Nicolas Bequaert est le président-directeur général d’Urbaser environnement qui vient d’obtenir la délégation de service public de l’usine Ametyst et la construction de la chaudière CSR (combustible solide de récupération) dont la mise en service est annoncée pour la fin 2029.
Urbaser environnement a été désigné par la Métropole pour reprendre l’usine Ametyst et construire la chaudière CSR. Cette décision est intervenue à proximité des prochaines élections municipales. Cette échéance constitue-t-elle un frein pour conduire ce projet dès maintenant ?
On ne fait pas de politique. On gère les déchets pour le compte des collectivités locales dans le cadre de marchés qui nous sont attribués. On gère ces marchés-là en suivant le contrat qu’on nous a confié. Celui-là va démarrer le 1er janvier 2026.
Ces choix vont animer la prochaine campagne électorale et certains candidats les remettent en cause.
Ce contrat prévoit un certain nombre d’étapes. Les choix qui ont été faits à l’époque sont indépendants de la situation du moment. Après, il y a évidemment une forte sensibilité sociale, sociétale, environnementale liée à ce site. Cela date de la construction de l’usine. C’est un sujet important donc évidemment, ça attire beaucoup d’attention de notre part et de beaucoup de parties prenantes, ce qui est naturel.
Bio express
Nicolas Bequaert, 55 ans, vient d’être nommé président-directeur général d’Urbaser environnement en remplacement de Claude Saint-Joly, le cofondateur de cette filiale française du groupe. Il en assurait la direction générale depuis janvier dernier. Ce diplômé d’HEC occupe des responsabilités dans les questions de gestion des déchets depuis 25 ans. Urbaser environnement, dont le siège est à Montpellier, compte actuellement 1 500 salariés en France.
Comment se passe cette période avec l’ancien délégataire ?
C’est une période de tuilage. Elle est prévue dans le marché qu’on a signé. On a officiellement accès aux informations détaillées concernant le site. L’objectif de cette période, c’est de permettre une bonne reprise en main du marché entre le 31 décembre et le 1er janvier. Et ça se passe de manière très coordonnée, très positive et très professionnelle avec nos confrères de Suez.
Et avec les salariés qui avaient exprimé leur inquiétude au moment de la décision ?
Ce sujet a été piloté de très près par la Métropole et René Revol. Avec lui, on a, dès la fin août, fait une rencontre avec les partenaires sociaux du site et un certain nombre de collaborateurs. On a eu l’occasion de se présenter une première fois. Il y avait des inquiétudes très fortes. On a expliqué notre projet, qui on était, nos méthodes sociales… On les applique partout en France, on va les appliquer ici. Notre objectif n’est pas de faire de la casse sociale, de faire du moins disant social. On reprend tous les collaborateurs et toutes les collaboratrices du site. On s’est engagé à reprendre les intérimaires et à les titulariser. C’était une demande de la Métropole. On a aussi dit aux collaborateurs qu’on les reprend dans leurs conditions de rémunération actuelle. On garde la convention collective. Enfin on a fait une réunion avec l’ensemble du personnel pendant laquelle on a présenté l’entreprise Urbaser, le projet. Il y a vraiment une volonté d’avoir ce dialogue social comme on l’a sur tous nos sites.
Urbaser Environnement gère-t-elle déjà un site équivalent à celui d’Ametyst ?
Oui. On a fait un marché de conception, construction et d’exploitation d’une usine qui est très proche, à côté d’Albi dans le Tarn, pour le compte d’une collectivité, le syndicat du Tarn qui s’appelle Trifyl. On gère des sites de méthanisation à Bayonne, à Varennes-Jarcy, à Fos. Ce type de site, c’est l’ADN de cette société-là. C’est un métier intégré par l’entreprise depuis 25 ans. D’ailleurs, Urbaser avait candidaté au premier marché de DSP de construction d’Améthyst.
Quels étaient, selon vous, les qualités, les avantages de votre dossier ?
La Métropole a choisi celui qui correspondait le mieux à ses attentes en termes de prix, en termes de réponses techniques. On a de notre côté beaucoup insisté sur plusieurs volets qui étaient importants pour la Métropole. Le premier, c’était la réduction des odeurs. On y a apporté une attention particulière. Le deuxième sujet, c’était de répondre à l’interdiction à partir du 1er janvier 2027 de faire ce qu’on appelle le retour au sol des composts, les composts qui sont actuellement produits par l’usine. Ce changement de loi s’impose à tout le monde. On y répond par des adaptations techniques. On va continuer à produire du compost mais uniquement à partir de ce qui sera permis par la réglementation à partir de janvier 27 c’est à dire à partir des biodéchets.
Des travaux contre les odeurs dès février
Sur Ametyst, la question des odeurs reste prégnante. Que comptez-vous entreprendre ?
