Les cinq photos étaient exposées aux yeux de tous, rue des Lisses, dans le Petit Bayonne.

Les cinq photos étaient exposées aux yeux de tous, rue des Lisses, dans le Petit Bayonne.

Joséphine Sirol

Le centre d’art dédié aux cultures urbaines expose, jusqu’au 3 janvier, l’artiste témoin de l’émergence du mouvement hip-hop en France (1). La galerie spiritaine donne à voir ce…

Les cinq photos étaient exposées aux yeux de tous, rue des Lisses, dans le Petit Bayonne.

Les cinq photos étaient exposées aux yeux de tous, rue des Lisses, dans le Petit Bayonne.

Joséphine Sirol

Le centre d’art dédié aux cultures urbaines expose, jusqu’au 3 janvier, l’artiste témoin de l’émergence du mouvement hip-hop en France (1). La galerie spiritaine donne à voir ce travail au grand intérêt graphique et documentaire entre les murs de son local, rue Saint-Catherine. « Nous avons toujours un volet extérieur, avec le mur du Petit Bayonne dont s’emparent les artistes que nous accueillons », situe la coordinatrice artistique Joséphine Sirol. C’est là qu’a eu lieu le forfait.

Kaxu tient à cette idée de faire le mur dans la rue. Ou plutôt le « M.U.R. », pour « Modulable. Urbain. Réactif. » « Les artistes que nous invitons acceptent de créer une œuvre sur cet espace. Il y a un côté performance. Les gens peuvent voir le travail de l’artiste se faire. Pour nous, cette proposition est aussi importante car elle s’accorde avec notre vocation de défendre le street art. » Kaxu se reconnaît dans cette manière d’amener l’art dans le quotidien, sur le terrain des gens, d’aller les interpeller à même la rue.

Disparition

Joséphine Sirol connaît « le risque » inhérent. « Et les artistes muralistes savent à quel monde ils appartiennent. » Une fresque de graffeur s’offre aux aléas et son auteur en accepte l’augure. « Le vandalisme est une possibilité. On a l’habitude des ‘‘toy’’, quand quelqu’un vient ajouter une inscription sur une peinture. C’est la vie de l’œuvre. Mais avec un vol, on la fait disparaître. » Ici, l’accaparement soustrait la création aux regards possibles, il retranche au « commun ».

Quand j’accepte cette collaboration, ce n’est pas par intérêt financier mais pour leur énergie dans la transmission d’une culture

Sans parler du préjudice occasionné, à l’auteur comme à la galerie qui assume la responsabilité de l’exposer. « Il y a une perte financière, forcément », déplore Joséphine Sirol. Depuis Paris, où précisément elle prépare une exposition de plein air, Maï Lucas souligne « l’engagement des gens de Kaxu ». « C’est une structure associative, très pro, dans une économie fragile. Quand j’accepte cette collaboration, ce n’est pas par intérêt financier mais pour leur énergie dans la transmission d’une culture. On sait tous que c’est compliqué pour les associations culturelles dans une époque de crédits en baisse. » L’artiste elle-même investit dans sa production : « Le public ne doit pas s’y tromper, ce n’est pas parce qu’on est exposé ou qu’on édite un livre que l’on a beaucoup d’argent. Il y a des coûts pour nous aussi. »

Geste de passion

Maï Lucas photographie depuis les années 1980 ceux qui ne sont pas encore les figures du hip-hop en France : Joey Star, Mc Solaar, Assassin, BLove, Bando, Mode2, Sign, Lady V, les Ladie’s Night… Des décennies d’expositions, « mais c’est la première fois qu’on me vole des photos ». Cinq clichés apposés sur trois plaques « Dibond ». « Chaque panneau fait 1,5 mètre par 2 mètres, situe Joséphine Sirol. C’est très lourd. Il faut être au moins trois pour les décrocher. Les voleurs ont dû venir de nuit, avec une échelle. Ce n’est pas fait à l’arrache. »

J’imagine que ceux qui ont fait ça sont des fans de cette culture

Maï Lucas ne pense pas les malandrins mus par l’appât du gain. « Ce vol m’a surprise. J’y ai réfléchi. Ce sont des photos de personnalités importantes comme DJ Fab, Vincent Cassel, Dee Nasty, Futura 2000… J’imagine que ceux qui ont fait ça sont des fans de cette culture. » La photographe y lit « plus un geste de passion que lucratif ». Il dirait certainement quelque chose de la place acquise par cette culture qu’elle a vu naître dans les marges, il y a 40 ans. Et en cela, Maï Lucas peut juger la déconvenue « intéressante ».

Il n’en reste pas moins l’atteinte à l’artiste et à Kaxu. La galerie a porté plainte. « Mais cette histoire ne nous décourage pas. Bien sûr, on va continuer à utiliser le mur », assure Joséphine Sirol. Dès le mois de janvier, où le street-artiste et plasticien Tomas Lacque l’investira.

L’exposition « Hip Hop Diary of a Fly Girl, 1986-1996 Paris » est à voir jusqu’au 3 janvier, à la galerie Kaxu, quartier Saint-Esprit.

L’exposition « Hip Hop Diary of a Fly Girl, 1986-1996 Paris » est à voir jusqu’au 3 janvier, à la galerie Kaxu, quartier Saint-Esprit.

Bertrand Lapègue / SO