Les pionniers du « modèle rwandais »
« L’enjeu est de taille », souligne-t-il, dans un communiqué, espérant parvenir à un consensus à Bruxelles « pour rendre possible la mise en place de centres d’accueil communs hors de l’UE, où seront traitées les demandes d’asile ».
« Il s’agit d’une priorité danoise depuis de nombreuses années », a-t-il rappelé. En effet, le Danemark a été le premier État membre à proposer d’envoyer les demandeurs d’asile dans des pays tiers où leurs demandes seront examinées et à signer un protocole d’accord en ce sens avec le Rwanda en 2021.
Les questions migratoires font débat depuis près d’un quart de siècle dans le pays de 5,9 millions d’habitants, soulevées notamment par le Parti du peuple danois (PPD, extrême droite), entraînant au fil des ans une politique d’immigration ultra-restrictive, l’une des plus dures d’Europe.
Cloué au pilori, notamment depuis la crise migratoire européenne de 2015-2016, par nombre de pays de l’UE, de l’Onu et autres ONG de défense des droits de l’homme, le Danemark est devenu paradoxalement ces dernières années un modèle à suivre.
Des chiffres qui parlent pour Copenhague
Et pour cause, sa politique tant décriée a porté ses fruits. Le nombre de demandeurs d’asile a atteint en 2024 son plus bas niveau depuis plus de 40 ans à 1656 contre 21 316 en 2015, lors de la crise migratoire en Europe, et celui des permis de séjour octroyés est en chute libre à 779 au cours des 10 premiers mois de 2025, un record, pour 10 266 dix ans plus tôt.
Ces résultats spectaculaires ont été obtenus sous l’ère d’un gouvernement de centre-droit dirigé par les sociaux-démocrates depuis 2019.
Pas moins de 96 délégations de ministres, de députés et d’experts de plusieurs pays, notamment de l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la France, la Suède, la Norvège et le Royaume-Uni, se sont succédé depuis 2019 à Copenhague pour connaître les ingrédients de la recette danoise, selon un décompte du ministère de l’Immigration et d’intégration.
La Suède, qui a accueilli 163.000 réfugiés en 2015, un record per capita en Europe, a longtemps dénigré la politique « brutale » de son voisin scandinave.
Mais elle a fini par « reconnaître que le temps a donné raison au Danemark », selon les termes de son Premier ministre conservateur Ulf Kristersson, dont le pays, en proie à la criminalité des bandes d’origine immigrée, pâtit de l’échec de l’intégration.
Partageant cet avis, le chancelier allemand Friedrich Merz, recevant le 11 juin dernier Mette Frederiksen la cheffe du gouvernement danois à Berlin, a admis que « le Danemark est un modèle pour nous en matière de politique migratoire ». Certes « l’Allemagne est un pays d’immigration, mais il y a des limites » face à l’afflux des migrants a-t-il affirmé lors d’un point de presse commun.
Pour Friedrich Merz, l’immigration est un « problème dans le paysage urbain »
Le gouvernement travailliste britannique, qui traverse une période de tensions inédite sur les questions migratoires, veut s’inspirer également du modèle danois pour réformer son système d’asile, tirant notamment la leçon des règles rigoureuses danoises de regroupement familial et des restrictions de séjour des réfugiés.
Expliquant cet attrait pour le modèle danois pourtant musclé destiné à fermer la porte aux migrants, le professeur en sciences économiques Poul Fritz Kjaer au département de sciences politiques à Copenhagen Business School (CBS) pense qu' » il reflète un changement d’attitude vis-à-vis de l’immigration en Europe sous la forte poussée de partis nationalistes de droite ».