Des tomates moins vulnérables aux pucerons ? Du blé plus résistant aux sécheresses ? L’UE a trouvé un accord pour permettre le développement de certaines plantes provenant de nouvelles techniques génomiques.

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Publié le 04/12/2025 17:44

Temps de lecture : 7min

Un champ de maïs, dans les Landes, le 9 juin 2025. (VERONIQUE TOURNIER / AFP)

Un champ de maïs, dans les Landes, le 9 juin 2025. (VERONIQUE TOURNIER / AFP)

Après les organismes génétiquement modifiés (OGM), les Européens vont-ils découvrir les plantes provenant de nouvelles techniques génomiques (NGT) ? A l’issue de longues discussions, les députés européens et les Etats membres de l’UE ont trouvé un compromis dans la nuit du mercredi 3 au jeudi 4 décembre sur le développement de ces plantes au génome modifié dans l’agriculture. L’accord, qui assouplit les règles actuelles, était réclamé par la puissante organisation agricole Copa-Cogeca, comme par les grands semenciers, au nom de la compétitivité européenne face aux Etats-Unis et à la Chine, qui ont déjà autorisé les NGT. Des organisations environnementales dénoncent à l’inverse un danger. Pour entrer en vigueur, cet accord doit encore être approuvé par les Etats membres et le Parlement européen. Mais les NGT sont déjà au cœur d’un vif débat politique.

Des organismes génétiquement modifiés mais pas « transgéniques »

Les OGM sont obtenus par l’introduction dans leur code génétique d’un ou plusieurs gènes provenant d’une autre espèce. Cette technique est appelée « transgenèse », d’où l’expression d’animaux ou de plantes « transgéniques ». Le maïs Monsanto 810 est ainsi obtenu grâce à l’ajout d’un gène issu d’une bactérie du sol pour qu’il produise une toxine tuant les insectes qui ravagent habituellement les épis. Le blé HB4, dont l’Argentine a autorisé la culture et la commercialisation en 2022, est lui conçu à partir d’un gène de tournesol résistant à la sécheresse.

Au sein de l’Union européenne, il faut une autorisation préalable pour cultiver des organismes génétiquement modifiés ou les mettre sur le marché, après une évaluation des risques pour la santé et l’environnement. Les OGM autorisés sont soumis à une obligation de surveillance, de traçabilité et d’étiquetage. Seul le maïs Monsanto 810 est autorisé dans l’UE et cultivé sur de petites surfaces en Espagne et au Portugal. En France, la culture d’OGM à des fins commerciales est interdite depuis 2008.

Les plantes obtenues à l’aide de nouvelles techniques génomiques (NGT) sont elles aussi génétiquement modifiées, mais les gènes qui les modifient sont prélevés dans la même espèce. Il peut s’agir de renforcer une tomate vulnérable aux pucerons en lui donnant un gène issu d’une autre variété de tomate plus résistante. Les semences obtenues par NGT sont donc bien des organismes génétiquement modifiés, mais elles ne sont pas « transgéniques ».

Dans le détail, deux catégories de végétaux NGT doivent être distinguées : les NGT-1 (dont le génome a subi 20 modifications maximum) et les NGT-2 (qui en ont subi plus de 20). L’accord européen concerne les plantes de la catégorie 1, qui seront considérées comme équivalentes aux variétés classiques, alors que celles de la classe 2 seront frappées par les mêmes contraintes que les OGM traditionnelles. Selon les termes de l’accord, la présence de NGT de catégorie 1 devra figurer sur les sacs de semences achetés par les agriculteurs, mais pas dans l’étiquetage du produit final.

Des végétaux présentés comme plus résistants aux aléas climatiques

Avec le réchauffement climatique causé par les activités humaines, les cultures sont soumises à davantage d’aléas, comme des vagues de chaleur plus longues, plus précoces, plus intenses sur une plus grande partie de l’année, des sécheresses plus importantes ou encore des inondations plus fréquentes.

« Cette technologie permettra de cultiver des plantes résistantes au changement climatique et d’obtenir des rendements plus élevés sur des surfaces plus réduites », a salué l’eurodéputée suédoise Jessica Polfjärd, membre du Parti populaire européen, classé à droite. Les plantes issues des NGT mettent sur la table « davantage de solutions pour lutter contre les pénuries d’eau, la sécheresse, la hausse des températures », a estimé le centriste français Pascal Canfin. « Ces technologies ne sont absolument pas dangereuses. Il n’y a pas de risque », a-t-il insisté sur franceinfo.

« Si nous voulons suivre les évolutions climatiques et les besoins d’une nouvelle agriculture de précision avec moins d’engrais et de pesticides, sans l’édition génomique, j’ai peur que nous ne soyons pas dans la course », a déclaré Thierry Langin, président de l’Association française des biotechnologies végétales, dans le journal L’Opinion. « Ce n’est pas un projet, ce sont des choses que nous sommes en capacité de faire aujourd’hui. »

Des plantes critiquées pour leurs éventuels risques sur l’environnement

Dans un communiqué, l’Autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA) s’est montrée favorable à l’autorisation d’une partie des NGT. L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) s’est montrée plus prudente dans un avis rendu en janvier 2024. Elle souligne que les NGT « peuvent conduire à des modifications des fonctions biologiques des plantes », et potentiellement « induire des risques pour la santé et l’environnement ». Elle mentionne le cas d’une « pomme de terre résistante à un herbicide », d’un « blé à teneur réduite en gluten » ou encore d’un « riz à taille réduite ». L’agence sanitaire française préconise donc une évaluation « au cas par cas » des « risques sanitaires et environnementaux » avant toute mise sur le marché.

Interrogée au micro de franceinfo, Charlotte Labauge, chargée de campagne pour l’ONG Pollinis, s’inquiète d’un « non-respect du principe de précaution » concernant les NGT. Selon elle, « ils ne seront pas évalués au préalable, il n’y aura pas la possibilité d’annuler une autorisation accordée et pas de traçabilité ». Les consommateurs n’auront donc « pas accès à l’information en magasin », ce qui représente pour l’ONG « une atteinte au droit à l’information et à la liberté de choix ». Pollinis recommande, comme l’Anses, une évaluation « au cas par cas » des « risques sanitaires et environnementaux » avant toute mise sur le marché.

La propagation des variétés de NTG dans la nature est aussi un point de vigilance. L’Anses recommande de mener une surveillance environnementale pour détecter tout problème lié à l’usage de ces plantes génétiquement modifiées. Selon les termes de l’accord européen, les NGT résistantes aux herbicides ou produisant des insecticides ne seront pas autorisées sur le marché, au nom de la durabilité. Et dans l’agriculture biologique, aucune NGT ne sera tolérée.