Si l’Europe inflige régulièrement des amendes aux géants de la tech américaine, l’amende annoncée vendredi 5 décembre est un épisode majeur dans la guerre économique et politique que se livrent l’UE et les États-Unis. La Commission européenne a en effet infligé une amende de 120 millions d’euros au réseau social X (anciennement Twitter), propriété d’Elon Musk.

Le point du soir

Tous les soirs à partir de 18h

Recevez l’information analysée et décryptée par la rédaction du Point.

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l’adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

L’exécutif européen a décidé d’activer, pour la première fois, le volet répressif de son nouvel arsenal législatif : le règlement sur les services numériques, ou Digital Services Act (DSA), adopté fin 2022. X dispose d’un délai de soixante jours pour se mettre en conformité, sous peine de voir la facture s’alourdir considérablement. Le DSA prévoit en effet des amendes pouvant aller jusqu’à 6 % du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise en cas de récidive ou de refus d’obtempérer.

Selon nos informations, le cabinet de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, aurait toutefois tenu à limiter l’amende, qui aurait pu dépasser les 200 millions d’euros, dans la crainte d’une vengeance de Donald Trump sur le dossier ukrainien. Bruxelles redoute en effet un abandon pur et simple de Kiev par Washington.

Les « coches bleues » de la discorde

L’enquête de l’Union européenne a fait émerger trois griefs majeurs qui illustrent, selon Bruxelles, la dérive de la plateforme X. Le premier, et sans doute le plus symbolique, concerne le célèbre système de certification : les coches bleues. Jadis gage d’authenticité réservé aux personnalités publiques et aux institutions vérifiées, ce badge est devenu, sous l’ère Musk, un produit de consommation, accessible à quiconque accepte de s’abonner à « X Premium ».

À LIRE AUSSI Modération, algorithme, désinformation : le patron de X France répond aux critiquesPour la Commission européenne, cette pratique est « trompeuse » : en transformant un outil de vérification d’identité en simple commodité payante, X a induit ses utilisateurs en erreur. Cette confusion favorise la manipulation de l’opinion et les arnaques, des dérives que le DSA a justement pour mission de combattre.

L’opacité publicitaire pointée du doigt

Le deuxième pilier de la sanction concerne l’opacité du système publicitaire de X. Le DSA impose aux très grandes plateformes de tenir un registre publicitaire ouvert, permettant à quiconque de savoir qui finance une publicité, quel est le message diffusé et qui est ciblé. Or, l’enquête de la Commission a révélé que la base de données fournie par X était truffée de défaillances.

Barrières d’accès, moteur de recherche inefficace, données incomplètes : tout semble avoir été conçu pour décourager la surveillance citoyenne et académique. En somme, X a selon l’UE failli à son obligation de transparence, empêchant les chercheurs et les ONG de dénicher les campagnes de désinformation ou les ingérences étrangères potentielles.À LIRE AUSSI Liberté d’expression : la vague autoritaire qui vient d’Amérique

C’est d’ailleurs le troisième point noir soulevé par Bruxelles : le blocage de l’accès aux données publiques pour les chercheurs. En restreignant l’accès à son interface de programmation (API) et en imposant des tarifs prohibitifs ou des conditions d’accès dissuasives, Elon Musk a coupé les ponts avec la communauté scientifique. Une attitude jugée inacceptable par l’UE, qui considère que la recherche indépendante est un garde-fou démocratique essentiel face à la viralité des contenus haineux.

Un signal politique fort

Au-delà du montant de l’amende – 120 millions d’euros, une somme qui peut sembler dérisoire au regard de la fortune personnelle d’Elon Musk, mais qui reste significative pour les finances fragiles de l’entreprise – c’est la portée symbolique qui a ému jusqu’à la Maison-Blanche. « L’UE devrait défendre la liberté d’expression au lieu de s’en prendre à des entreprises américaines pour des foutaises », a tonné le vice-président américain J.D. Vance dans un message sur X salué par Elon Musk.

Cette amende est un avertissement pour l’ensemble de la Silicon Valley : Bruxelles entend faire respecter son DSA, après des années de dialogue en espérant aboutir à des mises en conformité volontaires. La sanction intervient dans un contexte de tensions géopolitiques accrues autour de la régulation du numérique. Alors que les États-Unis, sous l’influence de l’administration Trump, critiquent régulièrement « l’interventionnisme » européen, Bruxelles réaffirme sa souveraineté numérique.La réponse de X attendue

Pour l’heure, la réaction d’Elon Musk se fait attendre, mais elle ne devrait pas tarder à fuser sur sa propre plateforme, probablement sous la forme de messages acerbes dénonçant une atteinte à la « liberté d’expression ». C’est la ligne de défense habituelle du milliardaire : présenter toute régulation comme une censure.

À Découvrir



Le Kangourou du jour

Répondre



Pourtant, la Commission insiste : il ne s’agit pas ici de modérer les propos, mais de garantir la transparence et la sécurité des utilisateurs. En sanctionnant le design trompeur et l’opacité, l’Europe ne juge pas les opinions, mais la structure même du service qui les véhicule.

Avec cette amende de 120 millions d’euros, l’Europe vient de siffler la fin de la récréation. Reste à savoir si X choisira la voie de la conformité ou celle de l’escalade judiciaire et politique. Une chose est sûre : le 5 décembre 2025 restera gravé comme le jour où l’Europe a présenté la facture à Elon Musk.

Toute l’actualité à 1€ le premier mois

S’abonner

ou