Dans l’avion qui l’a ramené de Beyrouth à Rome mardi, le pape a confié qu’il aimerait se rendre en Afrique, avec une première étape en Algérie.

Au retour de son voyage au Liban mardi, le pape Léon XIV a annoncé, lors d’une conférence de presse tenue dans l’avion, que son prochain voyage pourrait être consacré au continent africain, avec une première étape en Algérie. Tout cela reste «à confirmer» a prévenu le pape, «il n’y a rien de sûr et certain». «J’espère faire un voyage en Afrique, a-t-il expliqué, cela pourrait être le prochain».

Il a alors détaillé : «personnellement, j’espère aller en Algérie pour visiter les lieux de vie de Saint Augustin mais aussi pour poursuivre l’échange sur la construction de ponts entre les mondes chrétien et musulman.» Évoquant son maître spirituel, l’ancien cardinal américain, religieux augustinien, a observé que «la figure de Saint Augustin aide beaucoup pour établir un pont parce qu’il est très respecté en Algérie comme fils de la patrie.»


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«Il y a un an ou deux, j’avais pensé à partir à la retraite !»

Quant au choix des «autres pays» de cette tournée africaine, Léon XIV a simplement précisé : «nous y travaillons». Si elle se confirme, cette tournée en Afrique sera lourde de sens pour ce pontificat car elle sera l’expression d’un choix personnel de ce nouveau pape. Le déplacement en Turquie et au Liban, qu’il vient d’accomplir, était en effet programmé par son prédécesseur, François, avant son décès.

Plutôt décontracté et relativement peu fatigué pour un homme de 70 ans qui vient de présider un voyage très dense de six jours, le pape a livré quelques confidences sur son état d’esprit, avant et depuis son élection sur le siège de Pierre, le 8 mai dernier. «Il y a un an ou deux, j’avais pensé à partir à la retraite ! Mais certains d’entre nous doivent continuer à travailler», a-t-il confié en riant.

J’ai pris une profonde respiration et je me suis dit, “seigneur, on y va, tu me guides !”

Pape Léon XIV à propos de son élection

Interrogé sur le conclave, il a été très net, «je respecte strictement le secret», tout en livrant cette anecdote : «la veille du jour où j’ai été élu, une journaliste m’a arrêté dans la rue alors que j’allais déjeuner et m’a demandé ce que je pensais du fait d’être l’un des candidats. J’ai simplement répondu que tout était entre les mains de Dieu. Et j’y crois profondément.»

Il s’est également confié sur son état d’esprit quand il a compris qu’il allait être élu : «Je me suis résigné quand j’ai vu comment les choses tournaient et je me suis dit que ça pouvait devenir une réalité. J’ai pris une profonde respiration et je me suis dit, “seigneur, on y va, tu me guides !”»

Parmi les multiples sujets abordés avec la presse, Léon XIV a livré sa vision des relations avec l’islam. À Istanbul, il avait visité samedi la grande Mosquée Bleue sans paraître particulièrement passionné par ce rendez-vous. Mais il a participé, lundi au Liban, à une rencontre interreligieuse, avec toutes les communautés religieuses présentes dans ce pays. «Dans les conversations que j’ai eues en Turquie et au Liban, a-t-il confié, y compris avec plusieurs musulmans, nous nous sommes précisément concentrés sur le thème de la paix et du respect, pour les gens de différentes religions.» Il a ajouté : «Je le sais – c’est un fait, même si ça n’a pas toujours été le cas – qu’il y a souvent des peurs en Europe. Ces peurs sont présentes mais elles sont aussi souvent générées par des gens opposés à l’immigration qui tentent de maintenir hors des frontières des gens d’un autre pays, d’une autre religion, d’une autre ethnie.»


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Lucidité sur les problèmes à résoudre

Après ce constat, le nouveau pape a observé : «Je voudrais dire que nous avons tous besoin de travailler ensemble. C’est même l’une des valeurs de ce voyage : transformer précisément un monde de tension en une possibilité de dialogue et d’amitié entre musulmans et chrétiens».

Il s’exprimait quelques minutes après le décollage de Beyrouth à destination de Rome : «Je crois que l’une des plus grandes leçons que le Liban peut enseigner au monde est précisément de montrer un pays où l’Islam et le christianisme sont toutes les deux présentes et respectées. Et qu’il y a une possibilité de vivre en ensemble, d’avoir de l’amitié les uns pour les autres.»

Lors de son séjour au Liban, le pape a démontré sa lucidité sur les problèmes à résoudre. Devant les journalistes mardi, il a insisté sur «les histoires et témoignages que nous avons entendus ces deux derniers jours, de gens qui s’entraident, chrétiens avec musulmans, ensemble, qui voient leurs villages détruits mais qui disent : ’on peut parler ensemble et travailler ensemble’.» «C’est important que nous entendions ça en Europe ou en Amérique du Nord, a-t-il poursuivi. Peut-être devrions-nous nous être moins effrayés et, au contraire, rechercher des voix pour promouvoir le dialogue et le respect.» 

Plus tôt dans la journée, lors d’une messe en plein air sur le front de mer à Beyrouth réunissant 150 000 personnes, le souverain pontife avait appelé à la paix dans la région. «Le Moyen-Orient a besoin de nouvelles approches afin de rejeter la mentalité de vengeance et de violence (..) et d’ouvrir de nouveaux chapitres au nom de la réconciliation et de la paix», a-t-il déclaré.

«Vous pensez que vous pouvez lire mon esprit»

Interrogé dans l’avion sur les sujets de géopolitique, le pape s’est montré plutôt prudent et général dans ses réponses. Ainsi, à propos de ses contacts directs avec des chefs d’États qui sont aux prises avec les conflits actuels, il a surtout mis en avant le travail de la diplomatie du Saint-Siège, avec cette remarque : «Notre travail en la matière n’est pas du ressort public, nous n’allons pas le crier sur les toits, les choses se jouent plutôt en coulisse. Nous l’avons déjà fait et nous continuerons à le faire : il s’agit de chercher à convaincre les parties en conflit de laisser les armes et la violence pour venir ensemble à la table du dialogue et chercher des réponses et des solutions qui ne sont pas violentes et qui peuvent être plus efficaces et meilleures pour le peuple.»


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Évoquant ses relations avec les journalistes – «mon visage est très expressif et je suis toujours amusé par la manière qu’ont les journalistes d’interpréter ces expressions» -, il confie aussi son bonheur d’aller à la rencontre des gens. «J’étais au jubilé pour les jeunes (cet été), ils étaient un million. Ici au Liban, c’était plus modeste mais c’était merveilleux pour moi. On pense que les gens sont ici car ils veulent voir le pape, mais en fait ils sont là pour voir Jésus et voir un messager de la paix. Il faut écouter leur enthousiasme. J’espère ne jamais me fatiguer de l’enthousiasme dont ces jeunes font preuve.»

Il a livré enfin une dernière confidence : «Si vous voulez savoir quelque chose sur moi, lisez un livre très simple rédigé par le frère Laurence, «la pratique de la présence de Dieu». Il décrit plusieurs façons de prier, plusieurs spiritualités où l’on donne simplement sa vie à Dieu en le laissant nous guider. C’est ma spiritualité depuis des années. J’ai eu à faire face à bien des défis, ayant vécu au Pérou pendant des années de terrorisme, ayant été appelé au sacerdoce dans des endroits où je ne pensais jamais être appelé. J’ai confiance en Dieu et je partage ce message avec tous.»