C’est une question qui revient régulièrement dans les débats : la gratuité des transports en commun. Tout comme les discussions sur le partage de l’espace public et des modes de déplacements, véritable enjeu des élections municipales à Paris.

Ce jeudi, le candidat (Les Écologistes) et adjoint aux mobilités d’Anne Hidalgo, David Belliard, annonce vouloir rentre les déplacements en bus pour les lignes qui sont dans Paris intra-muros (62 lignes) gratuits pour les Parisiens.

« On a transformé très fortement Paris pendant ce mandat. Mais pour réussir ces transformations, ces changements d’habitude, il faut aussi proposer des solutions. Je veux que le bus devienne rapide et gratuit pour les Parisiens », présente David Belliard.

Verser 30 millions d’euros à l’exploitant

Pour lui, ce mode de déplacement, qui génère « 227 millions de voyages par an à Paris », est « écologique et d’avenir ». Cette gratuité s’organiserait via un passe que les Parisiens pourraient retirer en mairie et utiliser sur les lignes à l’intérieur de la capitale. Pour le financement de cette mesure de gratuité pour les 62 lignes « à deux chiffres », il entend proposer une convention avec l’exploitant pour couvrir le coût. Une décision qu’il estime à 30 millions d’euros.

Outre la gratuité, le candidat vert veut des bus rapides. « La mesure n’est pas de ne plus payer pour rester coincé dans des bouchons », prévient-il. Pour cela, il veut produire sur le prochain mandat 40 km de nouvelles voies de bus (14 km ont été créés sur le mandat qui s’achève).

Cela passera par une priorisation des 10 lignes les plus utilisées (26, 31, 38, 47, 54, 60, 62, 64, 91 et 92) mais aussi des carrefours où les bus sont victimes de l’embolie du trafic. « Il y a des solutions qui existent et fonctionnent comme les feux prioritaires que l’on expérimente à Bastille (XIe) », cite, en exemple, David Belliard. Pour lui, le développement du bus permettrait de diminuer l’usage de la voiture et plus de piétonnisation.

Dix lignes express proposées par le PS

Il rejoint là l’idée du candidat socialiste, Emmanuel Grégoire. Conscient que « de moins en moins de personnes utilisent le bus, en raison des retards de circulation », celui-ci entend « faciliter le trajet quotidien de près de 250 000 Parisiens par la mise en sécurité intégrale, en un an, voire un an et demi, des dix lignes les plus empruntées ».

Quand certains reprochent à la Ville, via ses politiques municipales sur la chaussée, d’avoir été l’une des causes du ralentissement de la circulation des bus parisiens, le candidat à la mairie rappelle « qu’il y a eu des problèmes de recrutement avec des difficultés rencontrées par la RATP en 2020-2021 en raison du Covid et un désamour pour ce moyen de transport ». Un développement du bus qui, espère-t-il, bénéficiera aux « plus précaires, aux jeunes, aux familles, et aux seniors » qui sont les principaux usagers.

Quand on évoque la hausse des embouteillages dans Paris, David Belliard reconnaît « qu’il y a moins d’espaces, des difficultés à circuler pour les bus (9 km/h en moyenne à Paris) mais qu’il y a des endroits où c’est plus fluide ».

La gratuité n’est pas la priorité, pour les usagers

Pour l’écologiste, ce sont les utilisations interdites des voies de bus et le blocage des carrefours par les automobilistes qui seraient les principales causes des ralentissements du bus. En 2023, plus de 120 000 amendes ont été dressées à Paris via la vidéosurveillance par la préfecture de police pour non-respect des voies de bus.

« La priorité ce n’est pas la vitesse ni la gratuité, mais surtout la régularité, que l’usager puisse être sûr d’arriver à l’heure une fois qu’il est à l’intérieur », considère d’ailleurs Jean-Loïc Meudic, vice-président de l’association des usagers des transports Fnaut-IDF, et spécialiste du bus.

Pour lui, la gratuité « amènerait beaucoup de perturbations (une surcharge plus importante) ». « Il y aurait un effet d’aubaine très marginal mais avec 4 ou 5 % de fréquentation en plus, cela peut provoquer le chaos alors que des bus sont déjà bondés et la gratuité malheureusement déjà en place avec ceux qui ne paient pas », déplore l’expert qui invite les responsables à concentrer leurs efforts sur les carrefours et feux tricolores. Récemment, il avait d’ailleurs mené une étude sur plusieurs mois où il avait constaté sur 130 km de trajet à Paris, que les bus s’arrêtaient tous les 300 m (hors arrêts commerciaux).

Différents rapports sénatoriaux, régionaux ou de la Cour des comptes ont, à plusieurs reprises, conclu sur la difficulté d’une mise en place de la gratuité des transports en commun. Mais ils n’avaient pas spécifiquement concentré leurs travaux sur les 62 lignes intra-muros. Alors que la dégradation du service des bus parisiens est souvent moquée, cette proposition choc de David Belliard risque d’amener de fortes réactions (et critiques) ces prochains jours.