Le ciel était limpide et la Lune, au plus près de la Terre, étincelait. Environ deux heures après le coucher du soleil, plusieurs drones ont été vus, jeudi 4 décembre 2025, vers 19 h 30, survolant la base ultra-sécurisée de l’Île-Longue, en rade de Brest, où palpite le cœur de la dissuasion nucléaire française : ses sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, équipés de missiles nucléaires M51.
.
Un « tir de brouilleur » réalisé par les fusiliers marins
Les fusiliers marins, chargés de la surveillance des sites stratégiques de la presqu’île de Crozon, ont réagi rapidement, « en procédant à un tir de brouilleur et non pas d’arme à feu », précise le parquet de Rennes, compétent en matière militaire.
La question d’une incursion de drone russe était dans toutes les têtes, ce vendredi. « Il n’a pas été abattu de drone, ni identifié ou interpellé de pilote. Aucun lien avec une ingérence étrangère n’est donc fait », assure le procureur Frédéric Teillet.
Contactée par Le Télégramme, la préfecture maritime de l’Atlantique a rappelé que « plusieurs survols détectés ont déclenché les réactions prévues par les militaires présents sur la presqu’île ». Son porte-parole, le capitaine de frégate Guillaume Le Rasle a également souligné que « les infrastructures sensibles » n’avaient « pas été menacées ». « Rien, à ce stade, ne permet de confirmer » une ingérence étrangère ou russe, ajoute-t-il. Selon lui, l’objectif de ces survols était « d’inquiéter la population ». « Mais les sites sont défendus par des militaires qui font leur travail avec toute la rigueur dont ils sont capables, sans, bien sûr, mettre en danger les civils autour. » Il balaie également l’idée que cet événement ait un lien avec un éventuel exercice militaire, une hypothèse avancée sur les réseaux sociaux.
Au Télégramme, le cabinet de la ministre des Armées, Catherine Vautrin, a salué « la réaction rapide et adaptée des militaires présents sur la presqu’île, assurant la défense des sites (…) dans le respect des procédures en vigueur ». Selon une source militaire, les conditions de luminosité particulièrement bonnes jeudi soir, en raison du ciel dégagé et de la pleine Lune, faciliteraient le travail des fusiliers marins pour repérer d’éventuels drones et pouvoir les neutraliser.
Un précédent récent en novembre
Ce survol n’a pas été sans conséquences sur toute la chaîne nucléaire en presqu’île de Crozon : selon nos informations, le site de pyrotechnie de Guenvenez, près de l’Île-Longue, où ArianeGroup assemble les différents étages des missiles nucléaires M51, a vu son activité fortement réduite, ce vendredi.
Ces survols de secteurs stratégiques de la presqu’île ne sont pas rares : dans la nuit du 17 au 18 novembre, un drone avait déjà été aperçu, à distance de ces sites. Là aussi, une enquête avait été déclenchée pour déterminer son origine. Elle est toujours en cours. L’interdiction de survol concerne une vaste zone, appelée P112, qui s’étend sur la quasi-intégralité de la presqu’île et jusqu’à la base navale de Brest, rade comprise.
En septembre 2020, une plainte avait déjà été déposée auprès du commissariat central de Brest, à l’encontre de deux personnes ayant fait voler leur drone dans ce secteur. En janvier 2015, des drones avaient aussi été détectés à proximité du site militaire nucléaire de l’Île-Longue, sans présenter « de menace caractérisée sur la sûreté des installations ».
L’Europe sur la brèche
Ailleurs en Europe, plusieurs survols ont eu lieu ces derniers mois. Des engins russes, en Pologne, et d’autres, non-identifiés au-dessus d’Oslo (Norvège) et de Copenhague (Danemark). En Belgique, des drones ont aussi été signalés aux abords de bases militaires, d‘aéroports et même d’une centrale nucléaire. Mardi, le gouvernement allemand a, lui, mis en service une unité de police antidrones.