La guerre en Ukraine se joue aussi dans les ondes, champ immatériel et invisible par excellence. On brouille (et intercepte) les communications de l’adversaire, on empêche ses drones de voler, on détourne les armes guidées de leurs cibles. Si l’armée ukrainienne s’est rapidement mise à niveau face à une Russie très aguerrie et expérimentée en la matière, on ne saurait en dire autant des pays de l’OTAN, qui affichent un considérable train de retard, alerte une note de la société RAND Corporation.
Vieille tradition soviétique
« La Russie [a utilisé] la guerre électronique pour isoler les unités ukrainiennes, perturber les réseaux de commandement et neutraliser les [armes] occidentales, rappelle-t-elle. L’Ukraine s’est adaptée avec ingéniosité, mais elle apprend sur le terrain ce que l’OTAN aurait dû apprendre à l’entraînement. Après des décennies consacrées à la contre-insurrection, l’Alliance risque désormais d’affronter son adversaire le plus redoutable sans maîtriser un domaine fondamental de la guerre moderne. »
Contrairement aux armées occidentales qui l’ont délaissée à partir des années 1990, en raison de sa faible utilité en contexte de conflit asymétrique, la Russie a continué à développer ses capacités, avec pas moins de 14 unités dédiées à la guerre électronique. Ses équipements incluent des brouilleurs mobiles (Krasukha-4 et Moscou-1), terrestres (Mourmansk-BN, 300 km de portée), et aéroportés (Divnomorye) ou héliportés (Mi-8MTPR-1).
« La stratégie privilégiée de la Russie en Ukraine consiste à utiliser la guerre électronique pour localiser et isoler les positions ukrainiennes avant de les pilonner par des tirs d’artillerie, indique RAND Corporation. La Russie recourt également à la guerre électronique pour perturber les communications ukrainiennes, brouiller les systèmes GPS, les radars ou les sous-systèmes des drones ukrainiens, voire les neutraliser complètement. »
L’OTAN à la ramasse
En comparaison, les armées de l’OTAN, surtout européennes, sont piètrement équipées et dépendent en partie de l’armée américaine pour plusieurs segments critiques de la guerre électronique. Il s’agit notamment du recueil de renseignement d’origine élecctromagnétique (ELINT) depuis l’air ou l’espace, la neutralisation des défenses aériennes adverses (SEAD) et bien sûr le brouillage. Et depuis l’arrivée de Trump, cete dépendance est devenue une vulnérabilité qui pourrait s’avérer critique.
L’OTAN et l’Ukraine ont créé en avril dernier une coalition de guerre électronique incluant 13 membres, afin que les pays européens montent en compétence, mais cela va prendre du temps. Selon RAND, les armées européennes de l’OTAN doivent investir une partie significative des 5 % de leur PIB (vers lequel doivent tendrent leur budget de défense) dans la guerre électronique, développer des chaînes d’approvisionnement européennes, et se préparer à combattre la Russie sans les États-Unis.
« Il [faut] encourager davantage de pays à rejoindre la coalition de guerre électronique avec l’Ukraine et rendre obligatoire l’intégration systématique de la dimension de guerre électronique dans les exercices et manœuvres de l’OTAN et nationaux – en procédant à des tests jusqu’à la défaillance, afin d’obliger les troupes à s’habituer à opérer avec des communications, des capteurs ou un GPS dégradés, préconise RAND. L’Alliance doit démontrer qu’elle est prête et capable de combattre et vaincre. »