L’idée républicaine de la culture pour tous est-elle compatible avec le choix d’une segmentation de ses tarifs ? Comme la plupart de ses voisins européens, la France augmente depuis quelques années les prix d’entrée de ses grands musées. Il s’agit d’amortir le choc de la poussée inflationniste post-pandémie et d’affronter la rigueur budgétaire. Et les billetteries constituent d’importantes rentrées d’argent, à côté du mécénat et des subventions publiques.

Pour continuer de faire vivre ces lieux de culture qui supposent d’exorbitants coûts de fonctionnement et de rénovations indispensables à la conservation des œuvres et à l’accueil des visiteurs, il n’est pas illogique de faire participer ces derniers, à hauteur de leurs moyens. Et pourquoi ne pas taxer les touristes étrangers qui, on le sait, n’hésitent pas à mettre la main à la poche ? C’est à partir de cette vieille idée, soutenue par le gouvernement, que dès janvier 2026 le Musée du Louvre augmentera de 45 % le prix du billet d’entrée pour ses visiteurs extra-européens.

Attention à la rupture d’égalité

La logique est implacable, surtout dans le cas du Louvre où plus des trois quarts des visiteurs sont étrangers. Mais elle supporterait quelques précautions, impossibles à garantir, pour éviter les glissements vers la rupture d’égalité. Notamment être en mesure de s’assurer que la différentiation des tarifs soit pensée en fonction des moyens et non de l’origine, et si possible dans le sens de la dégressivité, sous peine d’apparaître discriminante, voire xénophobe.

Par ailleurs, peut-on se comporter en « propriétaires », quand on sait que les œuvres de nos musées proviennent des quatre coins du monde et qu’elles furent parfois acquises, ou volées, dans des contextes de guerre ou de domination coloniale ? Faire vivre nos musées doit rester un objectif de nos politiques culturelles, mais pas à n’importe quel prix pour nos valeurs démocratiques.