
La maison d’hôtes Yodoko, à Kobe. La cheminée est en pierre d’Oya. Les lignes droites, verticales ou horizontales, dominent l’intérieur. Frank Lloyd Wright y a aussi réalisé des portes coulissantes en papier de riz.
© Sean Hazen / Frank Lloyd Wright, Adagp, Paris, 2025
Maîtresse, meurtre à la hache… des aventures rocambolesques
En 1905, il se rend au Japon, acquiert des centaines d’estampes de Hiroshige pour les revendre aux États-Unis. S’il en tire un certain profit, il n’en a pourtant pas besoin : son style architectural Prairie, qui se distingue par ses lignes droites, ses terrasses spacieuses et ses plans ouverts, s’est déjà imposé dans tout le pays. Il faudra attendre plusieurs décennies avant que l’architecte ne reçoive sa première commande publique, la seule de sa carrière sur le sol américain : le Marin County Civic Center. Ses villas, comme la Winslow House, la Ward W. Willits House et la Darwin D. Martin House, deviendront ses projets phares, mobilier, luminaires et jardins compris. Son cabinet connaît une croissance fulgurante, tandis que son mariage vire au naufrage. En 1910, il rencontre Mamah Borthwick alors qu’il est missionné pour construire une maison pour son mari, et tombe sous son charme… mais Catherine refuse le divorce. Peu importe : il construit une nouvelle résidence pour vivre avec sa maîtresse, surnommée Taliesin, en référence à un poète breton. Quatre ans durant, le couple file le parfait amour, jusqu’à ce qu’un domestique tue six personnes à la hache, dont Mamah Borthwick et ses deux enfants, avant de mettre le feu à la villa. L’incendie emporte aussi la collection d’estampes de l’architecte valant plusieurs millions de dollars. Sa situation financière périclite : les maîtres d’ouvrage annulent leurs commandes, refroidis par les scandales. La reconstruction de Taliesin engloutit des sommes colossales.

© Sean Hazen
Le grand départ de Frank Lloyd Wright vers Tokyo
Quatre ans plus tard, un nouvel incendie porte un coup de grâce à Taliesin. Pour Frank Lloyd Wright, c’est une raison de plus de partir au Japon. Mais avant, il se prend d’une nouvelle passion pour Miriam Noel, avec qui il se marie, Catherine Tobin ayant accepté de divorcer. Sa nouvelle épouse, fortunée, est une passionnée d’art excentrique, accro à la morphine. En 1915, une nouvelle opportunité sourit enfin à l’architecte : il est autorisé à construire un hôtel dans le pays de ses rêves. Frank Lloyd Wright s’envole pour Tokyo, mais sans Miriam, là où le gouvernement japonais souhaite remplacer l’ancien hôtel Impérial en bois par une construction moderne capable de refléter les ambitions cosmopolites du pays. La pierre d’Oya – « pierre de la grande vallée » – devient alors un élément de style déterminant pour le nouvel édifice. Cette roche créée à partir de lave et de cendres résiste à la pression, mais elle est aussi poreuse donc facile à travailler. De plus, ses tons d’un gris verdâtre reflètent la pensée de l’architecte qui croit à l’influence de la nature sur la structure des bâtiments. Il commence par couler une dalle de béton comme fondation, avant d’empiler des blocs de matériaux, résultant en une mosaïque de briques, de pierre d’Oya et de béton, le tout niché entre un étang et des arbres. La lumière pénètre dans les halls par d’immenses baies vitrées pour inonder des reliefs de pierre, des motifs géométriques et des incrustations de cuivre.