Jeudi 4 décembre, Donald Trump doit recevoir à la Maison-Blanche le président de la République démocratique du Congo (RDC) et son homologue rwandais. Félix Tshisekedi et Paul Kagame viennent signer à Washington un accord censé mettre fin au conflit qui ravage l’est de la RDC, sous l’égide des États-Unis et du Qatar. En juillet, un rapport de l’ONU avait qualifié cet accord d’“écran de fumée” quand le quotidien guinéen Le Djely évoquait “un mirage dans un désert de violences”.
De tout cela, le président américain n’a cure, lui qui poursuit sa croisade pour imposer partout “sa” paix en intervenant sur tous les fronts. À l’en croire, il aurait déjà mis fin à huit conflits en à peine quelques mois : Israël-Hamas, Israël-Iran, Inde-Pakistan, Arménie-Azerbaïdjan, Égypte-Éthiopie, Thaïlande-Cambodge, Serbie-Kosovo et RDC-Rwanda, donc. Et il ne compte pas en rester là : à la demande de Mohammed ben Salmane, le prince héritier saoudien reçu en grande pompe lui aussi à la Maison-Blanche, il s’est également saisi de la question du Soudan.
Donald Trump est-il pour autant un faiseur de paix digne d’un prix Nobel ? La réalité est évidemment plus complexe. C’est ce que nous décryptons cette semaine dans notre dossier après que le président américain a sorti de son chapeau, le 20 novembre, son fameux plan en 28 points pour mettre fin à la guerre en Ukraine. Passé le tollé suscité à Kiev et en Europe par cette initiative très favorable à Moscou, et qui a été largement amendée depuis, les discussions ont pourtant repris dans un cadre et un scénario aux airs de déjà-vu. “Le projet proposé par Trump pour mettre fin à la guerre de la Russie en Ukraine s’inspire directement de la méthode employée à Gaza, écrit ainsi The Wall Street Journal. Entre pressions personnelles et ultimatums serrés, il tente d’imposer un plan à deux belligérants réticents.”
En Ukraine comme à Gaza, Donald Trump applique la même méthode pour imposer une paix qui soit, dans tous les cas, favorable aux intérêts américains. C’est même un prérequis. À chaque accord de paix ou engagement à l’international, l’administration Trump négocie une contrepartie profitant aux États-Unis, souligne le Financial Times. C’est encore le cas avec le plan sur l’Ukraine, explique le quotidien, auquel n’a pas échappé une “clause financière [qui] sort du lot : les États-Unis recevraient 50 % des recettes issues d’un fonds constitué de 100 milliards de dollars d’actifs russes gelés qui viendraient financer des investissements américains pour reconstruire l’Ukraine”.
Une diplomatie à but lucratif qui s’appuie sur des négociateurs peu conventionnels : le duo d’hommes d’affaires Steve Witkoff-Jared Kushner (le gendre de Trump). Avec un troisième homme, au cœur de la politique étrangère américaine : Marco Rubio. Le secrétaire d’État et conseiller à la sécurité nationale “joue le rôle de faucon vis-à-vis de Caracas et endosse celui de colombe vis-à-vis de Kiev”, juge l’édition américaine du quotidien espagnol El País.
Cela marche-t-il ? C’est toute la question. Mais ce qui est sûr, c’est que Donald Trump fait bouger les lignes. Alors que les États-Unis, au prétexte de lutter contre le narcotrafic, ont déployé 15 000 hommes dans les Caraïbes pour faire pression sur le Venezuela, tout en maniant la carotte et le bâton de Buenos Aires à Mexico, on assiste “à une reconfiguration politique d’un bout à l’autre du continent américain, explique le New York Times. De nombreux dirigeants ont retourné leur veste pour s’aligner sur Trump – avec de belles récompenses en retour – ou ont mis leur gouvernement en ordre de bataille pour l’affronter.”
Mi-novembre, le Conseil de sécurité de l’ONU, jusque-là très réservé, a pourtant voté massivement en faveur du plan américain pour Gaza. Au Venezuela, Nicolás Maduro semble plus que jamais sur la sellette, sans que personne n’y trouve à redire. En Ukraine, le plan proposé par Trump, très en faveur de la Russie, sert de base de discussion, même si tout reste à faire.
La paix (mais quelle paix ?) finira-t-elle là aussi par s’imposer par la force (et le chantage) ? Peut-être. En Russie, Andreï Kortounov, membre du club Valdaï – un influent forum de discussion, créé à l’initiative du Kremlin, sur la place de la Russie dans le monde –, écrit que Moscou va devoir “composer avec cette incertitude permanente faite de sous-entendus et d’ambiguïtés, assumées ou non”. Et que cela ne sera pas sans difficulté. Un article de Nezavissimaïa Gazeta traduit du russe dans notre dossier.
Dans Foreign Policy, Suzanne Nossel, une politologue qui a travaillé pour le gouvernement Obama, estimait, elle, récemment que la diplomatie conçue comme une “performance” pouvait parfois porter ses fruits. À quel prix ?