C’est le match de cette fin d’année à Berne. Depuis le retour de Washington du conseiller fédéral Guy Parmelin, un bras de fer se joue sous la Coupole entre les partisans des accords avec l’Union européenne et ceux du deal avec les Etats-Unis.
Voyons la feuille de match. D’un côté, les bilatérales III – nom officiel désormais –, résultat d’années de négociations acharnées avec les 27 membres de l’Union européenne, réglant aux petits oignons nos relations économiques et institutionnelles avec nos voisins. De l’autre, une déclaration d’intention signée avec le président américain, Donald Trump, prochainement transformée en accord, selon le projet de mandat de négociation présenté ce vendredi par le Conseil fédéral. Un texte obtenu de haute lutte pour ramener les droits de douane à un taux un peu moins indécent, grâce à l’appui de chefs d’entreprise suisses, signé à l’ombre d’une Rolex et d’un lingot d’or, le tout immortalisé sur un cliché qui passera à la postérité.
Pour la gauche et Le Centre, l’accord américain est un accord de soumission, pas question de capituler devant Donald Trump. Pour l’UDC et une minorité du PLR, ce sont au contraire les bilatérales III qui sont considérées comme des accords de soumission, pas question de sacrifier notre souveraineté sur l’autel de l’économie. Le vocabulaire utilisé est évidemment le même à dessein. Globalement, soit vous êtes dans l’équipe UE, soit vous êtes dans la Team US. Mais cette instrumentalisation politique est stérile. Depuis quand les destins de ces deux textes se trouvent-ils mêlés? Faut-il vraiment choisir son camp? Helen Budliger Artieda, la directrice du Secrétariat d’Etat à l’économie, trouvait d’ailleurs «cette discussion étrange» dans la NZZ cette semaine. «La Suisse a besoin de bonnes relations économiques et commerciales avec toutes les grandes économies du monde.»
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Ignazio Cassis n’a pas dit autre chose devant la presse hier: «Ça n’est pas l’un ou l’autre, mais l’un et l’autre.» Le conseiller fédéral a également rappelé l’importance fondamentale de ces bilatérales III, soulignant que l’Europe est pour la Suisse le partenaire numéro 1, essentiel «pour sa santé, pour sa prospérité, pour sa sécurité». Et d’ajouter que sur 2 francs gagnés en Suisse, 50 centimes viennent de l’Union. Certes. C’est économiquement et géographiquement indiscutable, Ignazio Cassis a raison de le rappeler. Mais la Suisse ne doit pas avoir à choisir. Dans un monde où le droit international est de moins en moins la règle, les rapports de force ne nous favorisent pas, c’est un euphémisme. La Confédération doit diversifier ses marchés, soigner ses partenaires, être pragmatique et s’adapter à cette nouvelle donne. Comme elle le fait. Et les élus pourront se pencher sur ces accords avec l’UE et avec les Etats-Unis. Sans idéologie. Et siffler la fin de la partie d’un match absolument inutile.