Réaffirmation de l’Alliance
La cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, a adopté une position modérée et diplomatique malgré la rupture historique dans la stratégie de défense américaine que représente le document. Elle a affirmé que les États-Unis restent « le plus grand allié » de l’Union européenne.
Tout en reconnaissant qu’il existe « beaucoup de critiques » à l’égard de ce document, elle a concédé que certaines d’entre elles sont « également fondées ». La haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité a souligné que, même si les États-Unis et l’Union européenne n’ont pas toujours été d’accord sur différents sujets, le principe général de l’alliance demeure et qu’ils doivent rester unis.
De même, le ministre allemand des Affaires étrangères, Johann Wadephul, a souligné que les États-Unis étaient et resteraient leur « allié le plus important » au sein de l’Organisation de l’Atlantique nors (Otan), tout en précisant que son pays n’avait pas besoin de « conseils extérieurs ».
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La stratégie, formulée selon l’approche de « l’Amérique d’abord », est perçue par de nombreux officiels européens comme une escalade des critiques contre les alliés européens.
En deux pages et demie, le document étrille les Européens en soutenant des affirmations selon lesquelles le continent est confronté à un « effacement civilisationnel » dû à l’immigration et met également en cause « son obsession infructueuse pour l’asphyxie réglementaire ». Le texte reprend aussi la théorie conspirationniste du « grand remplacement ».
Le document appelle les États-Unis à jouer un rôle plus actif dans les affaires politiques du continent, notamment en « cultivant la résistance à la trajectoire actuelle de l’Europe » au sein des nations européennes. Il fait également référence, de manière positive, à « l’influence croissante des partis européens patriotiques ».
Ces passages ont provoqué des condamnations plus vives de la part d’anciens responsables – qui ne sont pas tenus à a la réserve diplomatique. L’ancien premier ministre suédois Carl Bildt a posté que le langage utilisé ressemble à celui que l’on trouve habituellement « dans l’esprit bizarre du Kremlin » et a jugé que le document positionnait les États-Unis « à la droite de l’extrême droite en Europe ».
De même, Gérard Araud, ancien ambassadeur de France aux États-Unis, a observé que la section consacrée à l’Europe « se lit comme un pamphlet d’extrême droite » et qu’elle confirmait largement la perception que Donald Trump est un « ennemi de l’Europe ».
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Le document national sécuritaire a également des implications directes sur la politique étrangère, notamment en ce qui concerne l’Ukraine. Il promet qu’il n’y aura pas d’élargissement de l’Otan, ce qui est perçu comme « anéantissant une fois de plus les espoirs de l’Ukraine » face à l’invasion russe, et la fin de l’Otan comme une alliance en expansion perpétuelle.
Kaja Kallas a mis en garde contre les conséquences d’une paix obtenue en cédant à la force. Elle a affirmé qu' »imposer des restrictions et des contraintes à l’Ukraine ne nous apportera pas une paix durable », ajoutant un avertissement général : « Si l’agression est récompensée, elle se reproduira, non seulement en Ukraine ou à Gaza, mais partout dans le monde ». Elle a également incité l’Europe à avoir « d’avantage confiance en nous » vis-à-vis de la Russie, estimant que l’Europe a sous-estimé son propre pouvoir.
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Aux États-Unis, des élus démocrates ont exprimé leur inquiétude concernant la stratégie de l’Administration Trump. Le sénateur du Connecticut, Richard Blumenthal, a notamment réagi en affirmant que la stratégie nationale de sécurité « laissait présager des revers ». Selon lui, le document impliquait de « renoncer aux alliés, de laisser tomber l’Ukraine », et d’abandonner des objectifs stratégiques clés ainsi que des valeurs fondamentales.
Daniel Fried, chercheur émérite à l’Atlantic Council, a déclaré dans un communiqué que la stratégie présentait une « incohérence interne ». L’ancien directeur principal du Conseil de sécurité nationale pour les présidents Clinton et George W. Bush souligne que l' »hostilité idéologique de la stratégie envers l’Europe » s’ajoute à « l’amertume » du président américain « face à la perception d’un surinvestissement américain et son mépris général pour les ‘valeurs' ».
Cette combinaison, selon Daniel Fried, « pousse les États-Unis à se retirer du leadership du monde libre — et même du concept de monde libre lui-même ». Mais « dans le même temps, la stratégie nationale de sécurité reconnaît que les États-Unis auront besoin de leurs alliés, y compris l’Europe, pour faire face à leurs adversaires, en particulier la Chine. »