Lorsque le premier Avatar débarqua au cinéma en 2009, l’univers visuel imaginé par Cameron fut une véritable claque esthétique. La luxuriante Pandora, ses forêts bioluminescentes peuplées de bêtes au chara design léché, l’Arbre-Maison des Omaticaya, les Montagnes Hallelujah flottantes dans les airs, l’élégance extrême des Na’vi et leur peau bleutée… Une véritable révolution visuelle qui a réussi à décrocher la rétine de tout le monde, tout en cachant suffisamment bien le scénario, finalement assez peu inspiré, puisque nous nous retrouvions finalement devant un remix moderne, dans les grandes lignes, de Pocahontas.
Le troisième volet (Avatar : de feu et de cendres) arrivant dans une quinzaine de jours dans les salles obscures françaises, l’occasion était trop belle pour que nous la laissions passer. Nous nous sommes demandé s’il était réellement possible que l’humanité parvienne un jour à ce qu’un humain parvienne à diriger un corps « recombiné » mêlant ADN terrien et ADN Na’vi. Un questionnement impossible à résoudre par un simple « oui » ou « non », et l’exercice fut finalement assez stimulant, intellectuellement parlant, à réaliser.
S’abonner à Journal du Geek
Un corps hybride peut exister, mais pas à la manière de Cameron
Commençons par remettre les pendules à l’heure : en biologie, un « hybride » n’existe que lorsque deux espèces très proches génétiquement peuvent encore se reproduire entre elles (un Lion et un Tigre, par exemple, qui peuvent donner naissance à un « Ligre », voir ci-dessous).
Le Ligre est officiellement reconnu comme le plus grand félin du monde (400 kg), né du croisement entre un Lion mâle (Panthera leo) et une Tigresse femelle (Panthera tigris). © The cloudless sky / Wikipédia
Les être humains et les Na’vi, eux, ne sont même pas originaires de la même planète dans l’univers imaginé par Cameron. L’hybridation façon Avatar nécessiterait de fusionner deux systèmes vivants séparés par des millions d’années d’évolution… sur deux mondes différents. Aucune technologie actuelle ou envisagée à l’avenir ne permettrait de faire en sorte que ces deux êtres soient compatibles sur le plan génétique.
Admettons un instant cette possibilité : il faudrait déjà séquencer un génome entier d’une espèce extraterrestre, alors que nous n’avons même pas séquencé tout ce qui vit sur Terre. Comprendre un génome d’un organisme venu d’ailleurs et le cartographier, revient à essayer de lire un livre dans un langage… qui n’existe pas.
Ensuite, il faudrait fusionner deux génomes incompatibles pour que la créature soit fonctionnel. Même avec l’un des outils de génie génétique les plus avancés qui soit, le CRISPR (Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats), ce serait tout simplement impossible. Il serait question ici d’assembler des milliers de gènes qui n’ont rien de commun, que ce soit les protéines ou les structures cellulaires.
Imaginer fusionner un humain et un alien revient à confondre la biologie avec un modèle Lego : les deux possèdent des briques (récepteurs, enzymes, codons, membranes pour l’organisme vivant), mais dans la nature, deux briques qui ne partagent pas le même code biologique ne peuvent s’emboîter.
Un corps 50 % humain et 50 % « autre chose » n’a, donc biologiquement, aucune chance d’être viable. C’est une règle d’or de la génétique qui, pour l’instant, n’est pas près d’être transgressée.
L’interface homme-machine : la technologie qui existe déjà
Il y a tout de même un aspect où Cameron a frappé dans le mille avec sa saga, bien avant que ces technos soient médiatisées : la connexion entre l’humain et son avatar Na’vi grâce à une interface neuronale. Aujourd’hui, Neuralink, Blackrock Neurotech ou Synchron ont démontré qu’il était possible de faire interagir un organisme humain avec un dispositif, uniquement par la pensée, grâce à des BCI (Brain Computer Interface).
Neuralink fut la première à médiatiser le cas de son premier patient implanté, et quelques mois plus tard, de son deuxième. Même si elle n’est pas la première entreprise à avoir travaillé sur les BCI, Neuralink dispose d’une image très forte auprès du public, qui a permis de mettre en lumière cette technologie de pointe, dont les premières racines remontent aux années 1960. D’autres acteurs ont également un pied dans le secteur, comme Paradromics, même s’ils se font plus discrets car ils ne poursuivent pas les mêmes objectifs.
Bien sûr, aucune de ces interfaces ne permettrait de diriger un avatar à distance pour une simple et bonne raison : leur bande passante est encore largement limitée. Pour que cela fonctionne réellement, il leur faudrait un maillage neuronal des milliers de fois plus denses, et un réseau capable de suivre en continu le chaos électrique du cortex cérébral et d’en extraire des instructions exploitables, sans latence perceptible.
Il faudrait donc développer, en parallèle, un modèle d’IA intégrée à la BCI suffisamment puissant pour décoder les milliards de signaux générés par le cerveau humain chaque seconde. Un flux de données tellement démesuré qu’il ferait saturer n’importe quel supercalculateur, même les plus puissants au monde, qui ne sont pas conçus pour un tel usage en temps réel.
Vous avez donc la réponse à la question : créer un corps hybride façon Na’vi restera à jamais hors de notre portée, les lois de la biologiques et de la génétique nous en empêchent. En revanche, piloter à distance un corps artificiel (ou même organique mais intégralement développé en laboratoire) pourrait être envisageable d’ici plusieurs décennies si les progrès en IA et dans les BCI continuent à ce rythme. Admettons toutefois que le corps en question risque d’être bien moins stylé que les sublimes Na’vi, leur peau bleue et leur silhouette élancée, et qu’il sera certainement bien moins agile. Si vous voulez entrer (virtuellement) dans la peau d’un Na’vi, vous pouvez toujours jouer à Avatar Frontiers of Pandora ; seulement si vous n’êtes pas allergique à Ubisoft et ses formules de gameplay recyclées, avec une constance qui force presque le respect.
🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités et sur notre WhatsApp. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.