« La Russie libérera le Donbass et la Novorossia par des moyens militaires ou autrement », a déclaré Vladimir Poutine dans une interview accordée à India Today avant sa visite officielle en Inde. « Tout revient à cela : soit nous libérons ces territoires par la force armée, soit les troupes ukrainiennes quittent ces zones et cessent le combat », a insisté Poutine. Cette déclaration change radicalement la perspective sur le conflit en Ukraine.
Historiquement, les dirigeants russes ambitionnent d’atteindre les embouchures du Danube depuis la fondation de la Russie impériale. Cet objectif fut formalisé par Catherine II, dite Catherine la Grande, qui fonda également la ville d’Odessa telle qu’on la connaît aujourd’hui.
Les Russes considèrent depuis longtemps ces territoires comme les leurs, même si l’histoire contredit la version du Kremlin. Le terme « Novorossia » (Nouvelle Russie) a été utilisé jusqu’au début du XXᵉ siècle et provient du gouvernorat de Novorossia, qui exista de 1764 à 1775 sous Catherine II, puis de 1796 à 1802 sous Paul Iᵉʳ. Il englobait des territoires de la côte nord de la mer Noire acquis par l’Empire russe à la suite des guerres russo-turques du XVIIIᵉ siècle. Si la Russie atteignait les embouchures du Danube, la Roumanie partagerait alors directement une frontière avec la Fédération de Russie.
Après l’invasion à grande échelle, plusieurs voix du Kremlin ont relayé l’idée de créer cette « Novorossia ». Au-delà de sa portée historique, Odessa est un carrefour économique vital pour l’Ukraine : troisième ville du pays, principal port, elle constitue le point central d’exportation du blé et d’autres récoltes ukrainiennes.
« Depuis le milieu du XXᵉ siècle, cette région est définie comme la côte nord de la mer Noire ou l’Ukraine du Sud. Aujourd’hui, on parle d’Ukraine du Sud-Est. Le terme Novorossia est désormais utilisé par les partisans d’une fédéralisation de l’Ukraine. Le président russe Vladimir Poutine lui-même a qualifié le Sud-Est de l’Ukraine de “Novorossia”. »
Histoire récente
En 2014, la période post-soviétique de l’Ukraine s’est assombrie avec l’annexion de la Crimée et la création des « républiques » séparatistes de Louhansk et Donetsk. Toutefois, des séparatistes prorusses proches de la frontière roumaine ont aussi tenté de créer un « État » dans la région d’Odessa. Un groupe de manifestants cherchant à pénétrer dans l’administration régionale a été repoussé par la force, et un drapeau russe hissé sur le bâtiment a été retiré.
L’ancien Premier ministre moldave Mircea Druc a expliqué dans un entretien à Digi24 que le plan de Poutine consistait à isoler l’Ukraine en lui coupant l’accès à la mer Noire et aux embouchures du Danube grâce à un corridor pro-russe Crimée-Odessa-Mykolaïv-Transnistrie, atteignant ainsi la frontière roumaine. Druc a souligné que ce plan échoue sans Odessa et Mykolaïv. Selon lui, cette stratégie visait à relier la Transnistrie et à former un nouvel État de la mer Noire — Malorossia ou Novorossia — non officiellement rattaché à la Russie mais entièrement contrôlé par elle, tout en repoussant l’Ukraine loin de la mer Noire et du Danube.
Ambitions militaires russes
Des images publiées le 30 août par le ministère russe de la Défense ont suscité des inquiétudes internationales. Lors d’un briefing militaire, derrière le chef d’état-major Valeri Guerassimov, une carte suggérait des ambitions territoriales élargies. Outre les régions officiellement revendiquées — Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporijjia — la carte incluait Odessa et Kharkiv, sous contrôle ukrainien, laissant entrevoir une extension russe jusqu’à la frontière roumaine. Même si la Russie ne contrôle qu’environ 4 % de Kharkiv et qu’Odessa reste sous administration ukrainienne, la conquête de ces zones offrirait des avantages stratégiques majeurs : accès total à la côte de la mer Noire, contrôle de nœuds de transport et de centres industriels vitaux, et une présence jusqu’aux embouchures du Danube, directement sur la frontière roumaine.
La diplomatie roumaine envisage depuis longtemps ce scénario comme le pire possible. L’ancienne ministre des Affaires étrangères Luminița Odobescu a déclaré à Digi24 que cela signifierait la Russie à la frontière de la Roumanie ou des navires russes patrouillant le Danube. Elle a souligné l’enjeu humain, rappelant que l’Ukraine défend sa souveraineté et sa population, et a insisté sur l’importance d’un soutien constant de la Roumanie et de ses alliés.
Medvedev menace « l’UE folle »
Dans le même temps, Dmitri Medvedev, vice-président du Conseil de sécurité de la Russie, a affirmé que si l’Union européenne saisissait les avoirs russes gelés, Moscou pourrait considérer cet acte comme un motif de guerre. « Si l’UE folle vole les avoirs russes gelés pour un “crédit de réparations”, nous pourrions considérer cela comme un casus belli, avec toutes les conséquences pour Bruxelles & Co. Ces fonds devront alors être restitués, non pas par voie judiciaire, mais sous forme de réparations réelles payées en nature par les ennemis vaincus de la Russie », a écrit Medvedev sur X.
La Commission européenne a approuvé un « crédit de réparations potentiel » pour l’Ukraine, impliquant l’utilisation des avoirs russes gelés. Ursula von der Leyen a expliqué le plan : selon le FMI, l’Ukraine aura besoin de 135 milliards d’euros pour 2026 et 2027 pour maintenir ses fonctions étatiques et poursuivre sa défense. L’UE a proposé un prêt de 90 milliards couvrant les deux tiers des besoins de Kyiv. La plupart des pays membres soutiennent le projet, mais la Belgique l’a critiqué, évoquant des risques pour la paix à court terme et d’éventuelles actions en justice de la Russie.
Source : Romania Journal.ro