pétrole russe. Une troisième attaque contre un cargo a eu lieu ce mardi à 80 miles des côtes turques, faisant réagir le président turc Recep Tayyip Erdogan qui a dénoncé une «escalade inquiétante».

Plusieurs incidents contre des bateaux représentant des intérêts russes ont été recensés ces dernières années, sans qu’ils soient nécessairement revendiqués par l’Ukraine. Il y a un an, le naufrage du cargo russe Ursa Major en mer Méditerranée avait été qualifié d’«attaque terroriste» par la société propriétaire du navire, qui dépend du ministère russe de la Défense. La société n’avait pas étayé ses propos.

«C’est un peu un jeu du chat et de la souris»

Le Mersin n’apparaît pas sur les listes de bateaux sanctionnés par l’ONU, le Royaume-Uni ou l’Union européenne, mais deux autres navires de l’armateur Besiktas sont sous sanctions ukrainiennes. «Le Mersin a transporté à plusieurs reprises du pétrole brut et des produits pétroliers russes, faisant escale à Taman, Novorossiisk, Touapsé et Oust-Louga en 2025», indique, dans une publication sur LinkedIn, Martin Kelly du groupe de conseil EOS Marine.


Passer la publicité

Pour Dirk Siebels, analyste chez Risk Intelligence, basé au Danemark, le caractère extérieur des explosions ayant endommagé le Mersin indique qu’il ne s’agit vraisemblablement pas d’un accident : «On peut raisonnablement conclure que cela remonte au gouvernement ukrainien ou à l’armée ukrainienne.» «Si l’Ukraine était directement ou indirectement à l’origine de ces explosions, ce serait une première dans cette zone géographique», souligne de son côté Igor Delanoë, directeur adjoint de l’Observatoire franco-russe, qui estime qu’il n’est pas certain que le pétrolier ait été victime d’une attaque ukrainienne.

Seule une partie des bateaux appartenant à cette «flotte fantôme» sont sur les listes de sanctions européennes ou ukrainiennes, rappelle M. Delanoë : «C’est un peu un jeu du chat et de la souris.» Dakar est un important port d’Afrique de l’Ouest sur l’Atlantique, situé sur plusieurs routes de trafic entre l’Afrique et l’Europe, mais aussi entre l’Afrique et les Amériques.