En 2025, l’Aéroport Marseille Provence devrait atteindre les 11,2 millions de passagers. Il maintiendra sa place de 2e aéroport français en région et son rang de leader sur le fret. Mais si le transport de voyageurs et de marchandises reste son cœur de métier, il entend accentuer son rôle d’outil de développement du territoire, comme l’a indiqué son président du directoire, Julien Coffinier, à l’occasion d’un événement organisé, le 2 décembre, sous le titre « Impulsions » dans son terminal 1.

« Entre nos 380 salariés et les 5 000 personnes qui travaillent sur la plateforme aéroportuaire, 15 000 emplois sont générés in fine par nos activités. Nous voulons nous développer à l’horizon 2030 de manière raisonnée, sans course à l’échalote, avec du trafic qui rapporte de la valeur au territoire. Notre transformation environnementale, sociétale et de notre modèle d’affaires va représenter un investissement total de 400 M€ dont 300 pour l’Aéroport et 100 à travers le projet Aequatio. »

Cette ambition offre une trajectoire dans la durée. Mais Julien Coffinier espère qu’elle ne sera pas fragilisée par le contexte financier incertain de la France. 

 « Notre secteur est de plus en plus fiscalisé et plus on le sera, plus il sera difficile de le décarboner, assure-t-il. Le coût de la touchée d’un appareil sur les aéroports français a progressé de 21 % entre 2023 et 2025 quand la hausse moyenne a été de 11 % en Europe. L’offre de sièges par les compagnies aériennes a augmenté de 1,5 % dans notre pays contre + 4,5 % ailleurs en Europe. Quand la France est en déclassement, ralentie, l’activité touristique est impactée. C’est un défi à surmonter pour continuer à croître ».

Des expérimentations pionnières

Dans sa feuille de route, l’Aéroport veut diversifier ses ressources sur les activités extra-aéronautiques, comme l’offre commerciale. « L’expérience passager » intégrera de nouveaux services pour accélérer les flux sans pour autant alléger la sécurité. Des assistants vocaux intelligents disponibles en 30 langues (Hubway) aident déjà à s’orienter, des bornes d’échanges vidéo (Skalink) à s’informer, même quand le bureau d’information est fermé. En cinq ans, une trentaine d’expérimentations devraient être menées. 

L’Aéroport se revendique également « pionnier en Europe » pour la mise en place d’une identification par « biométrie au porteur » qui stocke les données uniquement sur le smartphone du voyageur en vue de fluidifier son franchissement des contrôles de sécurité et d’identité jusqu’à la salle d’embarquement. Engagée avec Air Corsica, l’initiative est conduite avec l’accord de la CNIL et de la DGAC et grâce aux industriels IN Groupe et Embross. Elle pourrait prendre une nouvelle ampleur en 2026 au niveau européen. Pour Julien Coffinier, il s’agit de débarrasser les passagers de tout souci pour que « l’aéroport soit déjà le début du voyage ».

Décarboner et solariser l’Aéroport Marseille Provence

La décarbonation constitue le deuxième pilier de l’évolution annoncée. L’Aéroport a entamé largement le travail sur la réduction des émissions liées à ses propres activités. En dix ans, elles ont chuté de 74 %, l’objectif est d’atteindre – 90 % à 2030. Mais elles ne représentent qu’une part infime de l’activité globale aéroportuaire puisque les mouvements d’avions et les accès des voyageurs pèsent 99 % !

Pour entraîner leur diminution, l’équipement du tarmac va être complété entre 2026 et 2028 en dispositifs d’air préconditionné (PCA) pour que les appareils n’aient plus à conserver leurs moteurs allumés pour rester climatisés quand ils sont à l’arrêt. L’électrification des engins mobilisés sur les pistes sera également renforcée. Parmi les autres axes envisagés, la solarisation de deux parkings avec des ombrières photovoltaïques, P8 à fin 2027 et P12 Super Eco à fin 2029.

