L’objectif de faire passer les voitures neuves au tout-électrique en 2035 avait été fixé en 2023. C’était l’une des mesures phares du Pacte vert européen, et un jalon crucial dans la difficile quête de la neutralité climatique en 2050. Mais deux ans plus tard, les appels se multiplient, au nom du « pragmatisme », à revoir ce symbole du Green Deal européen. Est-ce que l’Union européenne pourrait revenir sur sa copie, alors que le secteur automobile européen traverse une crise aiguë ?
L’offensive des véhicules chinois en Europe
La Commission européenne est censée revoir cet objectif mercredi 10 décembre 2025, dans le cadre d’un vaste plan en faveur de l’industrie automobile, mais elle pourrait repousser ses annonces, pour tenter de concilier les multiples demandes des différents États membres, reflétant souvent celles de leurs filières nationales.
« Notre secteur a reçu l’objectif le plus contraignant, car à l’époque il était perçu comme l’un des plus faciles à décarboner. Mais c’est en réalité beaucoup plus compliqué, car l’écosystème et la demande des consommateurs n’ont pas pu suivre le rythme » imposé par Bruxelles, a plaidé l’Association des constructeurs automobiles européens (ACEA). Pendant ce temps, les constructeurs chinois s’installent en masse sur le marché européen, avec leurs véhicules électriques bien plus abordables que les modèles « made in Europe ».
Résultat, les constructeurs européens craignent une crise sans précédent, si les objectifs de Bruxelles ne sont pas corrigés, avec des licenciements et fermetures d’usines en série. « Le sol se dérobe sous nos pieds », a résumé début novembre Luc Chatel, président de la Plateforme automobile, qui regroupe les constructeurs et équipementiers français, dénonçant une impasse résultant « d’un choix politique et dogmatique, et non pas technologique ».
« Il faut introduire des flexibilités qui contribueront à la fois à la décarbonation et au maintien de l’activité industrielle », réclamait début septembre Antonio Filosa, le nouveau patron de Stellantis.
« Oubliez les usines de batteries »
Le chancelier Friedrich Merz s’est fait ces dernières semaines le porte-voix des constructeurs allemands qui appellent depuis des mois Bruxelles à revoir cette obligation. Dans un courrier à la Commission, il a réclamé le maintien, après 2035, des ventes de voitures neuves à propulsion hybride rechargeables, mais aussi les véhicules équipés de prolongateurs d’autonomie ou de moteurs thermiques dits « à très haute efficacité ». L’Italie défend quant à elle l’autorisation post-2035 des véhicules neufs roulant aux biocarburants (ou agrocarburants), produits à partir de biomasse.
La France, elle, appelle au contraire à dévier le moins possible de la trajectoire vers le tout-électrique, histoire de ne pas compromettre les énormes investissements déjà réalisés par les constructeurs. « Si demain on abandonne l’objectif de 2035, oubliez les usines de batteries électriques européennes », a lancé Emmanuel Macron, à l’issue d’un sommet européen en octobre.
La France demande d’ailleurs à l’UE de soutenir à la production de batteries électriques, en plein développement dans le nord du pays, et propose des obligations de verdissement (c’est-à-dire une électrification imposée) des flottes professionnelles avec des véhicules européens (pour ne pas favoriser les constructeurs chinois).
Mais les Allemands ne sont pas favorables au verdissement des flottes. « Électrifier les flottes d’entreprises à 100 %, c’est faire revenir par la fenêtre l’interdiction des véhicules à moteur thermique », a ainsi dénoncé cette semaine le patron de BMW, Oliver Zipse, de passage à Bruxelles.
Près de 329.000 salariés en France
La filière automobile est un acteur essentiel de l’activité économique française. Selon une étude de l’Insee publiée mardi 2 décembre 2025, elle représentait en 2023 quasiment 329.000 salariés (1,6 % de l’emploi en France) répartis dans 4.080 sociétés. Le quart de ces salariés, soit environ 84.600 personnes, travaillaient dans l’industrie de la construction automobile et 123.210 dans le secteur de la fabrication d’équipements automobiles. La filière automobile a généré 31,2 milliards d’euros de valeur ajoutée, soit 1,1 % du PIB.
Dans cette enquête, les filières liées à la fabrication de produits en caoutchouc et plastique, celles liées à la métallurgie et à la fabrication de produits métalliques s’inquiètent pour leur avenir et leur volume d’activité, expliquant rechercher d’autres marchés que l’automobile, face aux incertitudes sur les perspectives dans le monde automobile.