Grâce à une faille juridique, des patients peuvent envoyer les données génétiques de leurs embryons aux États-Unis pour analyse, révèle une enquête du Guardian. 

Des couples ayant recours à la FIV au Royaume-Uni exploitent une faille juridique pour classer leurs embryons en fonction de prédictions génétiques de QI, de taille et de santé, selon une enquête du Guardian publiée le 6 décembre. Cette technique de sélection controversée, qui évalue les embryons en fonction de leur ADN, est pourtant interdite dans les cliniques de fertilité britanniques. Ses détracteurs soulèvent des objections scientifiques et éthiques, arguant que la méthode n’a pas fait ses preuves.

Mais en vertu des lois sur la protection des données, les patients peuvent exiger les données génétiques brutes de leurs embryons et les envoyer à l’étranger pour analyse, dans l’espoir d’avoir des enfants plus intelligents et en meilleure santé.


Passer la publicité

«Confusion juridique et éthique»

Les progrès rapides des techniques de dépistage des embryons et le lancement récent de plusieurs sociétés américaines proposant le «dépistage polygénique» ont plongé les cliniques britanniques dans une «confusion juridique et éthique», a expliqué auprès du quotidien anglais le docteur Cristina Hickman, embryologiste senior et fondatrice de la clinique de fertilité Avenues à Londres.

La société américaine Herasight, qui facture 50.000 dollars (42.900 euros) aux couples pour l’évaluation d’un nombre illimité d’embryons, a confirmé auprès du média anglais avoir déjà collaboré avec des personnes suivant un traitement de FIV dans des cliniques au Royaume-Uni.

La clinique de fertilité britannique Avenues compte actuellement deux patientes qui, sans l’accord de la clinique, envisagent ainsi de recourir aux services d’Herasight. L’une d’elles, une femme de 29 ans, a déclaré que son mari et elle espéraient réduire les risques de maladies comme le diabète et sélectionner des embryons présentant un QI prédit élevé.

«Meilleur rapport qualité-prix»

« Les gens sont prêts à dépenser des sommes considérables et à endurer bien des souffrances pour offrir à leurs enfants une vie un peu meilleure après leur naissance », a déclaré cette patiente sous anonymat. « Cela me semble être le meilleur rapport qualité prix ; c’est moins cher par an qu’une école privée. »

Selon Herasight, ce programme permet un gain moyen de six points de QI pour un couple ayant fait congeler cinq embryons. La société fournit également des informations sur le sexe, la taille prévue et les risques de maladies telles que les maladies cardiaques, les cancers courants, la maladie d’Alzheimer et la schizophrénie. La patiente, qui a fait congeler 16 embryons, a déclaré : « J’espère en avoir six dont je me dirai : “Waouh, c’est un excellent profil !” »


Passer la publicité

Au Royaume-Uni, la loi limite les tests effectués sur les embryons à une liste de maladies graves, telles que la maladie de Huntington, la drépanocytose ou la mucoviscidose. Les cliniques ne peuvent pas réaliser de dépistage polygénique à des fins de sélection embryonnaire. Par ailleurs, un clinicien est interdit de se baser sur les résultats des tests pour choisir un embryon en fonction des informations fournies par la patiente. Mais en revanche, rien n’empêche un couple résidant au Royaume-Uni de recourir à ces tests.

«Contraire à l’éthique»

Les algorithmes de la société américaine Herasight se fondent sur de vastes bases de données génétiques dont elle a publié les fondements scientifiques. Toutefois, l’utilisation des scores polygéniques dans le cadre de la sélection embryonnaire demeure controversée et la Société européenne de génétique a condamné cette technique, la jugeant «non éprouvée et contraire à l’éthique»  .

«Nous confirmons avoir collaboré avec des parents du monde entier, notamment des familles ayant eu recours à la FIV au Royaume-Uni, en transformant les données de DPI-A de routine que ces parents ont légalement obtenues et fournies. Ces données sont accessibles à nos clients conformément aux lois applicables en matière de protection des données au Royaume-Uni, en Europe et dans le reste du monde», s’est justifié Herasight dans un communiqué transmis au Guardian.