Nirvana, Etienne Daho, Björk, Daft Punk, Stromae, Zaho de Sagazan… Toutes ces stars ont un point commun : ils sont passés aux Trans Musicales de Rennes. Un festival qui leur a permis de faire décoller leur carrière. Depuis 1979, les Trans ont forgé leur réputation de découvreur de talents. Et de gros pourvoyeur d’artistes pour les festivals du printemps et de l’été. « On nous appelle souvent le premier festival de l’année prochaine », observe Erwan Gouadec, le directeur des Trans.

Placé en toute fin d’année, début décembre, le festival rennais est le dernier festival de l’année, un moment idéal pour des programmateurs en plein bouclage de la saison suivante. Pour preuve, cette année, quelque « 2 000 accréditations ont été octroyées aux professionnels du secteur, en France, en Europe, et à l’international, pointe Erwan Gouadec. Un chiffre stable depuis plusieurs années ». « Cette année, on a pris un stand au Liberté pour toute une journée pour être en contact direct avec toute cette faune que drainent les Trans Musicales, appuie Pierre Blanc, directeur artistique du label Wiser Records. De jeunes artistes viennent aussi sans être programmés car ils se disent qu’ils vont y rencontrer des gens du métier. C’est là où on capte les artistes de demain ».

Un festival « incontournable » pour les professionnels

Mais si les Trans sont devenues « incontournables » pour les professionnels, elles le doivent d’abord à leur propre programmation. « C’est un lieu où on peut voir une quantité astronomique de concerts en très peu de temps (77 groupes et artistes programmés cette année) », pointe Alice Boinet, programmatrice artistique du festival Art Rock, à Saint-Brieuc. « Et puis ce sont des esthétiques très différentes », ajoute Victor Connan, programmateur des festivals Les Nuits secrètes et La Bonne Aventure, dans le nord de la France et qui, chaque année, ramène un ou deux groupes vus aux Trans dans ses festivals. « On peut passer d’un groupe de cumbia à une fanfare, puis de la musique japonaise entrecoupés de DJ sets de techno. Ça part dans tous les sens. Il n’y a pas vraiment d’équivalent en France. »

Une programmation variée, mais aussi « des choses qu’ils ne verront pas ailleurs », promet Erwan Gouadec. « Il y a beaucoup d’artistes étrangers pour qui les Trans sont la première scène en France, confirme Pierre Blanc. Et parmi les artistes français, il y a beaucoup de scènes montantes, donc on est encore sur du défrichage. Le fond de ma cible, ce sont d’ailleurs les émergents. En 2008, j’ai pris une claque avec la Britannique Ebony Bones. Je ne la connaissais pas. Son concert m’avait bluffé et je l’avais fait tourner au Japon et en Chine tout de suite après ». Alice Boinet, elle, se souvient du groupe TVOD l’an dernier. « J’ai adoré et j’ai appelé leur agent la semaine suivante pour les prendre sur Art Rock ».

« Ça leur met la pression »

Les Trans, un accélérateur de carrière dont sont bien conscients les artistes. « C’est une forme de reconnaissance et de légitimation, explique Asfar Shamsi, en résidence artistique avec Lynx IRL au théâtre L’Aire Libre pour le festival. On connaît des grands noms qui sont passés par là, c’est valorisant ». « Ça leur met la pression, ils se disent qu’ils jouent leur avenir car ils comprennent que s’ils jouent là, c’est une reconnaissance de leur musique en Europe et ça peut avoir un impact sur leur carrière », admet Pierre Blanc. « Pour nous, un concert réussi aux Trans, c’est le signe de la fiabilité d’un groupe, ajoute le programmateur des Nuits Secrètes. Pour les groupes qui débutent, on se dit qu’ils sont en capacité de tenir un concert d’une heure devant un public nombreux et dans des conditions techniques similaires aux nôtres ».

Pourtant, à écouter Erwan Gouadec, les Trans représentent moins qu’avant ce moment de vérité dans la carrière d’un artiste. « C’était surtout vrai dans les années 1990, à l’époque pré-internet. Quelques artistes qui avaient raté leur concert aux Trans nous ont dit qu’ils avaient eu du mal à rebondir après. Mais aujourd’hui, alors que l’industrie du disque n’est plus vigoureuse, on n’en est plus à se poser la question de la vie ou de la mort d’un groupe. Ils se mettent la pression car il y a beaucoup de professionnels présents, mais ça s’arrête là ». Cette année annonce-t-elle, cette fois encore, l’émergence d’une ou plusieurs stars de demain ? Bien malin qui pourrait l’affirmer avec certitude.