Silence radio : pas un mot, pas une virgule, pas un reportage, l’omerta jusqu’au bout. Sur France 3, les téléspectateurs ne sauront rien de cette commission d’enquête parlementaire sur la neutralité, le fonctionnement et le financement sur l’audiovisuel public. Un choix éditorial clair, alors que la directrice de France Télévisions, Delphine Ernotte, sera auditionnée par cette commission le 10 décembre prochain, une information qui ne sera jamais diffusée. Le service public semble vouloir sous-médiatiser cette commission d’enquête, et surtout verrouiller la façon dont elle est abordée à l’antenne. Pour preuve, la seule fois où France Info TV a décidé d’aborder ce sujet, le 27 novembre dans l’émission Tout est politique, le journaliste de l’antenne a dû reprendre mot pour mot, intervenant pour intervenant et commentaire pour commentaire, le seul reportage produit par France 2 deux jours plus tôt, un fait rarissime, voire inédit. Pour éviter tout rapprochement, seul le sujet réalisé par France 2 est disponible en replay et sur Internet.

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L’émission de France Info interroge ensuite le rapporteur de cette commission, le député UDR Charles Alloncle (sa seule invitation), d’une façon surprenante : « Est-ce que l’idée, ce n’est pas de faire la peau de l’audiovisuel public ? », « Il y a tout de même une arrière-pensée politique », demandera naïvement Nathalie Saint-Cricq. « L’Arcom ne nous a jamais sanctionnés », martèle la présentatrice. Aucune question d’autocritique ne sera formulée. Seule France Culture aura produit plusieurs reportages et une émission nuancés sur le sujet.

Plus globalement, durant cette semaine, les médias de l’audiovisuel public n’auront pas mentionné une seule fois les 80 millions d’euros de déficit, les liens entre certains directeurs de France TV et des responsables socialistes ou écologistes, ou bien les révélations du Figaro pointant l’impartialité contestée des matinales de Radio France, qui pencheraient… à gauche.

France Inter : la défense en bloc et la contre-attaque

« Je vous préviens, je suis juge et partie, je ne me cache pas derrière mon petit doigt. » Par ces mots, Fabienne Sintes ouvre sur France Inter son émission du 26 novembre intitulée : « La commission parlementaire : Quel audiovisuel public pour demain ? ». Une confession louable et nécessaire vis-à-vis des auditeurs. La présentatrice veut montrer sa tentative d’impartialité lors de cette émission, mais la réalité sera tout autre et le débat bien orienté en faveur de l’audiovisuel public. La quasi-totalité des auditeurs intervenus prennent clairement la défense du service public. Nicolas – pas celui qui paie visiblement – affirme préférer celui-ci « aux médias détenus par des milliardaires et leurs visions ». Fabienne explique écouter France Inter « de 9 h à 19 h » et adorer cette radio, tout en admettant se sentir exclue, n’étant « pas une bobo parisienne ». Sandrine, elle, redoute qu’une éventuelle privatisation de Radio France n’ouvre la voie « au complotisme » et, à terme, « à la fin de la démocratie ».

La quasi-totalité des auditeurs intervenus prennent clairement la défense du service public

Un argumentaire repris en chœur par la présentatrice et la députée écologiste Sophie Taillé-Polian invitée sur le plateau. Cette ardente militante de la fermeture de CNews partagera ensuite une fausse information diffusée par Reporters sans frontières concernant un soi-disant non-respect du temps de parole par la chaîne d’information, malgré le démenti ferme de l’Arcom. Seul le député RN Philippe Ballard, présent sur le plateau, rappellera la mission de neutralité du service public et les 4 milliards de budget alloués chaque année à ces médias pourtant déficitaires.

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Cette émission, même orientée, sera la seule à traiter cette commission sérieusement. Aucun reportage ne sera réalisé par France Inter ; le reste de l’antenne s’efforcera de la tourner en dérision. Les humoristes Charline Vanhoenacker, Daniel Morin et Véro Clederman-Pilouchet seront chargés de la décrédibiliser, dénonçant « les obsessions » d’Éric Ciotti ou ironisant sur le penchant « gauchiste » de la radio publique. Une stratégie efficace, qui permet de faire oublier les questions d’impartialité, de budget, de sectarisme, de conflits d’intérêts et d’entre-soi… tous les sujets pourtant à l’origine de cette commission d’enquête.