Le très grand public les a découverts un soir pluvieux de juillet, en 2024. Au cœur d’une spectaculaire cérémonie d’ouverture des JO de Paris, Gojira était apparu sur les balcons de la Conciergerie. à ce moment-là, le déluge était météorologique, mais surtout sonore avec Mea Culpa (Ah ! Ça ira !), rencontre d’un chant révolutionnaire et d’un air d’opéra de Bizet, interprété avec la chanteuse lyrique Marina Viotti.

Aux côtés des quatre membres du groupe, on trouvait plusieurs mannequins à l’effigie de Marie-Antoinette portant leur propre tête ensanglantée dans les mains. De quoi faire causer certains téléspectateurs, mais pas suffisant pour éclipser la performance de la formation landaise, saluée par un Grammy Award en février dernier. Dans la foulée de ce moment dantesque, leurs écoutes avaient progressé de 106 % dans l’Hexagone et de 80 % à l’échelle internationale.

Les fans de metal, eux, n’avaient pas attendu ce coup d’éclat pour faire connaissance avec cette bande atypique active depuis 1996, emmenée par les frères Duplantier, Joe, guitariste et chanteur, et Mario, batteur.

Auteur de Gojira – Les enfants sauvages (aux éditions Le Mot et le reste), Jean-Charles Desgroux, spécialiste rock et heavy metal ayant signé des biographies d’Ozzy Osbourne, Alice Cooper ou Iggy Pop, les classe sans peine « largement dans le top 5 mondial des groupes de metal qui peuvent se permettre de renouveler cette scène ».

Avant le passage à Nice de leur tournée des Zéniths, ce lundi 8 décembre, ce journaliste nous explique comment Gojira a géré son ascension, sans jamais renier sa singularité et ses convictions.

Cette tournée des Zéniths, c’est un vrai événement ?

C’est complètement un événement. Gojira avait tourné partout en France lors des premières années de sa carrière, en jouant dans toutes les villes possibles et imaginables. Aujourd’hui, avec le succès colossal qu’ils ont à l’étranger – on parle de plus d’une quarantaine de tournées aux États-Unis – ils sont extrêmement accaparés. En France, ils passeront par les plus grandes salles de France ce qui représente une somme d’un peu plus de 100 000 places. Même si le groupe a été adoubé par un public non metal, il reste rugueux, extrême. Donc c’est une véritable performance.

Vous êtes le premier à vous pencher sur l’histoire de Gojira dans un livre. Surprenant ?

Je vous avoue que je suis étonné, d’autant plus qu’ils fêteront leurs 30 ans en 2026. Je trouvais ça limite vexant que notre pays n’ait pas été capable de documenter leur histoire. Il est vrai que cette histoire est dénuée de tous les travers liés au rock’n’roll, il n’y a pas de sexe ou de drogue, rien de sulfureux chez eux. C’est une success story qui part d’un postulat complètement invraisemblable. Personne n’aurait misé sur un groupe de death metal qui a germé au milieu de la forêt des Landes.

Vous insistez beaucoup sur la grande sensibilité des frères Duplantier. Est-ce que cela les rend singuliers dans cette scène ?

Oui, parce qu’on ne va pas se mentir ; dans la scène metal, il y a énormément de clichés, de postures, avec des groupes qui vont jouer les gros bras et adopter une imagerie négative, satanique ou subversive. Eux, ok, ce sont quatre gars aux cheveux longs, avec des gros bras, habillés en noir. Musicalement, il y a une robustesse incroyable dans leur son. Mais Gojira n’a jamais hésité à mettre en avant cette sensibilité à fleur de peau, dans les textes ou les interviews.

Convaincre les puristes et un public plus large, c’est rare. à qui les compareriez-vous pour cela ?

Le plus grand modèle de Gojira, c’est Metallica, le groupe qui leur a fait découvrir le metal quand ils étaient gamins. Ils se sont identifiés à cette éthique de travail, à cette détermination dingue. Metallica a atteint le niveau de popularité des Stones ou de U2, et je ne crois pas qu’on puisse les qualifier de vendus. Ils ont su mûrir et faire des choix pertinents. Gojira pourrait suivre cette voie, humainement parlant.

Comment se construit l’équilibre au sein de cette formation ?

Les frères Duplantier ont une alchimie complètement viscérale. Leurs caractères sont différents, mais ils peuvent communiquer de manière quasiment télépathique. Jean-Michel Labadie, le bassiste, et Christian Andreu, le guitariste, ont des personnalités beaucoup plus effacées, ils font confiance à la force motrice des Duplantier. L’harmonie entre eux est assez incroyable, il n’y a pas de problème d’ego. En tournée, il peut y avoir quelques frictions normales. Mais ils ont entre 44 et 51 ans, ils savent créer un environnement pour se protéger.

Vous n’avez pas eu accès aux musiciens pour ce livre, mais vous les avez interviewés à plusieurs reprises, entre 2005 et 2016…

J’ai eu la chance de les rencontrer à plusieurs reprises, entre le moment où ils ont commencé à se professionnaliser, à partir du troisième album, From Mars to Sirius, et jusqu’à Magma, leur cinquième disque. C’était absolument jouissif de voir ce groupe parti de nulle part et qui arrivait à des étapes clés de sa carrière. J’ai arrêté de les interviewer quand je suis arrivé dans un autre média, où quelqu’un s’occupait déjà de les suivre.En live, « toujours la même ferveur »

On a appelé Jean-Charles Desgroux le 27 novembre, soit le jour où Gojira lançait sa tournée française, à Reims. Il allait se rendre au concert quelques heures plus tard. Un troisième rendez-vous en 2025 avec une formation qu’il avait vue à l’Ocean Fest de Biarritz, puis à l’hommage à Ozzy Osbourne (le chanteur de Black Sabbath est décédé le 22 juillet dernier, à l’âge de 76 ans) à Birmingham. Alors, Gojira, ça arrache encore ?

« Oui, le groupe n’a jamais faibli, il y a toujours la même ferveur. Quand d’autres, réputés inébranlables, connaissent quelques soirs moins bien, eux ne déçoivent pas. Et je peux vous dire qu’on est fier quand, à Birmingham, on voit 40 000 Anglais se lever et hurler pour un groupe français.

Savoir+

Samedi 6 décembre au Dôme de Marseille. De 52 à 85 euros. Rens. dome.marseille.fr/ programmation/concert/gojira

Lundi 8 décembre au Palais Nikaïa, à Nice. De 52 à 85 euros. Rens. www.nikaia.fr/programmation/gojira Premières parties : Comeback Kid et Neckbreakker.