On va changer la configuration du site et isoler davantage les bâtiments. Les digestats sont la source de beaucoup d’odeurs parce qu’ils maturent. Dans les changements qu’on va faire, au lieu de faire maturer ces 12 ou 15 000 tonnes de matière, on va les sécher dans des installations étanches. Les sécheurs aspirent l’humidité, ils aspirent les odeurs, et on traite les odeurs avec des filtres qui permettent d’éviter qu’elles se diffusent par le bâtiment, par la porte. On va démarrer les travaux à partir du mois de février, on fera très rapidement des évolutions sur le process. On va aussi améliorer la gestion des biofiltres.
Quel est votre calendrier pour le projet de chaudière CSR ?
Cela passe d’abord par une phase d’études, une phase d’autorisations administratives, de permis, etc. Avec un calendrier de construction qui prévoit, une mise en service fin 2029 pour une capacité de 40 mégawatts de production énergétique. Son rôle principal, c’est de fournir de la vapeur et de l’électricité, principalement de la vapeur, pour aller alimenter le réseau de chaleur de la métropole. Et on va produire de l’électricité quand le besoin de vapeur, le besoin de chaleur est plus faible. On va multiplier par sept la production d’énergie, à partir du même volume de déchets entrant.
C’est un process que vous utilisez déjà ?
Oui, c’est du CSR qui est produit à partir des ordures ménagères principalement. Il va alimenter la chaufferie du site et la vapeur produite va alimenter le réseau de chaleur. Et il y a un deuxième type de CSR, pour le tout-venant de déchetterie. C’est ce qui vient des bennes de déchetterie, tout le déchet résiduel. C’est beaucoup de déchets d’ameublement, par exemple, beaucoup de déchets d’ameublement qui va servir à faire un autre type de CSR qui va être apporté à d’autres chaufferies, des cimenteries par exemple. On a vraiment deux filières de CSR différentes à partir de deux types de déchets différents. Et ces deux flux sont parallèles, sont étanches. Ce ne sont pas des flux qui se mélangent.
« Le CSR ce n’est pas que du plastique »
Les contempteurs du projet parlent d’une chaudière à plastiques. Que leur répondez-vous ?
Il y a une incompréhension majeure sur ce sujet. La première chose, c’est que, ce qui va arriver dans cette chaufferie CSR c’est ce qui est aujourd’hui grosso modo contenu dans les digestats. Ce n’est pas du plastique ce sont des résidus de la fraction organique des ordures ménagères. Ensuite, il y a un certain nombre d’extractions qui existent déjà sur le site qu’on va renforcer pour aller enlever tout ce qui ne peut pas être méthanisé et composté. On va renforcer toute la captation des métaux, des plastiques. On fait des investissements importants pour ça. C’est pour ça que ce n’est pas un contenu avec une masse de plastique importante. Il y en aura sûrement un peu, mais ça n’a rien à voir avec des résidus de plastique qui seront plutôt traités dans l’autre flux de CSR destiné aux cimenteries.
Et pour le traitement des fumées ?
On met en place les meilleures techniques disponibles qui permettent de capter les polluants qui sortent de la combustion. Sur l’ensemble des seuils réglementaires français, on est systématiquement en dessous de ces seuils. On peut être douze fois plus bas que le seuil réglementaire pour tout ce qui est dioxines. On suit toutes les émissions en continu avec des mesures qui vont être faites par un institut indépendant, Air-Occitanie. Ce sont des techniques éprouvées sur tous les autres sites qu’on gère en France.
Des riverains s’inquiètent malgré tout de ces émanations de fumée, d’un « effet cocktail » avec la pollution venant de l’autoroute toute proche…
Une fois que cette chaufferie CSR sera construite, elle va disposer des meilleures techniques disponibles avec des seuils d’émissions très bas. Ensuite, oui on est dans un milieu urbain, périurbain. Mais on n’est pas sur une plate-forme chimique ou pétrolière, une zone industrielle. On sera contrôlé par l’État, la Dréal. Ce sont des choses qu’on fait à la fois en CSR et en incinération sur d’autres sites en France.
N’y a-t-il pas une incohérence à construire un équipement comme celui-là et, parallèlement conduire une politique « zéro déchet » ?
D’abord, c’est le choix de la Métropole. Et je pense que c’est un excellent choix quand on regarde la situation actuelle. Aujourd’hui une grande partie de ces déchets sont des refus qui finissent en installation de stockage. Ces installations, la Métropole ne les maîtrise pas, donc, du jour au lendemain, les exploitants peuvent lui dire stop. Donc il faut qu’elle se dote de ces outils. Deuxièmement, pour les prochaines années, il est fait mention d’une augmentation très forte de la TGAP, la taxe pour l’enfouissement des déchets. Aujourd’hui, elle est à 65 euros la tonne. En 2030, elle sera à 105 euros la tonne. Et la troisième logique, c’est qu’aujourd’hui, ces déchets existent, se comptent en dizaines de milliers de tonnes. Il faut les traiter. Ça n’empêche pas qu’il y a toutes les mesures, les démarches de la politique zéro déchet de la Métropole, auxquelles nous, en tant qu’exploitants, en tant que titulaires de cette délégation, on est également associés. On a des obligations. On a un intérêt strictement économique mais on n’est pas du tout incité à ce que le volume de déchets augmente.