La rétine est constituée de neurones. Alors, forcément, les neurosciences s’y sont intéressées de près pour comprendre certains mécanismes du cerveau. Accessible, la rétine ne nécessite pas de recourir à des techniques exploratoires lourdes et invasives. L’électrorétinographie (ERG) permet, par exemple, d’évaluer son fonctionnement sans avoir à opérer en profondeur. La rétine est considérée comme une « fenêtre ouverte » sur le cerveau. Un simple appareil posé sur l’œil suffit ainsi à mesurer son activité et à réaliser un examen poussé. Ingénieure hospitalière et doctorante en neurosciences au Centre Expert des Troubles Bipolaires (CETB) du Centre psychothérapeutique de Nancy (CPN), Marie de Deus entend par ce biais mesurer l’influence des antidépresseurs sur la fonction rétinienne avec un ERG. Dans le cadre d’une étude intitulée Mésantidep (Marqueurs électrophysiologiques des antidépresseurs), elle lance un appel à des volontaires au profil particulier. Ils doivent être majeurs, souffrir d’une dépression unipolaire, ce qui exclut les personnes souffrant de troubles bipolaires, et se manifester auprès de Marie de Deus avant la toute première prise d’antidépresseur.

Une étude fondamentale

Le protocole veut, en effet, qu’un ERG soit effectué pour établir une « cartographie » précise de l’état rétinien avant la mise en place d’un traitement. Ce qui signifie qu’à sa première consultation, le patient doit joindre Marie de Deus pour s’inscrire dans son parcours de recherche. Il devra, ensuite, se voir prescrire un antidépresseur de classe ISRS ou alpha-2 antagoniste (miansérine ou mirtazapine), les antidépresseurs les plus courants. Le suivi dure vingt-quatre semaines. Toutes les six semaines, le volontaire devra se rendre au CPN pour une demi-journée d’évaluation visant à estimer l’efficacité des antidépresseurs et leurs effets sur l’ERG. L’objectif de cette étude dirigée par le Pr Vincent Laprevotte, psychiatre, est de parvenir à identifier des signaux électrophysiologiques au niveau rétinien démontrant l’action des antidépresseurs et leur efficience afin de permettre aux médecins de mieux orienter leur prise en charge médicamenteuse.

Trouver le bon antidépresseur

Aujourd’hui, il est encore difficile d’adapter un traitement antidépresseur. Les thérapeutes tâtonnent souvent, les patients ne réagissant par tous de la même manière à certaines molécules. « On a des patients qui ne répondent pas forcément à leur traitement et c’est, souvent, après plusieurs essais qu’on trouve le bon médicament, explique Marie de Deus. On fait plutôt des tests. On donne une molécule, on voit si le patient répond bien. Si ce n’est pas le cas, on redonne une molécule. Donc, à chaque fois, on est sur des délais assez longs, on se laisse quinze jours à trois semaines pour voir si ça fonctionne ou pas. Et, pendant ce temps-là, le patient peut se retrouver en souffrance. »

Psychiatre et membre du groupe de recherche, le Dr Ève Cosker, poursuit : « On n’a pas de critères objectifs qui peuvent nous dire « telle personne va répondre à telle molécule ». On se base sur des recommandations. » 55 % des patients ont déjà suivi au moins trois cures d’antidépresseurs différents dans leur vie avant de trouver le bon antidépresseur. L’idéal serait donc de savoir d’emblée, en pratiquant un ERG, que tel patient est réactif à une molécule spécifique pour gagner du temps et ne pas risquer une aggravation de sa dépression. Mésantidep a cette ambition de trouver ces marqueurs neurologiques qui « permettraient d’aider à guider la mise en place des antidépresseurs ». Pour cela, une cinquantaine de volontaires sont attendus sur les douze prochains mois.

Via votre médecin traitant ou votre psychiatre, contactez le médecin en charge de l’étude : mesantidep@cpn-laxou.com