Mal connue en France, La Petite Sirène vient se ficher quelque part entre La mer de Debussy et un ample prélude wagnérien. Le chef-d’œuvre postromantique développe ses trois chapitres dans un mouvement large aux couleurs impressionnistes, qui fait miroiter un orchestre XXL : pas moins d’une quinzaine de cuivres, un duo de harpes et des bois par trois.
Pour conduire cet attelage extraordinaire, Nott élude la posture analytique pour s’attacher à l’élaboration des grain et mosaïque, dans le sens d’une sombre et plastique évocation du conte d’Andersen. Déliée par un geste tranquille et ondulant, sa lecture marque par son éloquence et sa souplesse, voire sa cinématographie : la juxtaposition d’images ou de décors aurait d’ailleurs pu relever davantage encore le sens de la musique.
Bruce Liu, un jeu délicat
Cordes et cuivres à la fête participent d’impressionnants effets de soufflets. Et entre deux déchaînements de l’océan, le violon de Charlotte Juillard – parfaite dans le rôle de la sirène ! – vibre chaleureusement. La super soliste strasbourgeoise vole, après l’entracte, la vedette à Bruce Liu , qui a brillé auparavant par son jeu diaphane et délicat dans le concerto de Chopin.
Le vainqueur du concours éponyme 2021 livre une partie dans laquelle on ne perd pas une note : les ornements cristallins sous les doigts fins du pianiste, d’une exceptionnelle précision, nous rappellent à quel point le compositeur cisèle le phrasé de ses mélodies et en appelle résolument au bel canto. Pour maximiser l’expressivité du jeune pianiste canadien, Nott lui confectionne un berceau de velours. L’orchestre amoindri gagne en équilibre et en lisibilité, mais brouille quelque peu la texture par son aspect détimbré. Les deux derniers mouvements sont jolis mais manquent de nuances, en particulier le final, très (trop ?) sage, et qui manque tout à la fois d’un grain de folie et de brillant.
Les deux pièces bissées par Bruce Liu étaient le Nocturne en ut dièse n° 20 opus posthume, et la valse opus 64 n°1, de Frédéric Chopin.