Il aura fallu de la patience pour le redécouvrir. Fermé en 2011, il y a pas moins de quatorze ans, en raison d’un risque d’effondrement de la verrière de son patio, le musée Bonnat-Helleu (musée des beaux-arts de la ville de Bayonne) a enfin rouvert ses portes au public le jeudi 27 novembre, au lendemain d’une inauguration en présence de la ministre de la Culture Rachida Dati, marquant la fin d’un chantier à 30 millions d’euros. Entièrement rénové et agrandi, il remet en lumière l’une des collections publiques les plus riches et qualitatives de France – mais aussi, paradoxalement, l’une des plus méconnues en raison, notamment, de sa situation géographique et de cette longue traversée du désert.

Installé au début des années 1900 dans un bâtiment Belle Époque construit en 1896 par l’architecte Charles Planckaert, cet établissement fut créé notamment pour accueillir une donation faite en 1891 par le peintre académique et collectionneur bayonnais Léon Bonnat (1833–1922), complétée à la mort de ce dernier par un autre legs – soit un total de 3 000 œuvres données officiellement au Louvre, avec obligation de dépôt permanent au musée de Bayonne, ce qui en fait le plus grand ensemble de dépôts du Louvre en France.

La scénographie du musée Bonnat-Helleu

La scénographie du musée Bonnat-Helleu, 2025

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© Loïc Simon pour BeauxArts éditions

De nombreux chefs-d’œuvre de la peinture, du dessin, de la gravure…

Fraîchement restaurée, la Baigneuse à mi-corps d’Ingres, véritable « Joconde » du musée bayonnais, figure en bonne place dans le nouveau parcours.

Décrite par Pierre Rosenberg comme « la plus belle entre Paris et Madrid », cette collection de 7 000 peintures, sculptures et dessins allant du Moyen Âge au XIXe siècle, dont 1 300 ont été restaurés pour l’occasion, a été remise en valeur par un parcours chrono-thématique aéré aux cimaises colorées qui en présente pas moins de 1000. Avec en bonne place la « Joconde » du musée fraîchement restaurée : la Baigneuse à mi-corps de Jean-Auguste-Dominique Ingres (1807), l’un de ses trois « envois d’académie » réalisés à la Villa Médicis (Académie de France à Rome) aux côtés de La Baigneuse de Valpinçon et d’Œdipe et le Sphinx, conservés quant à eux au Louvre.

Salle consacrée à Paul Helleu

Salle consacrée à Paul Helleu

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© Loïc Simon pour BeauxArts éditions

Parmi les nombreux autres chefs-d’œuvre de l’établissement, figurent La Vierge à l’hostie du même artiste (1866), une envoûtante Cléopâtre de Domenico Beccafumi (vers 1508), un superbe portrait peint de Greco (1576–1578), plusieurs Rubens, des œuvres de Léon Bonnat et Paul Helleu (léguées par la fille de ce dernier à la Ville de Bayonne en 2009), ainsi que de belles peintures de Simon Vouet, Francisco de Goya, Théodore Géricault, John Constable, Armand Guillaumin, Maurice Denis ou Joaquín Sorolla.

S’y ajoute un cabinet d’arts graphiques exceptionnel (l’un des 30 plus importants au monde) rassemblant des dessins de Michel-Ange, Raphaël, Titien, Le Parmesan, les Tiepolo, Léonard de Vinci, Nicolas Poussin, Antoine Watteau, Pierre-Paul Prud’hon, Jean-Baptiste Greuze, Jacques-Louis David, Eugène Delacroix, ou encore Ingres et Géricault, ainsi que des gravures de Rembrandt.

Un musée agrandi et à la splendeur retrouvée

Rénové par le cabinet d’architecture bordelais BLP & associés, qui avait donné un coup de jeune au musée de l’Orangerie à Paris dans les années 2000, le musée bayonnais a été prolongé pour inclure le bâtiment voisin – un édifice des années 1930 qui accueillait jusqu’à récemment une école, et où se trouvent désormais les bureaux des équipes, les réserves et les salles de recherche.

Dans le patio, le « Triptyque bayonnais » de Henri-Achille Zo » où l’on voit Bonnat et ses élèves basques et béarnais

Dans le patio, le « Triptyque bayonnais » de Henri-Achille Zo » où l’on voit Bonnat et ses élèves basques et béarnais, 2025

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Doté d’un nouveau hall d’accueil situé à la jonction entre l’ancien préau de l’école et le patio historique du musée, l’établissement s’est aussi vu greffer une extension moderne vitrée abritant un monte-charge et des zones de repos pour les visiteurs. À l’intérieur, les volumes initiaux du bâtiment, occultés par d’anciennes rénovations, ont été retrouvés pour une circulation plus fluide et une surface doublée, qui atteint à présent 7 000 m², dont 2 500 m² dédiés au parcours permanent, et 450 m² aux expositions temporaires.

Un long chantier enfin terminé

Mais pourquoi une aussi longue fermeture ? Réputé « maudit », le projet a été ralenti par une fâcheuse succession d’événements : un changement d’équipe municipale, l’opposition de parents d’élèves locaux à l’annexion de l’école voisine, des fouilles archéologiques ayant révélé la présence d’un ancien cimetière sur le site, l’arrêt du chantier pendant le Covid et la flambée des prix des matériaux.

Rachida Dati et Laurence Des Cars lors de l’inauguration du musée Bonnat-Helleu

Rachida Dati et Laurence Des Cars lors de l’inauguration du musée Bonnat-Helleu, 26 novembre 2025

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© Guillaume Pinon / NurPhoto / NurPhoto via AFP

Après avoir été dirigé par Sophie Harent, puis Benjamin Couilleaux (qui, pendant la fermeture de 2018 à 2022, a réalisé plusieurs acquisitions d’œuvres dont une superbe peinture de Nicoló Bambini), le musée est passé depuis février 2025 (après un intérim assuré par la directrice du musée Basque, Sabine Cazenave) sous la houlette du jeune historien de l’art Barthélémy Etchegoyen Glama. Âgé de 32 ans, cet ancien élève de l’École normale supérieure originaire du Pays basque fut auparavant conseiller de la présidente du Louvre Laurence des Cars, et professeur d’histoire de l’art et d’archéologie à l’Université Columbia de New York. Du sang neuf pour une renaissance très attendue !

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Musée Bonnat-Helleu

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