À Paris, le musée Marmottan-Monet présente jusqu’au 1ᵉʳ mars 2026 l’exposition « L’empire du sommeil », qui regroupe 130 œuvres venues de Florence, de Montréal ou de Dublin : dessins, peintures, de l’Antiquité au XXᵉ siècle qui racontent la fascination des artistes pour cet état mystérieux qu’est le sommeil.

« On a encore pas vraiment compris pourquoi on dort. Et pourquoi pas seulement les Hommes dorment, mais pourquoi tous les êtres vivants doués d’un cerveau dorment ? », fait remarquer Laura Bossi, commissaire de l’exposition L’empire du sommeil mais aussi neurologue et historienne des sciences. « Même les méduses, les poissons, on pensait qu’ils ne dormaient pas, mais en fait, apparemment, ils dorment aussi. Les oiseaux dorment parfois avec une partie du cerveau. On a beaucoup, beaucoup d’écrits. Mais le sommeil reste un mystère », poursuit-elle.

C’est ce mystère que les visiteurs tentent de percer. Un état de conscience modifié dans lequel nous sommes plongés un tiers de notre vie. Un sujet qui a toujours fasciné les artistes, comme le montre la très riche exposition du musée Marmottan-Monet.

« On a voulu montrer que c’est compliqué. Le sommeil est souvent aussi ambigu, parce qu’il y a le sommeil qui peut rappeler la mort ou bien l’amour, comme c’est d’ailleurs très bien dit dans les mythes grecs où le dieu du sommeil, Hypnos, est en même temps le plus doux des dieux. Mais en même temps, c’est le frère de la mort, et les deux sont les enfants de la nuit en même temps. L’Empire, c’est aussi l’empire sur nous-même. Nous n’avons pas le pouvoir de nous soustraire au sommeil. Et d’ailleurs, la privation de sommeil est une véritable torture. Il y a des rares maladies génétiques où les personnes qui ne peuvent pas dormir meurent », développe la commissaire de l’exposition.

« On peint le lit de mort »

Toutes les facettes du sommeil, du doux rêve à l’hallucination cauchemardesque, de l’endormi à l’insomniaque, sont évoquées dans l’exposition. Peindre le sommeil, c’est aussi peindre l’intime.

« Dès qu’on sait tenir un crayon, qu’on dessine, on a envie de peindre le sommeil des modèles. On peint ses bébés, on peint ses maîtresses et ses amants. On peint le lit de mort. Il y a eu énormément d’artistes qui ont voulu, pour la mémoire d’abord, souvent pour eux-mêmes, peindre les dernières images de leur amour. Et ici, on montre deux tableaux de Monet, très peu connus et très intimes, qui sont son fils Jean, bébé, avec sa poupée endormie dans le berceau. Et on montre sa femme, Camille, morte sur son lit de mort, qui est un tableau que moi, je trouve parmi les plus émouvants de l’exposition où elle est, comme on faisait à l’époque, habillée avec sa robe de mariée et son voile de mariée », expose Laura Bossi. Victor Hugo, photographié par Nadar sur son lit de mort en 1885, côtoie le masque mortuaire qu’en fit Aimé-Jules Dalou.

Dans la section consacrée aux troubles du sommeil, un tableau du Tchécoslovaque Maximilian Pirner, une somnambule en équilibre sur une corniche, nous donne le vertige. Ou un autoportrait plutôt angoissant d’Edvard Munch, les yeux caverneux, intitulé « Le Noctambule ».

Et après la mort, le désir, avec beaucoup de belles endormies : l’exposition consacre une belle salle, entièrement couverte de rouge, à l’érotisme que convie parfois le sommeil.

Pour aller plus loin : Exposition L’empire du sommeil