À 85 ans, Marcel Eve continue de décrocher des titres mondiaux et d’établir des records avec son vélo

Ancien de la Garde républicaine, cycliste tardif, mais infatigable, Marcel Eve, 85 ans, vient de décrocher deux nouveaux titres mondiaux et un record de l’heure sur piste.

À 85 ans, Marcel Eve continue de défier le temps comme s’il n’avait jamais envisagé de lui céder la priorité. Cette année encore, le doyen du cyclisme vétéran a ajouté trois nouvelles lignes à un palmarès déjà improbable. Un titre de champion du monde du contre-la-montre et de la course sur route dans sa catégorie des 85-89 ans, et un nouveau record de l’heure sur la piste de Bordeaux, porté à 36,883 km. « On me dit que c’est énorme. Moi je fais ce que j’ai à faire », s’étonne-t-il encore de sa récente notoriété.

Le vélo n’était pourtant pas destiné à entrer dans sa vie. Cet enfant de la ferme, élevé au rythme des bêtes et des journées sans fin, n’a pas eu le droit au sport. À 48 ans, après des années passées au sein de la Garde républicaine, Marcel Eve quitte Paris pour suivre sa femme, enseignante, dans le département des Pyrénées-Orientales. Il passera dix autres années à travailler auprès de jeunes handicapés à Bompas, avant d’atteindre la retraite. C’est à 60 ans seulement que le Canouhard, sportif accompli, en particulier dans la course à pied, s’autorise enfin ce qu’il avait dû taire enfant. Celui de devenir coureur cycliste. « Je me suis dit, tu vas te faire plaisir. » Le plaisir s’est transformé en passion, puis en trajectoire.

Ami avec Michel Jazy

Sept titres mondiaux plus tard, Marcel Eve reste le plus âgé dans les pelotons et « ne voit toujours pas de raison de s’arrêter. » Sa ligne de conduite n’a d’ailleurs jamais varié. « Il faut respecter son corps. » Pas d’excès, pas de régime, pas de traitement donc. Mais une règle intangible, l’échauffement. « Si vous trichez avec votre corps, il vous punit. En soixante ans de sport, pas une contracture ! Quand je regarde les jeunes partir comme des fusées sans chauffer, je me dis qu’ils vont au-devant des ennuis. »

Au programme, cinquante minutes d’échauffements tous les matins, puis des étirements, quatre sorties de deux à trois heures chaque semaine. Et une conviction : « On doit bouger, à tout âge. Une passion ou un sport, peu importe, mais il faut faire quelque chose. »

« Sa méthode », il la doit en partie à Michel Jazy, immense coureur et ami. « Il m’a transmis ce principe simple et intemporel : terrain varié, allure variée. Je n’ai pas d’entraîneur ni de capteurs sophistiqués. » Juste une discipline que les années n’ont jamais fissurée. Sur les routes de Canohès ou dans les cols de ses montagnes, il roule seul ou avec un ami plus jeune, Claude Artaud, « mon lièvre », plaisante-t-il.

Fausto Coppi, Robert Oubron, Antonio Montes, Henri Desgrange…

Parmi les coureurs cyclistes qui l’ont façonné, Marcel Eve cite les exploits de Fausto Coppi, dit « le campionissimo », son idole absolue. Il évoque aussi Robert Oubron, Antonio Montès, Henri Desgrange… Tous ces géants d’un autre temps qui avalaient les étapes avec des vélos lourds sur des routes qui n’avaient rien à voir avec celles d’aujourd’hui. « Ils étaient très forts », ajoute-t-il, sans chercher à comparer les générations.

À 85 ans, Marcel Eve ne se contente pas de regarder derrière lui. Il projette déjà 2026 où il entend bien défendre sa couronne au Japon. Dans deux ans, ce sera la Suisse, puis l’Autriche. Un tour du monde suspendu à la force de ses jambes, et de son mental. « On diminue, c’est obligé. Mais moi, je me sens comme si j’avais 40 ou 50 ans. La suite, on verra bien. Tant qu’il reste quelqu’un derrière moi, je continue. »

Les Catalans qui gagnent

Tous les ans, L’Indépendant met à l’honneur les Catalans qui ont marqué l’année. Ils sont artistes, sportifs, artisans, auteurs d’exploits… Des parcours hors du commun localement, mais aussi des gens d’ici qui ont brillé à travers la France, et le monde.

Marcel Eve fait partie des Catalans qui gagnent édition 2025.

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