Sortez les baïonnettes et barricadez le hall d’entrée de l’immeuble. Votre mission, si vous l’acceptez : sortir du local à vélo. Depuis la crise du Covid-19 il y a six ans, les citadins sont de plus en plus nombreux à se mettre au vélo : selon les données de la plateforme nationale de fréquentation, un dispositif de mesure des mobilités, l’usage du vélo a augmenté de 40% entre 2019 et 2024. Très bien, sauf que les espaces dédiés aux deux-roues dans le sous-sol ou les cours d’immeubles, eux, n’ont pas forcément suivi. Au point de provoquer de nouveaux conflits de voisinage.
« Chez nous, il y a trois locaux à vélo, dont deux en souterrain. Et tout le monde se bat pour le meilleur, se désole Caroline, propriétaire dans un grand immeuble nouvellement construit à Clichy. Dans le local principal, il y a des vélos jamais utilisés. De plus en plus de vélos-cargos et long-tails, qui sont très encombrants. » Longs, larges, lourds : ces nouveaux modèles remplissent les lieux encore plus vite. Et il s’en vend de plus en plus : Environ 33.000 en 2023, selon des chiffres de l’union cycles sport, soit dix fois plus qu’il y a six ans.
Petits sabotages entre voisins
Les places, précieuses, sont aussi occupées par des vélos abandonnés. Comme « des vélos d’enfants, tellement peu souvent utilisés qu’il y a des toiles d’araignée dessus », reprend Caroline. Résultat : « Il faut jouer à Tetris pour récupérer son vélo. » Constat similaire chez Lise. « Les gens mettent leur vélo dans la cour ou dans le couloir de la cave, parfois il faut jouer des coudes pour récupérer le sien, relate la trentenaire. Ça me décourage d’utiliser le vélo pour de petits trajets, je sais que j’en ai pour dix minutes à chaque fois. »
Parfois les tensions montent. D’abord par de petits accrochages. « Une fois, quelqu’un avait attaché mon vélo avec le sien dans un même antivol », raconte Caroline, qui pense plus à une confusion. « J’ai récupéré mon vélo électrique une fois débranché et deux fois déraillé, témoigne de son côté Elise, habitant dans le sud de Paris. Comme je savais que c’était toujours la même personne qui ne faisait pas attention aux vélos des autres, j’ai aussi déraillé son vélo pour me venger. »
Mais l’embrouille peut aussi devenir un peu plus directe. « Dans le local, il n’y avait aucun espace pour ranger les vélos, donc ils finissent juste empilés n’importe comment, raconte Emilie, qui habite à Montreuil. J’ai arrêté et je me suis mise à mettre le mien sur mon balcon. Sauf que là, c’est la voisine qui m’a signalé au propriétaire, parce qu’apparemment c’est interdit. La même a soutenu pendant un temps qu’en tant que nouvelles arrivantes, on n’avait pas le droit d’avoir une clé du local à vélo. »
Sabotages, petites délations, mots affichés ou disputes par téléphone : tout y passe. « Il y a des messages tous les jours sur les groupes WhatsApp de l’immeuble. Il y a des échanges hyper violents, mais bon, personne n’en est venu aux mains. » Pour l’instant.