Par

Jessie Leclerc

Publié le

7 déc. 2025 à 7h24

La Seine-Maritime est connue pour son palais de la Bénédictine, ses longs chemins de randonnée, son cœur de Neufchâtel coulant, ses plages de galets gris… Et ses imposantes falaises ! Si on pense spontanément au pic d’Étretat bondé de touristes, les falaises ne se limitent pas au littoral. On en trouve aussi… dans l’agglomération de Rouen ! Mais pourquoi jusque-là ? Comment ces falaises sont-elles apparues ? C’est la question pas si bête de la semaine.

Et selon Aurélie Lasnier, chargée de mission paysage au Parc naturel régional des Boucles de la Seine Normande depuis 2008, « c’est une histoire fascinante qui se joue sur des millions d’années ». Elle nous raconte.

De l’eau, des tremblements, du froid… Une longue histoire !

Tout commence 300 millions d’années avant Jésus-Christ. Il y a donc très très longtemps ! Des centaines de millions d’années avant même l’arrivée de la vie humaine sur notre planète. Mais à l’échelle de la vie de la Terre, qui a 4,5 milliards d’années, c’est finalement plutôt récent.

C’est à cette période que se forme le bassin parisien qui n’est alors qu’une grande cuvette. Peu à peu, et jusqu’à -66 millions d’années, la mer avance et vient remplir cette cuvette. Pendant des dizaines de millions d’années, animaux marins morts, boue et végétaux s’accumulent, se compactent et se transforment avec la pression pour constituer une épaisse couche de calcaire. Jusque-là, rien de bien glamour.

Lorsque la mer se retire, entre -66 millions et -2,6 millions d’années, elle dévoile une roche calcaire à l’air libre. Cette roche se recouvre peu à peu de prairies et de forêts denses.

À des milliers de kilomètres de là, la plaque africaine entre en mouvement. Elle pousse la plaque européenne sur laquelle se situe la France. C’est alors que sortent de terre les montagnes des Pyrénées et des Alpes. Par intermédiaire, l’actuelle Seine-Maritime bouge à son tour et son niveau monte aussi.

La Seine, sculptrice de paysages

Aux alentours de -3 millions d’années, la Seine apparaît et s’installe sur ce plateau calcaire, très friable. En cherchant son point le plus bas pour rejoindre la mer, elle serpente, forme des méandres et creuse fortement l’extérieur de ses courbes.

« La Seine est venue chercher son énergie là où elle coule le plus vite, donc à l’extérieur des virages », explique Aurélie Lasnier.

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La rive droite de Rouen se trouve précisément sur l’extérieur de l’un de ces méandres. Là, la Seine est venue creuser plus fortement la craie. D’où les montées abruptes vers Mont-Saint-Aignan, tandis que vers la rive gauche les pentes, façonnées plus lentement, sont plus douces.

Les périodes de glaciation, 2,6 millions d’années avant notre aire, accentuent encore l’érosion. En tout, quatre périodes de glaciation puis de redoux. La Seine chargée de blocs de glaces et de roches, entaille fortement le plateau avant de se calmer lors des épisodes plus chauds. À chaque cycle, elle creuse un peu plus profondément, par à-coups, jusque dans le Pays de Caux.

Et si on retrouve des falaises parfois plus éloignées de la Seine, c’est parce que le fleuve passait très probablement par là avant. « On oublie qu’elle a bougé. Parfois elle a pris d’autres chemins et a coupé tout droit les boucles qui devenaient trop serrées », précise Aurélie.

Un patrimoine naturel et culturel

Selon la spécialiste, les falaises sont de véritables « livres ouverts » qui racontent l’histoire géologique du territoire, mais aussi celle de ses habitants. « Le long de la Seine, les bâtisseurs ont utilisé l’argile issue de la décomposition du calcaire, très présente dans nos sous-sols, plutôt que de la pierre dure comme en Bretagne », détaille-t-elle.

Aujourd’hui, de nombreux sites offrent un panorama unique sur ces parois modelées par le fleuve. Aurélie apprécie particulièrement ceux de La Bouille et de Varangeville-sur-Mer.

Et ces falaises sont devenues un marqueur du territoire. « Beaucoup de Seinomarins ont cité les falaises lorsque je suis allée les interroger sur ce qui les rattache à leur paysage », note la paysagiste.

Des falaises en danger ?

« Les falaises ne sont pas en danger, les hommes si », prévient Aurélie. « L’érosion due à la pluie, le gel et la pousse des racines ça a toujours été », ajoute-t-elle. Mais les risques apparaissent lorsque l’homme a construit en haut ou en bas des parois.

Filets, coupes de végétation ou renforcement de la roche ne font que retarder les effondrements. « On veut contrôler les phénomènes naturels, mais ils seront toujours là », conclut Aurélie.

À nous donc de nous adapter à ces géants de calcaire qui étaient là bien avant nous.

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