Parti alors qu’il avait 18 ans, « j’ai vraiment vécu à Dinan avant », dit-il, avec une heureuse nostalgie. Né à la clinique Legrand, « qui n’existe plus aujourd’hui », Olivier Gabet grandit dans une ville qu’il affectionne toujours beaucoup et décrit comme « très charmante, à taille humaine », où tout se fait à pied : l’école du Sacré-Cœur, les Cordeliers, les maisons familiales, les grands-parents qu’il peut rejoindre « en quelques minutes ». « Des cadres familiaux très différents aussi » : un ancrage à la fois affectif et intellectuel. « C’était très joyeux », sourit le quadra plongé dans ses souvenirs.

Les Cordeliers et La Grande Vigne

L’homme évoque aussi une histoire plus intime, la perte de sa maman à sept ans, puis l’arrivée d’une belle-mère « que j’aimais beaucoup », et un environnement qui nourrit très tôt sa sensibilité : la proximité de la mer, les navigations sur la Rance, « ce substrat historique partout présent ». « On évolue dans l’histoire. Je pense que ça vous marque profondément quand vous êtes enfant ». Les Cordeliers jouent un rôle décisif : « une tradition humaniste », un corps enseignant « fabuleux ». « C’est beaucoup de ce qui vous constitue culturellement, intellectuellement » ajoute-t-il, sans oublier son érudit papa, ancien professeur de philosophie « qui reste une figure dinannaise ».

Dans son adolescence, un autre lieu de la ville comptera : la Maison de la Grande Vigne d’Yvonne Jean-Haffen. « Je ne l’ai jamais rencontrée, mais j’ai d’abord rencontré son travail là-bas. J’y ai été guide un été ». Plus tard seulement, avec les études d’histoire de l’art, il comprend « ce qu’elle représente ». Aujourd’hui encore, il la lit encore différemment, « dans le contexte de la place des femmes artistes ». Il sera présent vendredi 5 à Paris, lors du dévoilement de la plaque en son honneur.

Orsay, Abu-Dhabi, les Arts décoratifs…

Après le lycée Chateaubriand à Rennes, il réussit l’École des chartes, puis l’Institut national du patrimoine.

Une salle du département des Objets d’art au musée du Louvre de Paris.Une salle du département des Objets d’art au musée du Louvre de Paris. (Le Télégramme/Audrey Viger)

Son premier stage ? Déjà au département des Objets d’art du Louvre. Il débute au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, puis rejoint Orsay pour l’art décoratif et l’art contemporain. « J’ai rencontré des artistes fabuleux ». En 2007, nouveau tournant : l’aventure du Louvre Abu-Dhabi. « Être à l’origine de la création d’un musée, ça arrive rarement. La première fois que je suis allé sur l’île, il n’y avait rien. C’est très fort ».

De 2013 à 2022, il dirige le Musée des Arts décoratifs : neuf années intenses de projets, d’expositions de mode, de design, d’acquisitions, d’apprentissage du mécénat.

En septembre 2022, il revient au Louvre comme directeur du département des Objets d’art. Un établissement hors norme, une équipe de dix conservateurs, un rôle central dans les avis patrimoniaux et les certificats de sortie du territoire. « On est à la fois dans l’histoire royale et dans la responsabilité contemporaine ».

Le choc du 19 octobre

Le 19 octobre, le vol des bijoux de la Couronne bouleverse ce quotidien. « C’est la crainte absolue de n’importe quel responsable de collection. Je n’étais pas à Paris quand je l’ai appris, je suis revenu le jour même. Quand je suis rentré dans la galerie d’Apollon, on sentait cette présence barbare. C’est comme une scène de crime. La vision de ces vitrines en partie vidées tient de la stupeur ». Il dit aussi la suite « la violence des attaques, des mensonges ». « Dans une vie de conservateur, c’est le pire, avec la destruction ou l’incendie », mais souligne la solidarité interne et internationale.

Une vue de l’exposition Louvre Couture 2024 dont Olivier Gabet était commissaire. Désormais, l’exposition est visible à Houston. Une fierté.Une vue de l’exposition Louvre Couture 2024 dont Olivier Gabet était commissaire. Désormais, l’exposition est visible à Houston. Une fierté. (Musée du Louvre – Nicolas Bousser)

Il a surtout envie de regarder l’avenir : la donation Lacoste, les futures acquisitions, la circulation internationale de l’exposition Louvre Couture dont il était commissaire. Et aussi, Dinan. « Il y a un projet de musée. Le maire et le directeur du musée m’ont demandé de contribuer à la réflexion en faisant partie du conseil scientifique. Ça m’intéresse beaucoup ».

Ce sera une occasion supplémentaire pour Olivier Gabet de revenir auprès de sa famille et son père, avec qui il aime partager un café sur l’un de ses endroits préférés, la place Saint-Sauveur.