Par
Lisa Rodrigues
Publié le
28 avr. 2025 à 7h16
Depuis quelques jours, la portion de la rue Lazare-Carnot entre la place Championnet et la rue Humbert II à Grenoble est bien moins empruntée par les automobilistes. Et pour cause : la zone est devenue piétonne, par arrêté municipal en date du 2 avril.
Des poteaux fixes à l’entrée côté rue Lesdiguières ont été installés, tout comme les panneaux réglementaires. Cette piétonisation, elle ne passe pas pour une partie des habitants et des commerçants du quartier.
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Une piétonisation temporaire il y a un an
L’été dernier, cette portion de rue avait temporairement été rendue piétonne pour aider à l’organisation d’activité en plein air. Les habitants s’inquiétaient déjà d’une piétonisation rendue pérenne, ce que n’avait d’ailleurs pas complètement écarté la mairie, contactée à l’époque par la rédaction.
« Une piétonisation pérenne nécessitant une instruction plus approfondie, il a été proposé de tester dans un premier temps le principe d’une coupure de la circulation à travers une piétonisation pour la période estivale », expliquait alors Alan Confesson, adjoint au Secteur 2.
Un test qui a donc été rendu installation pérenne depuis le vendredi 18 avril. « L’expérimentation réussie l’été dernier ainsi que l’observation des usages tout au long de l’année sur cette partie de rue ont montré que les flux de véhicules motorisés y sont déjà très minimes », explique la Ville à actu Grenoble.
Une zone de rencontre avait été créée
« Imposer cette mesure sur une courte distance, on ne comprend pas, soupire Michel Voilin, président de l’union de quartier Championnet-Bonne-Condorcet-Hoche. Il n’y a pas eu de concertation sur le sujet. J’ai plus d’habitants et commerçants opposés que favorables à ce projet dans le voisinage ! »
C’est le cas de ce riverain et membre de l’union de quartier, joint par la rédaction. En 2017, une consultation menée par Grenoble Alpes Métropole et la Ville avait conclu à la mise en place d’une zone de rencontre sur cette portion de rue. « C’était positif, car ça limitait la vitesse et ça donnait la priorité aux piétons. »
Une pétition remise en cause
Déjà à l’époque, un « collectif voulait rendre piétonne la rue Lazare-Carnot ». Et le Grenoblois en est sûr, ce sont les mêmes personnes qui ont créé une association pour demander à la mairie la piétonisation du haut de la rue. « Ils auraient fait une pétition signée par 400 personnes, mais on ne sait pas d’où ils viennent ! »
Une pétition donc l’existence a été confirmée à actu Grenoble par la mairie.
La Ville répond favorablement à la demande des habitant-es et commerçant-es aux alentours qui, organisés au sein de l’association des habitants et des usagers du quartier Championnet, ont été fortement mobilisés pour faire advenir cette piétonisation. Une pétition a en outre réuni plus de 500 signatures, mobilisant au-delà du simple périmètre de la rue.
Ville de Grenoble
Cette association serait liée au café de la place Championnet, dont le gérant serait membre de ladite association. La rédaction a essayé de joindre le patron comme l’association, sans succès.
« Pour nous, cette piétonisation, c’est une privatisation de la rue au bénéfice du patron du bar et de sa terrasse, peste le riverain. La voirie n’est pas quelque chose de privé ! »
« À aucun moment on a été concerté »
L’incompréhension se ressent aussi du côté des commerçants. « Les travaux se sont faits en une semaine. Les panneaux disaient qu’il y a eu une concertation avec les habitants et les commerçants, mais à aucun moment on a été concerté », assène Christophe Martin, gérant du bar Les Voisins, rue de Turenne au bout de la place Championnet.
Il dénonce également une forme de « clientélisme » avec cette piétonisation accordée à une association que tous disent « proche de la mairie ».
Moi, j’adorerais que la rue à côté de mon bar soit piétonne. J’ai demandé plusieurs fois une piétonnisation temporaire pour une soirée. On m’a dit que je ne pouvais pas privatiser un espace commun. Eux, ils demandent une fois et ils obtiennent une piétonnisation permanente !
Christophe Martin, gérant du bar Les Voisins
La circulation plus compliquée dans le quartier
L’autre point gênant de cette piétonisation est d’ordre plus logistique : la portion de rue étant un « axe de délestage » pour les habitants du quartier souhaitant éviter des artères comme le boulevard Gambetta. « Ça oblige les riverains à faire un grand détour pour accéder à leur propriété », assure Michel Voilin.
Et les difficultés se font aussi ressentir chez les commerçants. « Les clients qui ne sont pas de Grenoble, ils ne trouvaient déjà pas de place pour se garer. Là, ils ne peuvent même pas entrer dans la rue sans faire de détour », se désole Ali, gérant d’un restaurant de la rue.
« Le croisement Lesdiguières-Gambetta a toujours été problématique et a toujours été encombré. Maintenant, les voitures sont immobiles« , lance Christophe Martin.
Il y a aussi les livraisons qui sont rallongées. « Encore ce matin, on est obligé d’aller jusqu’au boulevard Gambetta pour arriver ici et me livrer. Si c’est ça l’écologie, c’est idiot », souffle Ali.
« Je n’ai qu’une envie, c’est de fermer »
Christophe Martin n’est pas impacté directement dans son activité par la piétonisation, mais « c’est pour les copains dans les petites rues perpendiculaires qui vont avoir moins de monde ». Des commerçants comme Ali, qui s’inquiète pour l’avenir de son restaurant.
S’ils commencent à fermer une partie, qui me dit que l’année prochaine, ils ne vont pas tout rendre piéton ? Ça fait 34 ans que je suis ici. Je suis écœuré. Je n’ai qu’une seule envie, c’est de fermer, mais je dis quoi à mes 6 salariés ?
Ali, gérant d’un restaurant du quartier, impacté par la piétonnisation
Une extension de la piétonisation dans le quartier qui inquiètent également des riverains. « On craint que les arguments avancés pour la rue Lazare-Carnot soit réutilisé pour la rue Lakanal », souffle un habitant.
« On aurait pu piétonniser ponctuellement la rue par exemple, avance Michel Voilin. Mais il n’y a pas eu de concertation. » L’union de quartier assure être en train de réfléchir à des actions à mener pour contester cette décision.
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