Par
Ivan CAPECCHI
Publié le
5 déc. 2025 à 18h21
Un rapport inédit du Conseil Sciences, Santé et Société (C4S) pointe l’impact des politiques de circulation et de stationnement sur l’accès aux soins à Strasbourg. Le diagnostic, nuancé mais ferme, pointe plusieurs dérives. Au prochain conseil municipal lundi, le débat s’annonce tendu : certains élus d’opposition affûtent déjà leurs armes dans l’ombre…
Des difficultés concrètes pour les soignants et les patients
Le rapport du C4S analyse l’impact des politiques de mobilité de Strasbourg sur l’accès aux soins, à partir d’une large consultation de soignants, d’établissements, de services d’urgence et de patients.
Il met en lumière plusieurs difficultés récurrentes : le coût du stationnement pour le personnel de la clinique de l’Orangerie, les retards et obstacles rencontrés par les véhicules du SAMU/SMUR sur l’axe des Deux-Rives ou en centre-ville, la saturation du stationnement autour de la clinique Rhéna, ainsi que l’accès jugé complexe au Nouvel hôpital civil (NHC) pour certains usagers.
Les populations fragiles – personnes âgées, patients chroniques, habitants des QPV – sont identifiées comme les plus exposées.
Retards, renoncements et effets en chaîne
Le rapport décrit aussi des effets en cascade : des soignants libéraux envisagent de quitter le centre-ville en raison de l’accès difficile ; certains professionnels renoncent aux gardes faute de stationnement ou de circulation fluide ; les transports sanitaires (VSL, ambulances) sont sursollicités, parfois inutilement, ce qui allonge les délais pour les urgences vitales ; des patients renoncent à la voiture mais ne peuvent pas utiliser les transports publics, augmentant le recours à la téléconsultation par contrainte plus que par choix.
Un manque de coordination pointé du doigt
Le C4S note par ailleurs un déficit d’information entre la Ville, l’Eurométropole et les services d’urgence lors de modifications de circulation liées, par exemple, à des événements comme le marché de Noël.
Des recommandations pour « mieux organiser les mobilités »
Dans ses recommandations, le C4S appelle à mieux organiser les mobilités pour faciliter l’accès aux soins : stationnement mieux adapté pour les soignants, voies optimisées pour les urgences, transports publics et navettes renforcés pour les patients fragiles, dépose-minute repensés…
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La majorité municipale conteste plusieurs conclusions
Joint par nos soins, Pierre Ozenne, adjoint qui a notamment porté la grande réforme du stationnement mise en application à partir de 2023, dit sa perplexité quant aux « énormités » que contient ce rapport, selon lui.
Le C4S prudent sur ses propres conclusions
Dans le rapport, le C4S fait sa propre auto-critique. Il insiste à plusieurs reprises sur la nécessité de nuancer ses conclusions. Il souligne que l’étude repose surtout sur des retours qualitatifs : perceptions de soignants, ressentis d’institutions, témoignages de terrain. Le comité a consulté de nombreux acteurs légitimes, mais sans constituer un panel représentatif, ce qui limite la portée statistique de l’analyse. Surtout, il manque de données chiffrées permettant de mesurer précisément l’effet des politiques de circulation ou de stationnement sur les soignants et les patients.
L’adjoint au stationnement contre-attaque
« Par exemple, dire que les personnes ont du mal à recruter à cause du stationnement, c’est étonnant », illustre-t-il. « Si on prend le cas de la clinique Rhéna, elle dispose d’un parking en ouvrage très grand, un parking privé… qui appartient à Rhéna. C’est à la clinique de trouver une solution pour ses salariés. Dire que c’est la faute de la Ville, c’est un peu grossier », développe l’élu.
Sur le manque de communication, M. Ozenne souligne : « L’organisation du marché de Noël ou de la fête de la musique, tout cela relève de l’État, et donc de la préfecture. Or, les services de secours sont bien présents lors de l’élaboration de ces dispositifs… ».
Des dispositifs déjà mis en place, selon la majorité
Par ailleurs, Pierre Ozenne s’étonne de ne pas avoir été sollicité dans le cadre de ce rapport. « L’élu thématique n’a pas été sollicité », insiste-t-il.
Ce dernier rappelle enfin les choses mises en place par la réforme du stationnement au profit des personnels de santé : le forfait dédié aux personnes travaillant en horaires atypiques, le forfait aidants ou encore l’augmentation du nombre de places de stationnement PMR (personnes à mobilité réduite).
Le C4S, une instance mise en place par la majorité actuelle
Le C4S est un comité indépendant créé par la Ville et l’Eurométropole de Strasbourg pour éclairer les élus sur les enjeux de santé publique. Il a été mis en place par la majorité actuelle. Composé de professionnels de santé, chercheurs et citoyens, et présidé par le Pr Jean Sibilia, il analyse des sujets comme l’accès aux soins ou l’impact des innovations. Ses avis sont remis aux élus pour guider leurs décisions. Le rapport dont il est question dans cet article résulte d’une saisine effectuée le groupe d’élus « Strasbourg ensemble », coprésidé par Pierre Jakubowicz.
L’opposition voit ses alertes confirmées
Dans un communiqué diffusé en ce début de mois, le conseiller municipal d’opposition Pierre Jakubowicz, également candidat aux prochaines élections municipales, estime que la politique de mobilité et de stationnement de la municipalité dégrade l’accès aux soins à Strasbourg.
Selon lui, le rapport du C4S confirme ses alertes : difficultés de recrutement, soignants qui hésitent à s’installer, retards pour les urgences, interventions à domicile compliquées et patients qui renoncent aux soins. Il accuse la Ville d’avoir aggravé la situation des plus fragiles et demande un débat public ainsi que l’adoption rapide des recommandations du rapport.
Nul doute que le sujet sera âprement débattu lors du prochain conseil municipal.
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