En France, les tatouages connaissent un essor spectaculaire : le nombre de salons est passé d’une vingtaine dans les années 1980 à plus de 5 000 établissements en 2023 et près d’un Français sur cinq déclare en porter au moins un. Lorsque l’on choisit de se faire tatouer, on pense au dessin, à la symbolique, parfois à la douleur, mais rarement aux conséquences possibles sur la santé à long terme.

Une nouvelle étude épidémiologique, publiée dans European Journal of Epidemiology, suggère aujourd’hui que les tatouages pourraient constituer un facteur de risque potentiel de mélanome. Un résultat qui, sans alarmer, invite à approfondir les recherches.

Une étude suédoise qui interroge le lien entre encre et cancer

Malgré la popularité croissante des tatouages, les connaissances scientifiques sur leurs effets à long terme restent limitées. Les chercheurs de l’université de Lund en Suède tentent depuis plusieurs années de combler cette lacune. 

En 2024, une étude a mis en évidence un lien possible avec le lymphome,  une autre, publiée plus tôt en 2025, n’a en revanche pas trouvé d’association avec le carcinome épidermoïde cutané.

La nouvelle étude s’appuie sur 2 880 personnes âgées de 20 à 60 ans ayant reçu un diagnostic de mélanome, identifiées dans le Registre national du cancer suédois. Chaque patient a été apparié à trois témoins non atteints de cancer, du même âge et du même sexe. Les chercheurs ont ensuite recueilli des données sur l’existence de tatouages, les habitudes d’exposition au soleil, l’utilisation de cabines UV et le phototype.

Résultat : 22 % des personnes atteintes de mélanome étaient tatouées, contre 20 % dans le groupe témoin. Mais après ajustement des facteurs liés au mode de vie, l’écart se creuse.

« Nous ignorons les effets à long terme des tatouages ​​sur la santé. Il est donc nécessaire de déterminer s’il existe un lien entre l’encre de tatouage et le cancer de la peau », souligne Christel Nielsen, professeure agrégée et épidémiologiste à l’université de Lund.

Selon l’équipe, les personnes tatouées présentent un risque relatif de mélanome augmenté de 29 % par rapport aux non-tatouées. « Une augmentation au niveau des groupes, non des individus », insiste la chercheuse, qui appelle à la prudence dans l’interprétation des chiffres.


Les encres, notamment celles contenant des pigments azoïques, peuvent se transformer en composés réactifs sous l’effet des UV. Cette transformation fait partie des pistes explorées pour comprendre le possible lien avec le mélanome. © romaset, Adobe Stock

Pourquoi un tel lien ? Le rôle des pigments et du système immunitaire

Lorsque l’encre est injectée dans le derme, le corps la considère comme un corps étranger. Les cellules immunitaires encapsulent alors les pigments et les transportent en partie vers les ganglions lymphatiques

Les colorants azoïques, très courants dans les encres, focalisent particulièrement l’attention des scientifiques. « Les pigments azoïques peuvent se décomposer en substances chimiques nocives susceptibles de provoquer des cancers. Ce risque est particulièrement élevé en cas d’exposition aux rayons UV du soleil, des cabines de bronzage ou des traitements au laser », explique Emelie Rietz Liljedahl, chercheuse en toxicologie.

Depuis 2022, le règlement européen Reach impose des limites strictes à la composition des encres de tatouage. Malgré cela, une analyse de la DGCCF (Direction générale de la consommation, de la concurrence et des fraudes), datant de 2024, révèle encore des non-conformités, avec des niveaux de substances toxiques supérieurs aux seuils autorisés.

Les chercheurs pensent également que le système immunitaire pourrait jouer un rôle central dans la réponse de l’organisme à l’encre. « Nos résultats indiquent qu’il pourrait se passer quelque chose au niveau immunitaire. Nous allons donc explorer les liens possibles entre exposition aux tatouages et maladies auto-immunes comme le psoriasis ou les affections thyroïdiennes », ajoute Christel Nielsen.

La popularité croissante des tatouages donne à cette étude une réelle portée en matière de santé publique. Le lien observé entre tatouage et mélanome ne prouve pas une relation de cause à effet, mais il suggère une tendance préoccupante qui nécessite des recherches approfondies.