Ces dernières années, les livraisons par drone en prison n’ont cessé d’augmenter.

Équipés eux aussi de drones, les policiers traquent les télépilotes autour de la maison d’arrêt de Draguignan.

L’affaire jugée lundi devant le tribunal correctionnel de Toulon en atteste, et illustre à quel point ces remises de produits et objets illicites par voie aérienne s’imposent comme un défi majeur pour l’administration pénitentiaire. En 2023, en pleine nuit, deux jeunes hommes pensaient pouvoir déjouer la vigilance des surveillants grâce à cette méthode devenue l’arme favorite des trafics en détention.

Leur plan aurait pu se dérouler sans encombre. Sauf que cette fois-ci, la marchandise n’est jamais parvenue jusqu’à la cellule du détenu du centre pénitentiaire de La Farlède, le drone s’écrasant brutalement dans la cour de promenade. Interrompant net sa mission clandestine. Les auteurs prennent la fuite, mais seront appréhendés quelques jours plus tard.

Une exploitation minutieuse du drone

Le paquet noir attaché au drone grâce à un fil de pêche, et récupéré par les agents pénitentiaires, contenait 50 grammes de résine de cannabis, des téléphones portables ainsi que des recharges. L’analyse minutieuse de l’appareil a permis aux enquêteurs de remonter jusqu’à deux hommes, Léo B. et Rémy G., respectivement âgés de 21 et 30 ans.

La présidente, Dalila Fedal, revient sur les informations issues du fameux drone : « Le laboratoire d’expertise est parvenu à extraire des images et vidéos du drone écrasé. Le logiciel de reconnaissance faciale a permis d’identifier Léo B. et Rémy G. Une image de la prison de La Farlède a également été retrouvée, ainsi qu’une trentaine de photos de produits stupéfiants. »

Les experts exploitent aussi les données géographiques qui révèlent plusieurs vols de l’appareil effectués au-dessus du centre pénitentiaire, notamment la nuit du « crash », mais aussi autour des domiciles des accusés. Autant d’éléments qui permettent de confondre les deux individus.

Qui pilotait l’appareil ? Face à la cour, les jeunes hommes n’ont pas la même version des faits. Léo B. désigne Rémy G., qui nie et assure être resté dans la voiture, sur un parking près de la prison, durant l’opération. Léo B. raconte également s’être rendu plusieurs fois au domicile de son co-accusé pour « essayer le drone ». « Il ment ! », s’offusque ce dernier.

Les deux mis en cause, qui n’échangeront aucun mot ni regard durant l’audience, s’accordent en revanche sur un point : ils auraient été mis en relation par un détenu dont ils ignorent l’identité, via le réseau social Snapchat.

« Je ne connais pas ces gens. J’ai agi sous la pression de quelqu’un en prison. J’ai simplement réceptionné un colis sans savoir ce qu’il y avait dedans », assure Rémy G.

Léo B., lui, affirme avoir été victime de menaces, à tel point qu’il a depuis « quitté le département pour partir vivre à plus de 1 000 kilomètres. » Ni le commanditaire de l’opération, ni la somme fixée pour la livraison, ne seront cependant révélés.

La représentante du ministère public, qui tient à souligner que « les faits ne sont pas anodins », rappelle à quel point ce phénomène de livraison aérienne, en pleine expansion, est devenu « un véritable fléau permettant l’introduction d’objets illicites dans les prisons ».

En défense, Me Morgan Daudé-Maginot, qui intervient aux intérêts de Léo B., plaide « l’ancienneté des faits » : « Depuis cette affaire, mon client s’est éloigné de la région pour couper les ponts avec ses mauvaises fréquentations et rompre avec cette spirale délictuelle. C’est une rupture qui demande du courage. »

Me Manon Bou Martinez, l’avocate de Rémy G. évoque elle aussi le changement de vie de son client, en récidive concernant le volet stupéfiant : « À l’époque, il n’a pas rendu service à un ami mais a commis des actes sous la contrainte d’une personne détenue qui avait l’ascendant. Aujourd’hui, il est devenu papa, il est autoentrepreneur. »

Le tribunal a condamné les deux hommes à des peines de prison avec sursis : 18 mois pour Rémy G., 10 mois à l’encontre de Léo B, assortis d’une interdiction de paraître à La Farlède pendant trois ans.