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Cédric Nithard

Publié le

6 déc. 2025 à 12h14

On ne présente plus Raymond Depardon. Connu et reconnu à travers le monde, le célèbre photographe est à l’honneur pour la réouverture du Pavillon Populaire à Montpellier. L’exposition « Extrême Hôtel » ouvre une fenêtre sur le monde à travers 150 photographies, dont certaines inédites, prises entre 1960 et 2019, avec la particularité d’être toutes en couleur. À voir, et à ne manquer, jusqu’au 12 avril 2026.

Une histoire avec Montpellier

Englobé dans la transformation de l’esplanade Charles de Gaulle, le Pavillon Populaire a connu une rénovation nécessaire. Fermé en février dernier, il a enfin rouvert ses portes ce mercredi 3 décembre en offrant une carte blanche à Raymond Depardon. Déjà exposé dans le même lieu en 2022 avec « Communes » portant sur des villages de l’arrière-pays menacés par un projet d’extraction de gaz de schiste, l’histoire avec Montpellier s’est poursuivi quelques mois plus tard avec la donation par le photographe et son épouse Claudine Nougaret de plus de 200 tirages, issus justement de « Communes » et de « Rural », au musée Fabre créant ainsi le premier fonds photographique au sein des collections du musée.

« Extrême Hôtel » permet cette fois d’explorer une autre facette de la carrière de Raymond Depardon. Celle du photoreporter, lui qui a créé l’agence Gamma en 1966 et est membre de Magnum Photos depuis 1979, dans une approche professionnelle mais également personnelle à travers ses nombreux voyages. L’exposition tire d’ailleurs son nom d’un hôtel d’Addis-Abeba. « Un lieu simple où Raymond aime séjourner lors de ses voyages en Éthiopie. Un point de chute sobre, un endroit calme d’où regarder le monde », expliquent les commissaires Marie Perennès et Simon Depardon. Ces derniers ont eu carte blanche et sont allés piocher dans les archives du photographe, jusque dans de vieux cartons, pour réunir 150 photographies dont certaines jamais présentées.

Carte blanche à la couleur

Avec cette carte blanche, une évidence saute immédiatement aux yeux d’autant plus quand on pense au travail de Raymond Depardon habituellement présenté. « Nous voulions contraster avec la donation qui sont des photos sur la ruralité, exclusivement en noir et blanc ou faites à la chambre photographique », explique Simon Depardon avec en sous-texte la volonté de moderniser le regard sur le travail de son père. « Cela a toujours été mon combat pour montrer que Raymond a fait aussi des photos sublimes en couleur », glisse-t-il sans omettre un certain charme à celles-ci : « Il y a aussi une époque avec des photographies qui sont majoritairement du Kodachrome ou de l’Ektachrome. Une vieille chimie qui redevient à la mode car on aime ce côté passé des couleurs, très douces. Cela méritait vraiment d’être montré ».

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Un regard en couleur présenté de très belle manière en montrant d’abord une série sur « La Terre des paysans » réalisée dans les années 2000, puis Press Color retraçant son riche parcours de photojournaliste, où la couleur ne valait que pour les unes des magazines (qui aurait valu une exposition à elle seule) et une consacrée à la mission DATAR en 1986 avec une approche plus intime du sujet. La couleur y apparaît comme un témoin des époques avant d’éclater dans la partie centrale avec les grands formats de la série « USA », fruit d’une errance américaine en 2019.

Atmosphère, atmosphère…

Une errance poursuivie dans la suite de l’exposition « Extreme Hotel » et de nombreuses photographies inédites prises dans différents endroits du monde entre 2004 et 2019. Et si Raymond Depardon délaisse le noir et blanc au cours de ses escapades, le lieu y est pour beaucoup comme l’explique Simon Depardon : « Pour pouvoir faire de la photographie couleur, Raymond sait très bien qu’il ne peut pas aller où les lumières sont trop dures comme en Équateur par exemple. Il ira donc beaucoup au nord à Glasgow ou au sud en Patagonie, pour justement que le soleil ne tape pas directement. Et la pellicule Kodak répond très bien à ces lumières un peu froides. C’est un vrai travail de réflexion pour pouvoir techniquement arriver à une couleur douce ».

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Sans but précis, Raymond Depardon profite de ses voyages pour retourner sur les lieux de ses anciens reportages et déambuler sans attente ou nostalgie, juste pour le plaisir de capter un instant. Ce qu’il fera d’ailleurs avec la série « Tokyo » revenant 50 ans plus tard dans la ville où il couvrit en 1964 ses premiers Jeux Olympiques. Suivirent Mexico (68), Munich (72), Montreal (76) et récemment Paris (2024). Il fait de même à Carthagène qu’il filmera en 1993 dans le cadre d’un court-métrage pour Amnesty International et photographiera ensuite en 2015 dans un format moyen permettant de mieux retranscrire l’atmosphère de la ville. D’atmosphère, il en est également question dans « Méditerranée », un vagabondage de Beyrouth à Byblos durant lequel Raymond Depardon capture des instants de vie y compris durant la guerre.

Si les photos sont bien évidemment superbes, un soin tout particulier a été apporté aux tirages et aux encadrements offrant une mise en valeur encore plus importante de certaines. Un cadre dont la série « Glasgow » s’affranchit. Commande du Sunday Times réalisée en 1980 mais finalement refusée par le journal car jugée trop personnelle et pas assez documentaire, une cinquantaine de photographies, restées inconnues jusqu’en 2013 et donc certaines sont inédites, sont projetées sur un mur. L’atmosphère est palpable, les regards perçants, la grisaille éclatante. Dans une ville où le noir et blanc serait une évidence pour beaucoup, comme pour ne pas être plus plombant, Raymond Depardon fait de la couleur un sujet à part entière. Un révélateur comme une mise en lumière à l’instar de l’exposition qui évite toute nostalgie et offre même une modernité au travail de Raymond Depardon. À ne pas manquer.

« Extrême hôtel, Raymond Depardon. Jusqu’au 12 avril 2026 au Pavillon Populaire, esplanade Charles de Gaulle, Montpellier. Entrée gratuite pour tous les publics, pour la visite libre et pour la visite guidée. Sans réservation. Du mardi au dimanche de 10h à 13h et de 14h à 18h. Visites guidées : vendredi à 16h, samedi et dimanche à 11h et 16h. Visites familles : mercredi et dimanche à 11h et 15h. Plus d’informations sur montpellier.fr.

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