Cette peine est assortie d’une période de sûreté de 20 ans pour la mère de famille, que plusieurs psychologues estiment atteinte d’un dangereux syndrome de Müncchausen par procuration.

Maylis Daubon a été reconnue coupable d’avoir empoisonné ses deux filles, dont l’une mortellement, avec une dose massive de propranolol, et a été condamnée à la peine de 30 ans de réclusion criminelle, avec une période de sûreté de 20 ans, par les assises des Landes ce mercredi, assortie d’une injonction de soins. Cette condamnation va au-delà des réquisitions du ministère public, qui avait requis une peine de sûreté moins importante – 15 ans – contre cette mère de famille, dont la personnalité mythomane est restée un mystère tout au long de ce procès. À l’écoute du verdict, Yannick Reverdy, l’ex-mari de l’accusée, et les membres de sa famille, se sont enlacés, en larmes.

D’après plusieurs psychologues, interrogés dans le cadre de la procédure, Maylis Daubon pourrait être atteinte d’un syndrome de Müncchausen par procuration, qui l’aurait conduite à surmédicamenter Enea et Luan, en leur inventant des maladies, sans autre but que d’endosser le rôle gratifiant de mère dévouée, et susciter la compassion de son entourage.


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Jusqu’au matin du 13 novembre 2019, jour où Enea, âgée de 18 ans, est retrouvée par sa sœur dans sa chambre, le corps secoué de convulsions, après avoir ingéré une dose massive de propanolol, un bêtabloquant rarement prescrit aux jeunes personnes. Des analyses toxicologiques de Luan, la cadette, avaient ensuite montré que la deuxième fille de Maylis Daubon ingérait elle aussi ce médicament à son insu, bien après la mort de sa sœur, sans qu’il ne lui ait été prescrit.

Personnalité «loufoque»

Pendant une semaine, la cour d’assises des Landes a passé au crible l’emploi du temps de Maylis Daubon, dans lequel plusieurs points sont restés en suspens, comme autant de preuves de sa culpabilité que de son innocence. Parmi ceux-ci, la mère de famille ne se trouvait pas au domicile lorsque survient la crise d’épilepsie de sa fille aînée, qui entraînera un arrêt cardiaque, puis sa mort. Le jour du drame, elle n’avait regagné le domicile que dix minutes après avoir été alertée par Luan, par téléphone. Lors de l’intervention des pompiers, Maylis Daubon était ensuite restée à proximité de la chambre de l’adolescente, et avait entrepris de passer un coup de téléphone à un parent d’élève de l’école, sans mentionner à son interlocuteur le sort très inquiétant d’Enea. L’appel avait duré quatre minutes.

Ces minutes, trop longues aux yeux des avocats de la partie civile, ont été pointées à l’audience comme une autre preuve de la froide préméditation de Maylis Daubon lors de l’agonie d’Enea. Le coup de téléphone, au contenu «insignifiant», ne pouvant être que la signature d’une mère «sadique», qui a empoisonné le café au lait de sa fille avec un bêtabloquant, s’est concocté un alibi, tarde à prévenir les secours, puis laisse ensuite «souffrir son enfant». Outre ce détachement de façade, sa personnalité «loufoque» avait ensuite choqué plusieurs témoins de cette affaire, à l’hôpital de Dax où Enea est hospitalisée en urgence, mais aussi lors des obsèques de la jeune fille, durant lesquels Maylis Daubon, de nature extravertie et théâtrale, arborait une robe décolletée jugée indécente, chantait «comme dans une chorale», puis avait proposé d’aller «boire des mojitos» à la santé de sa fille aînée.

«Verdict extrêmement lourd»

Mercredi, les avocats de Maylis Daubon, Mes Gérard Danglade et Carine Monzat, avaient plaidé l’acquittement en appuyant leur défense sur un écueil de ce procès : le manque de débats sur la personnalité dépressive d’Enea, dont les pensées ténébreuses l’auraient conduite à se suicider. Lors des plaidoiries, les deux conseils avaient relativisé l’obsession pour la santé que cultivait l’accusée, et l’atmosphère très étrange de la maison des Daubon, où il suffit d’ouvrir un tiroir pour tomber sur des anxiolytiques, neuroleptiques et somnifères. «On se dit, c’est invraisemblable cette femme qui passe son temps chez les médecins, à la pharmacie. Et alors ? Elle se préoccupe de la santé de ses enfants. L’empoisonnement, c’est le propranolol. Le reste, ce sont des médicaments, des posologies qui peuvent paraître certes inadaptées. Mais si on se place dans la peau de Maylis Daubon, c’est un souci constant que des soins soient apportés à ses filles, qui se trouvaient dans une situation psychologique inquiétante», avait alors expliqué Me Gérard Danglade. «Combien de mères sont surprotectrices ? Cela n’en fait pas pour autant des criminelles !» 

«C’est un verdict extrêmement lourd et inquiétant. Compte tenu de la sanction qui la frappe, Maylis Daubon va très sérieusement réfléchir à faire appel. Elle accueille le verdict de façon douloureuse, elle est effondrée», a sobrement commenté Me Gérard Danglade, à l’issue du verdict, ce mercredi. Maylis Daubon dispose de dix jours pour interjeter appel de sa condamnation.