Sur le papier, tout est encore possible. C’est le principal enseignement à tirer à 100 jours de l’élection municipale à Marseille de ce sondage Ifop-Fiducial pour La Provence et Sud Radio. « Benoît Payan peut être réélu, Martine Vassal prendre sa revanche de 2020 et Franck Allisio gagner la ville », estime Frédéric Dabi, directeur général de l’institut.

Chez les 829 Marseillais interrogés*, trois blocs se dessinent clairement : celui d’une gauche rassemblée autour du maire sortant à 30% des intentions de vote, suivi de près par le candidat du Rassemblement national à 27% et de la candidate de la droite et du centre unis à 26%. « Le rapport de force se dessine, mais l’incertitude demeure », insiste le sondeur. Et pour cause, avec 4 points d’écart entre les trois candidats et une marge d’erreur entre 2,5 et 3 points, le match est serré…

De façon purement arithmétique, pas besoin de sortir les calculettes, tout est effectivement encore possible. D’autant qu’à trois mois du scrutin, « un tiers des électeurs peut encore changer d’avis », prévient Frédéric Dabi. Avec notamment « une grande volatilité chez l’électorat de Benoît Payan et de Martine Vassal » : seuls 40% des Marseillais qui ont l’intention de voter pour ces candidats sont certains de leur choix. Voilà pour la photo à l’instant T au plan arithmétique mais qui ne dit rien de la dynamique – facteur décisif en politique.

Payan sur ses acquis

Rien n’assure à ce stade à Benoît Payan une victoire éclatante. Pour autant, après l’assassinat de Mehdi Kessaci, dans un contexte tendu sur la question sécuritaire à Marseille – sujet dont s’est emparée la droite et l’extrême droite entrées en campagne il y a déjà plusieurs semaines déjà – le maire sortant vire en tête sans avoir déclaré sa candidature, ni esquissé le début d’un acte de campagne. « Le socle de 30% de Benoît Payan est intéressant. Il est parfaitement dans l’étiage des maires sortants et au-dessus du score de premier tour du Printemps marseillais en 2020, analyse Frédéric Dabi. Il fait des scores très élevés chez les cadres supérieurs et chez les 35-49 ans. On peut dire que le Marseille du travail est favorable à Benoît Payan ».

À ce stade, il rassemble déjà 60% des électeurs de Michèle Rubirola et de Sébastien Barles en 2020 – « et peut faire encore mieux ». Fait plus marquant, il capte d’entrée de jeu 48% des électeurs de Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle de 2022, affaiblissant de fait le candidat LFI, Sébastien Delogu.

Martine Vassal et Franck Allisio au coude-à-coude

Au gré des différents sondages, comme dans une course de petits chevaux, Martine Vassal et Franck Allisio se disputent depuis plusieurs semaines la place de meilleur challenger. L’enquête de terrain ayant pris fin le 1er décembre, les impacts de la polémique autour d’une éventuelle alliance entre la candidate de la droite et celui d’extrême droite dans l’entre-deux tours ne peuvent pas être évalués dans ce sondage.

Pour autant, parti en campagne en juin dernier, le candidat du Rassemblement national apparaît dans l’enquête avec un « électorat mobilisé et solide » et une sociologie différente de celle observée dans les autres villes, selon le sondeur. « La structure électorale de Franck Allisio est différente du vote RN national, décrypte Frédéric Dabi. Il fait de bien meilleur score chez les 50 ans et plus. Le vote par catégorie sociale est assez équilibré avec un meilleur score chez les retraités. Cela reflète la surreprésentation d’anciens électeurs de droite dans l’électorat du candidat. »

Le glissement d’un électorat de droite traditionnelle affirmée vers un Rassemblement national dédiabolisé se confirme : 28% des Marseillais ayant voté Martine Vassal en 2020 se portent directement pour 2026 vers Franck Allisio. Lequel ne rebute pas, malgré son passé à l’UMP et la mise à l’écart de Stéphane Ravier, les frontistes historiques : 93% des électeurs de Stéphane Ravier en 2020 lui donnent leur suffrage.

Porté par le climat anxiogène après l’assassinat de Mehdi Kessaci, Franck Allisio mène l’extrême droite à un niveau inédit au plan municipal à Marseille sans pour autant distancer complètement Martine Vassal qui « reste dans la course » après avoir essentiellement centré son début de campagne sur la question de la sécurité. La candidate garde la confiance de 54% de son électorat de 2020, de la grande majorité des électeurs macronistes de la présidentielle de 2022 et capte, aussi, 40% de l’électorat d’Eric Zemmour.

L’histoire ne dit pas encore dans quelle mesure Erwan Davoux aujourd’hui crédité de 2% pourrait parasiter sa candidature. L’ancien fonctionnaire du Département, allié à Nora Preziosi, ancienne présidente de 13 Habitat, est à l’origine de l’ouverture d’une enquête pour détournement de fonds publics visant Martine Vassal.

Delogu (dé)faiseur de roi

En embuscade derrière ces trois blocs, Sébastien Delogu apparaît comme « faiseur ou défaiseur de roi ». « Son score est significatif mais pas écrasant », note Frédéric Dabi. Le candidat de La France insoumise ne drague pas l’essentiel de l’électorat mélenchoniste de 2022 – seulement 39% – mais entre, lui aussi, à peine en campagne. Il tiendra ce samedi son premier grand meeting à Marseille en compagnie de Manuel Bompard et Assa Traoré. Le député des quartiers Nord aux postures d’influenceur sur les réseaux sociaux fait jeu égal avec Benoît Payan et Franck Allisio au sein des catégories populaires mais fait peur aux retraités.

« On observe trois forces équivalentes. Et, à la différence d’une ville lambda, le terrain de jeu sociologique des candidats est assez proche. Aucun candidat ne fait le break clairement dans aucune des catégories », relève Frédéric Dabi. Le jeu se révélant d’autant plus ouvert, les candidats vont devoir couvrir plusieurs lièvres à la fois…

*Enquête Ifop-Fiducial pour La Provence et Sud Radio, menée auprès d’un échantillon de 829 personnes inscrites sur les listes électorales, représentatif de la population marseillaise âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas après stratification par secteur. Les interviews ont été menées par téléphone du 25 novembre au 1er décembre 2025.