Dans les couloirs du Liberté, les premiers accords de musique résonnent déjà. Il est 17 heures et Stéphane entame sa première pinte de bière. Sans doute pas la dernière de ce marathon musical dont le départ vient tout juste d’être donné. Pendant quatre jours, Rennes va vibrer au rythme des Trans Musicales, dont la 47e édition s’est ouverte jeudi. Au Liberté ou au Parc-Expo, ce sont pas loin de 60.000 spectateurs qui viendront écouter des groupes que personne, ou presque, ne connaît.

La particularité de ce festival « nouveau depuis 1979 » comme le dit son slogan, c’est d’avoir un public très fidèle qui le suit depuis longtemps. Un public qui a vieilli, dont les cheveux ont blanchi ou parfois même disparu mais qui continue de venir. Même s’il fait froid. Même si c’est tard. Et même si le lendemain, c’est plus compliqué de s’en relever que quand ils avaient 20 piges. « Clairement, faire les trois jours, je ne peux plus », raconte Stéphane, après une première gorgée de bière. « Je ne vais plus au Parc-Expo, parce que je trouve ça un peu grand. Mais je continue de venir au Liberté, on se retrouve avec des potes. C’est le rituel annuel », poursuit le festivalier de 56 ans.

Comme beaucoup, le Rennais a découvert les Trans quand il était étudiant dans la capitale bretonne. Pour sa première, il avait été le témoin d’un événement qui l’avait marqué à vie. « J’ai vu Nirvana. C’était en 1991 ici. C’était fou furieux. Ils avaient tout balancé à la fin du concert. » Depuis cette date, Stéphane a gardé l’habitude de venir chaque année. Et il n’est pas le seul. Comme lui, Alexandre a mis les pieds pour la première fois aux Trans en 1991. « Nan, moi je n’avais pas vu Nirvana. Mais dans la rue de la Soif, tout le monde ne parlait que de ça. »

« Avant, je faisais les trois soirs »

Depuis, la date est inscrite à l’agenda de ce passionné de musique qui affiche 53 printemps. A peine plus que le festival. « Les Trans, c’était un rite de passage quand tu avais 18 ou 20 ans. Parce que c’est un peu rustique. Il fait froid, il pleut, c’est dans un Parc-Expo et tu ne connais aucun groupe. » Alexandre adore ce festival. Mais les années passant, il a dû lever le pied. « Avant je faisais les trois soirs, je restais jusqu’à 6 heures du matin. Maintenant, je fais le jeudi et le vendredi. Le samedi, j’y vais moins. C’est plus jeune, les gens arrivent un peu cramés, l’expérience est moins bonne. »

Le public des Trans Musicales de Rennes est très hétérogène, attirant des spectateurs de tous les âges. Le public des Trans Musicales de Rennes est très hétérogène, attirant des spectateurs de tous les âges.  - Damien Meyer/AFP

S’il a abandonné le troisième soir, c’est aussi parce qu’il a plus de 50 ans. « Et qu’à cet âge-là, quand tu dépasses trois heures du mat, tu mets une semaine à t’en remettre », glisse-t-il dans un sourire. Mais il n’a pas manqué une édition depuis quinze ans. « Il y a des potes que je ne vois que là. On ne se donne même pas de lieu de rendez-vous. On se croise par hasard, on boit un coup. » Avec les années, Alexandre a appris à « ne pas se mettre la tête à l’envers ». Mais il connaît bien des amis « qui passent leur soirée au bar » à refaire le monde entre deux concerts.

Les enfants chez papi et mamie

Pour lui comme pour bon nombre de fidèles, les Trans sont devenues « un pèlerinage » hivernal. Ici, on ne dit pas : « Tu vas aux Trans ? » On dit plutôt : « Tu fais les Trans ? » Un week-end réservé où le reste de la famille doit accepter de laisser papa s’émanciper. « Avec les copains, on attend ce moment toute l’année. C’est un rituel. » Olivier fait les Trans depuis qu’il est arrivé à Rennes pour faire ses études en 2002. Depuis, il n’a pas manqué une édition, prenant même l’habitude de poser un congé le lundi, le temps de se remettre de son week-end. « Je viens de changer de boulot donc je ne pourrai pas cette année. Je ne ferai qu’un soir. » Vous le verrez peut-être accroché à un ballon de baudruche gonflé à l’hélium. « C’est notre truc pour nous retrouver. Ça aide plein de gens en plus ! »

Pour beaucoup, les Trans Musicales sont une grande occasion de faire la fête tout en faisant des découvertes musicales. Pour beaucoup, les Trans Musicales sont une grande occasion de faire la fête tout en faisant des découvertes musicales.  - C. Allain/20 Minutes

Au fil des années, Olivier a trouvé un travail, est devenu papa, il a eu 46 ans. Alors forcément, il a dû s’adapter. « J’envoie mes filles chez mes parents. C’est un peu notre week-end de liberté, un moment où on se lâche, on se couche très tard. » Et le lendemain, ça pique. Papa de trois enfants, Christophe fait partie de ceux qui les envoient chez les grands-parents chaque premier week-end de décembre, histoire d’avoir quartier libre. « On accueille tous les potes chez nous. En général, on est une vingtaine. On va tous au Parc-Expo à vélo, c’est très drôle. C’est ça les Trans. Un gros week-end de rigolade et de découverte musicale. »

L’enseignant a beau avoir 52 ans, il continue de prendre son pass pour les trois soirs. « Et on reste jusqu’au bout, jusqu’aux derniers concerts. On se couche à 7 ou 8 heures du matin. C’est sûr que c’est assez sévère. » Mais il y retourne, sans ménagement. On fera le bilan dimanche.