Derrière les négociations sur le Donbass se cache une stratégie russe bien plus vaste : priver l’Ukraine de l’accès à la mer Noire et légitimer l’expansion par la force. Un risque d’escalade majeur, analysé par une experte d’Oxford.


Le Donbass, région déchirée de l’Est ukrainien, est au cœur de toutes les négociations de paix, mais aussi de la stratégie d’expansion de la Russie. Tandis que les envoyés américains s’entretenaient à Moscou avec Vladimir Poutine sans parvenir à un compromis, l’analyse d’une experte de l’Université d’Oxford, Dr Marnie Howlett, éclaire les raisons pour lesquelles la Russie ne compte pas s’arrêter là, et pourquoi céder ce territoire pourrait légitimer de futures invasions.

Couper l’accès à la mer Noire

Pour la Russie, le Donbass (constitué de Louhansk et Donetsk) est vital, non seulement pour étendre son territoire vers l’ouest en utilisant le récit des « Russes de souche » (Russes ethniques ou russophones), mais surtout comme tremplin pour un contrôle maritime total. Selon Dr Marnie Howlett, maître de conférences en politique russe à l’Université d’Oxford, la stratégie russe s’étend bien au-delà : « Au-delà du Donbass, Kherson, Mykolaïv et Zaporijjia deviennent très importants pour la Russie stratégiquement car cela leur donne un accès accru à la mer Noire […] et même à Odessa, ce qui couperait essentiellement l’accès de l’Ukraine à la mer Noire. »



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La Crimée étant déjà annexée, la prise de ces quatre régions permettrait à Moscou d’« étrangler l’Ukraine » en la privant de tout débouché majeur sur la mer. Cet objectif, qui consiste à fermer l’accès de l’Ukraine à la mer Noire, est fondamental pour la Russie, et Dr Howlett avertit : « Ce serait un argument expliquant pourquoi elle (la Russie) serait heureuse de simplement interrompre les combats maintenant pour acquérir des troupes pour continuer. » Le but n’est donc pas la fin du conflit, mais une pause tactique.

Cela ne fera que préparer le terrain pour de nouvelles invasions par la Russie

L’experte d’Oxford soulève un point crucial concernant les conséquences d’une éventuelle cession du Donbass. Accepter un changement de frontière par la force enverrait un signal désastreux : « La peur, et je pense qu’il y a beaucoup de vérité dans cet argument, c’est que si ces régions sont prises par la force, cela ne fera que préparer le terrain pour de nouvelles et supplémentaires invasions par la Russie », affirme-t-elle. Valider l’usage de la force pour modifier les frontières au 21e siècle, c’est légitimer l’escalade future.

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De plus, Dr Howlett insiste sur le fait que la Russie n’a montré aucune intention d’arrêter la guerre après l’acquisition de Louhansk-Donetsk, et qu’elle a plus de facilités à contrôler ces régions occupées depuis 2014, où elle a mis en place des « gouvernements fantoches » et une forme d’endoctrinement.



Quel message envoyé ?

Le second point essentiel est le rôle et la détermination de la société civile ukrainienne. La décision de cesser le combat est une question de principe et de valeurs. Pour les Ukrainiens qui ont des liens ancestraux avec ces terres, qui voient l’armée comme une armée civile de volontaires, céder du terrain soulèverait la question : « Toutes ces vies perdues l’ont-elles été en vain ? »

Tant qu’il n’y aura pas de garanties de sécurité claires et solides pour l’Ukraine (adhésion à l’OTAN, patrouilles aériennes), les Ukrainiens ne cesseront pas de se battre, même en cas de décision gouvernementale contraire. Les bataillons de volontaires continueront le combat. Toute négociation de paix doit impérativement inclure et respecter la voix des Ukrainiens, qui se sont massivement engagés pour une intégration européenne depuis 2013-2014, au péril de leur vie, refusant de rester sous la domination russe. Céder l’Ukraine, c’est pour Moscou accepter la fin de son rêve impérial.



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