« Quand on habite ici, on connaît bien les lumières de la rade. Mais celles-là, jamais vues. Un rouge clignotant qui filait aussi vite qu’un hélico. Puis j’ai entendu une détonation venir de l’Île-Longue. Trois minutes plus tard, j’ai aperçu quatre ou cinq motards et deux fourgons de gendarmes s’arrêter au bout de la jetée. Dans leurs talkies, le mot drone est souvent revenu. »

Jeudi soir, sur les coups de 19 h 30, la promenade du chien sur la grève du Fret, face à la base ultra-sécurisée des sous-marins nucléaires, laissera un souvenir à ce résident permanent du village crozonnais. Sa famille installée à Rennes l’a joint, ce vendredi, après avoir appris l’incident survenu à la pointe bretonne. « Ils étaient un peu en panique », sourit le Crozonnais qui, lui, ne l’est pas du tout. « Ça fait partie de la vie d’ici. Nous sommes sur des terrains militaires. »

Dominique sortait de son cours de yoga, ce vendredi matin, quand elle a entendu la nouvelle. « Je ne dis pas que c’est normal. Je sais cependant que la surveillance aéronavale va être étendue », glisse la retraitée, mère d’ex-militaire, avant de démarrer, sereine, l’activité peinture à la salle municipale Ursule, au cœur du village du Fret.

Un appel à la vigilance dès le mois d’avril

Comme Dominique, sa copine Nathalie n’est « pas plus inquiète que ça », après le passage des cinq drones. « Déménager ? Sûrement pas. Pas de problème, on vit bien ici. Et puis, on leur fait confiance à nos militaires », assure la Crozonnaise.

La réciproque se vérifie. Les gendarmes comptent aussi sur la population pour signaler toute personne suspecte ou situation inhabituelle. « Pour protéger les intérêts de la Nation », avait encouragé le commandant de la gendarmerie de l’Île-Longue, au cours d’une réunion municipale de quartier, au Fret, en avril 2025, où la présence inhabituelle du militaire attaché à une mission de haute sécurité, sur ce type de format, avait interpellé l’assistance.

Une patrouille de gendarmerie au port du Fret.Une patrouille de gendarmerie au port du Fret. (Lionel Le Saux/Le Télégramme)

Le gradé n’avait pas fait le déplacement pour rien. Une habitante lui avait signalé des présences de drones près de chez elle. Déjà. De quoi justifier encore l’intensification des contrôles des gendarmes que le commandant était venu annoncer aux habitants, ce soir de réunion. « Hier (jeudi 4 décembre), vers 22 h, il y en avait partout entre Crozon et Le Fret », raconte Allan, pas forcément ravi par cette présence massive mais qui ne s’en étonne pas.

« Cinq drones, là, ça peut être une attaque »

Il savait où il mettait les pieds en emménageant, avec sa compagne, dans le charmant petit port face à l’Île-Longue. « C’est quand même un point stratégique. On connaît le climat géopolitique. Les hélicos tournent pas mal. On entend davantage de coups de feu venir d’en face. Peut-être des exercices. »

De riposte à ces petits engins volants qui ne font pas peur aux Crozonnais en première ligne ? Avant de saisir son pinceau, salle Ursule, Maryse exprime son avis avec des touches de craintes plus visibles : « Un drone, ça ne me gêne pas. Peut-être un gamin qui ne connaît pas la réglementation stricte de vol en presqu’île. Mais là, il y en avait cinq. Ça peut être une attaque. Un peu inquiétant quand même. »

Ses collègues la rassurent, en reprenant une phrase souvent prononcée localement, sans la moindre gravité : « De toute façon, si ça pète à l’Île-Longue, on n’aura même pas le temps de s’en rendre compte ».