Comment réconcilier métropoles et campagnes, périphéries et centres-villes, écologie et habitat ? Plongée, en partenariat avec Popsu (la Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines) dans les initiatives qui améliorent les politiques urbaines.
Les abords de l’ancienne cité du Petit Séminaire, dans le nord-est de Marseille, voient encore s’amonceler des dépôts sauvages de pneus, sacs de gravats et autres déchets, que n’empêchent pas les bordures de béton ni les nettoyages. Mais des riverains commencent à y projeter «une existence plus douce, plus apaisée», selon les mots d’Hadjira Anli, 33 ans. Elle vit dans le quartier depuis huit ans et a vu le «squattage» puis la démolition des quatre bâtiments de cet emblématique programme d’habitation. Dans les années 1960, il s’agissait alors de résorber une part des bidonvilles de Marseille sur un site agricole et isolé, aujourd’hui voisin des grands ensembles de logements sociaux de Frais-Vallon. «En tant qu’habitant, on a eu pas mal d’émotions, de la peur, de la tristesse», rembobine cette mère de cinq enfants qui s’est «organisée» pour participer au jury citoyen de la consultation Quartiers de demain ainsi qu’à la commission finale désignant le projet lauréat.
«L’idée est de poursuivre cette coconstruction avec les habitants, l’un des marqueurs du projet, quand il s’agira de choisir l’emplacement d’un passage piéton, des bancs, d’un terrain de sport», assure Fabien Grosjean, directeur de l’aménagement et la programmation urbaine à la métropole Aix-Marseille-Provence. Avec la conviction que «c’est par le paysage que l’on va refaire du liant».
Le site marseillais prenant place au cœur d’un vallon où se dessine déjà une trame verte, le territoire a voulu des candidatures paysagistes. Face à «l’approche grand paysage» de l’agence Folléa-Gautier et au «vaste parc fermé à l’effet waouh» de l’agence Ilex, le projet AMT de «faire quartier autour d’un paysage renaissant» a emporté la donne par son «approche très sensible». «J’ai l’intime conviction, qu’une fois réalisé, c’est comme s’il aura toujours été là», dit Fabien Grosjean.
Les quatre hectares d’espaces verts à venir s’étireront en longueur, ménageant différents espaces autour de la large «promenade du Petit Séminaire», colonne vertébrale de ce projet de 4,3 millions d’euros, et davantage (6,5 millions d’euros) si l’on inclut la voirie, déplacée et réaménagée pour une circulation plus douce. Les travaux devraient débuter en 2027. «Notre proposition s’appuie sur la reconnaissance des richesses naturelles du vallon de la Maurelle où se loge le quartier», explique Marion Talagrand, associée fondatrice chez AMT-Projets urbains, paysagers et de territoire, qui aime ces «microhistoires à trouver in situ, et qui peuvent être génératrices du dessin même du projet». Il s’agit ainsi de «renverser la hiérarchie», de «partir du paysage» pour «de proche en proche, aborder les questions de mobilité et d’usage des espaces publics».
La question du cycle de l’eau était aussi un challenge posé aux équipes. L’agence y a répondu par un système de petites digues ou micro-retenues sur toute la longueur du vallon, pour réguler le risque d’inondation mais aussi permettre aux arbres et végétaux d’assurer leur fonction d’«havre climatique» pour demain.
Sur la friche laissée par l’ancienne cité, un chat gris se risque pour le moment au milieu des buissons bas. «Il faut imaginer un jardin à flanc de coteau, qui viendra se connecter à la coulée verte», décrit Fabien Grosjean. L’agence a proposé un lieu dédié au jardinage, à la cueillette, «comme le font déjà certains habitants sur ces terrains délaissés». «L’hypothèse que nous avons posée est que la renaissance d’un paysage peut être l’aiguillon de cette dynamique de quartier, l’énergie irriguant les forces en présence.»
Reste la question de l’entretien futur de ces espaces verts. La métropole a proposé à la ville une convention de gestion, «c’est en discussion», affirme-t-elle. Au Petit Séminaire, la «consultation internationale a aussi coïncidé avec la réécriture du nouveau projet de quartier», se réjouit Marion Chrétien, cheffe de projet animation territoriale. «Les jurés citoyens avaient des contacts directs avec les équipes de conception, continue-t-elle. Ils ont eu l’espace et le temps pour formaliser les choses, porter leurs idées.»
«C’était une découverte pour moi, raconte Hadjira Anli, un univers nouveau mais profondément enrichissant, qui m’a touchée bien plus que je ne l’imaginais. C’est une nouvelle histoire que nous entreprenons d’écrire.» Une histoire dont elle entend bien être «témoin de la suite».