Avec, à l’avenir, une production de 14,1 GWh/an, 3 350 tonnes d’émissions de CO2 devraient être évitées. L’investissement permettra de passer à terme de 20 % à 35 % d’autoconsommation énergétique. La part d’énergie réinjectée sur le réseau approvisionnera les communes voisines. Terres d’Energie Développement, née d’un accord entre la Banque des Territoires et l’énergéticien Ténergie, implanté en Provence, en aura la charge, après avoir remporté l’appel d’offres de l’aéroport qui intéressait 13 candidats.

« On participe au financement pour consolider l’assise financière du projet, Tenergie, deuxième producteur indépendant français, fournit l’expertise technique. Notre intérêt est d’accompagner la décarbonation sous différents angles afin d’accélérer la transition écologique. Ce partenariat a vocation à regarder d’autres appels à projets sur le plan national », souligne Alexis Rouque, directeur régional de la Banque des Territoires.

Des réflexions sont également menées par l’aéroport pour se raccrocher au projet de réseau de chaleur urbain envisagé par la ville de Vitrolles. Un appel d’offres a été lancé par la mairie. Les résultats devraient être dévoilés en 2026.

Des carburants de proximité pour plus de compétitivité 

Mais c’est surtout sur l’approvisionnement en « carburants d’aviation durables » que l’Aéroport entend jouer pour se décarboner, en développant des partenariats avec des industriels aptes à les fournir à proximité, comme le SAF dont la production a débuté cet été chez TotalEnergies à La Mède et demain, H4 (porté par H2V et Hy2Gen) sur les carburants de synthèse à Fos-sur-Mer. Les compagnies peuvent incorporer 2% de SAF aujourd’hui, ce sera 6 % en 2030, 20 % en 2035 et jusqu’à 70 % en 2050.

L’aéroport anticipe la montée en puissance. « C’est un avantage énorme de pouvoir offrir une solution d’économie circulaire et en circuit court qui ne nécessite pas de modification des moteurs. La massification de l’usage des carburants durables fera baisser les prix » indique Jean-Michel Diaz, directeur régional de TotalEnergies, convaincu que cette proximité peut devenir un atout compétitif pour l’aéroport vis-à-vis des besoins des compagnies aériennes. Le surcoût lié au SAF est en effet aujourd’hui trois à cinq fois supérieur à celui du kérosène.

« Air France veut réussir à incorporer 10 % de SAF dès 2030, malgré une équation économique complexe. Il faudra que tout le monde participe », confie Victoria Morin, responsable Développement durable de Transavia, filiale d’Air France, pour qui le renouvellement de la flotte ou l’écopilotage des appareils contribueront aussi à la transition écologique. 

Aequatio : un nouveau quartier à deux pas des pistes © Vinci immobilier-Carta/RRA-Atelier Franck Boutte-Katene-Secmo – Vue aérienne du futur campus Aequatio.

Situé sur un terrain de 5,5 hectares, le projet « Aequatio » porté par Vinci Immobilier se pose en futur « campus d’activités nouvelles générations » où, sur 33 000 m2 de bâtiments, se répartiront bureaux, locaux de « soft industries » (mêlant tertiaire et ateliers), services, loisirs, espaces de restauration ou de bien-être, crèche, auditorium de conférences, hôtel de 120 chambres, 700 places de stationnement en parkings-silos… Les édifices combineront béton et bois et émergeront au milieu de zones végétalisées pour créer des îlots de fraîcheur naturels.

Pour Virginie Leroy, présidente de Vinci Immobilier, « l’emplacement est exceptionnel pour donner vie à un vrai quartier qui prend en compte la préservation de l’environnement pour créer un écrin de verdure et anticiper les changements climatiques ». « Le positionnement du bâti a été choisi en tenant compte du sens du vent. L’idée était de faire pousser ce quartier sur la nature, en conservant les bosquets existants, et d’ajouter entre les bâtiments des arbres, des noues paysagères, de végétaliser les toitures, pour qu’il s’impose comme un nouveau lieu de vie », ajoute l’architecte, Stephan Bernard, directeur général de Carta – Reichen et Robert Associés.

La commercialisation commence. Les travaux devraient débuter mi-2027 pour une première livraison en 2029.