Vendredi 28 novembre, la présidence de l’Université Bordeaux Montaigne a annoncé sa volonté d’annuler le Village antifasciste et internationaliste prévu jeudi 4 décembre sur le parvis de la fac, expliquant ne pas disposer du « personnel de sûreté » suffisant. Ce prétexte sécuritaire avait déjà été utilisé l’an dernier pour tenter d’empêcher un précédent Village, finalement maintenu et déroulé sans incident. Le refus de laisser s’organiser la seconde édition de ce Village témoigne du saut répressif à l’oeuvre à l’UBM. En cherchant à empêcher la tenue du Village, la présidence vise directement un des rares espaces où la communauté universitaire s’organise collectivement contre l’extrême droite.
Face à cette tentative de faire annuler, le Comité d’action contre l’extrême droite (CACED) et une trentaine d’organisations ont publié une déclaration dans laquelle ils qualifient ce « manque de sûreté » de faux prétexte et refusent tout changement de date ou de lieu imposé par en haut. « La présidence essaye de nous forcer la main pour décaler le Village mais derrière cette question de calendrier, c’est une manière de réduire la portée politique de l’évènement en le sortant de la séquence des élections étudiantes » explique Maïa, militante au CACED et au Poing Levé. Le Village doit en effet se tenir en même temps que les élections de l’Université de Bordeaux, prévues du 2 au 4 décembre, au cours desquelles l’UNI et la Cocarde, deux organisations d’extrême droite, vont chercher à s’implanter dans les conseils.
Loin de reculer, le CACED et les organisations affirment que le Village se tiendra bien le 4 décembre, dès 10 h 30, sur le campus de Bordeaux Montaigne, et appellent à y participer massivement pour briser cette censure. Préparé depuis deux mois, ce Village Antifa et Internationaliste est pensé comme un moment de lutte et d’échange pour l’ensemble de la communauté universitaire et du milieu militant, avec un retentissement sur toute la ville. Il fait directement suite à un premier village organisé en février dernier face à l’irruption de groupuscules fascistes sur la fac, qui avait rassemblé plusieurs centaines de personnes et permis la distribution de nombreux colis alimentaires, démontrant la capacité des étudiants et personnels à s’auto-organiser sans la tutelle de la présidence. Créé en décembre 2024 en réponse aux provocations répétées de l’extrême droite sur le campus, le CACED rassemble aujourd’hui des dizaines d’étudiants, de personnels et d’organisations, et a déjà montré sa capacité à faire reculer ces groupes en repoussant plusieurs tentatives d’intimidation. C’est bien cette force d’auto-organisation, capable de défendre le campus face aux fascistes, que la présidence cherche à contenir en tentant de faire annuler le Village du 4 décembre.
La diversité des signataires de l’appel montre d’ailleurs que ce que la présidence veut empêcher n’est pas un simple « évènement étudiant », mais une véritable initiative unitaire du mouvement social bordelais. On retrouve ainsi des organisations du mouvement étudiant comme Le Poing Levé, la FSE, l’Union Étudiante et l’UNEF, aux côtés de partis politiques comme La France Insoumise ou Révolution Permanente. Du côté syndical, plusieurs sections ont rejoint l’appel, parmi lesquelles les sections CGT des universités bordelaises, SUD PTT 33, SUD Industrie 33, la CGT Education 33 ou encore la CGT Blanchisserie du CHU de Bordeaux ou encore la Confédération paysanne jeune Gironde, tandis que des organisations antifascistes comme l’Offensive antifasciste de Bordeaux et l’AFA Deux-Sèvres seront aussi de la partie. Enfin, différents collectifs et associations féministes, antiracistes et de solidarité avec la Palestine de la ville et de la région participeront au Village, comme l’AG Féministe Gironde, l’UJFP Aquitaine, Éducation avec Gaza ou encore Nous Toutes 33. En s’attaquant au Village, la présidence s’en prend donc à un front large antifasciste et internationaliste qui dépasse largement le cadre de l’université.
Tout au long de la journée, un programme varié est prévu avec une table ronde qui abordera les réalités de l’impérialisme et de la colonisation à travers le monde en présence de la Communauté sahraouie de Gironde, le Collectif Kanaky Bordeaux et La maison des soudanais à Bordeaux tandis qu’une conférence reviendra sur la situation en Cisjordanie avec la Confédération paysanne et André Rosevègue de l’Union Juive Française pour la Paix. Une autre conférence sera consacrée aux leçons de l’histoire face à la montée de l’extrême droite, avec Nicolas Patin, maître de conférences à l’UBM et co-auteur du livre Le Monde nazi. À 15 h, une distribution alimentaire sera organisée grâce aux contributions de SUD Industrie, de la Confédération paysanne et des bénéfices du concert contre l’extrême droite d’avril dernier. Autant d’initiatives concrètes de solidarité et de politisation que la présidence préfère faire disparaître plutôt que de les assumer sur son campus.
Dans un contexte où le génocide à Gaza se poursuit depuis maintenant plus de deux ans, les organisations rappellent que l’extrême droite est le « premier soutien à la politique génocidaire d’Israël » et appellent à s’inspirer de « l’élan révolutionnaire de la Gen Z » qui, de Madagascar au Maroc, d’Indonésie au Népal, se mobilise contre l’impérialisme. De la même façon qu’en Italie ou en Espagne, où la jeunesse s’est liée aux travailleur·euses pour revendiquer la fin du génocide à Gaza depuis les centres impérialistes européens, les signataires du Village entendent articuler antifascisme, solidarité avec la Palestine et combat contre les politiques impérialistes françaises.
Les organisations dénoncent enfin les politiques gouvernementales qui « ont servi de marchepied à l’extrême droite », en réprimant le mouvement de solidarité avec la Palestine au moyen de lois liberticides, en criminalisant l’antisionisme au nom du combat contre l’antisémitisme, en menant la chasse aux sans-papiers, en imposant les lois immigration et en multipliant les offensives transphobes. De la censure du colloque sur la Palestine au Collège de France à la tentative de faire annuler du Village antifa à Bordeaux Montaigne se dessine une même logique : restreindre toujours plus les espaces où peuvent s’exprimer les voix anticoloniales, antifascistes et anticapitalistes.
Il est primordial de défendre la tenue du Village antifasciste et internationaliste à Bordeaux Montaigne contre la censure de la présidence et face à la présence de l’extrême droite sur les campus voisins pour les élections à l’Université de Bordeaux.