Dans une série commandée par le centre régional de la photographie, Martin Parr a photographié à la fin des années 1980 les milliers de Britanniques qui débarquaient à Boulogne-sur-Mer le temps d’une journée. Des excursions pour acheter de la bière et des cigarettes à bas coût. La série, intitulée « One Day Trip », illustre à la perfection le travail du photographe britannique disparu.
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Martin Parr, extraordinaire photographe de la banalité, s’est éteint ce samedi 6 décembre 2025 à l’âge de 73 ans dans sa ville de Bristol. Le Britannique, géant de la photographie contemporaine, est devenu célèbre grâce à l’esthétique reconnaissable de ses photos et ses thèmes de prédilection, comme le tourisme de masse ou le consumérisme.
Deux thèmes au cœur de « One Day Trip » – comprendre Voyage d’un jour – une série de photographies réalisées en 1988 et 1989 sur le littoral du Pas-de-Calais. À l’époque, le tunnel sous la Manche n’est pas construit et le marché commun européen n’existe pas encore. Alors les Britanniques empruntent les ferries depuis Folkestone, direction Boulogne-sur-Mer et Calais, le temps d’une excursion d’une journée pour acheter des cigarettes et de l’alcool à bas coût.

Série One day trip, 1988-1989, Mission Photographique Transmanche n°5 – Collection du CRP/ Centre régional de la photographie Hauts-de-France
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© PARR Martin
La série, d’une trentaine de photos, a été commandée à Martin Parr par le centre régional de la photographie, situé à Douchy-les-Mines (Pas-de-Calais). Une satire sociale d’un phénomène consumériste prisé des Britanniques. Tous les ingrédients réunis pour inspirer Martin Parr. Voici quelques photos.
Dans le livret, les photos sont accompagnées d’un texte du journaliste anglais Robert Chesshyre. Il écrit : « des milliers de Britanniques déferlent quotidiennement sur Boulogne et Calais (…). Les plus prévoyants poussaient ou tiraient toutes sortes de chariots de fortune : n’importe quel engin muni de roues et susceptible de transporter d’immenses chargements de bière blonde, denrée de prédilection des excursionnistes britanniques ».

Série One day trip, 1988-1989, Mission Photographique Transmanche n°5 – Collection du CRP/ Centre régional de la photographie Hauts-de-France
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© PARR Martin
Outre les bars très prisés des groupes d’Anglais, la priorité pour les touristes d’une journée se trouve à 5 kilomètres de Boulogne-sur-Mer : l’hypermarché Auchan. « Grand comme plusieurs terrains de football, c’est l’Eldorado des excursionnistes », décrit Robert Chesshyre.

Série One day trip, 1988-1989, Mission Photographique Transmanche n°5 – Collection du CRP/ Centre régional de la photographie Hauts-de-France
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© PARR Martin

Série One day trip, 1988-1989, Mission Photographique Transmanche n°5 – Collection du CRP/ Centre régional de la photographie Hauts-de-France
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© PARR Martin
Dans cet immense magasin, les achats des Anglais représentent à l’époque jusqu’à 20% du chiffre d’affaires avant Noël. L’alcool, explique le directeur en poste à la fin des années 80, atteint 70% des ventes. « Le samedi précédent, il avait vendu 200 palettes de bière, soit 20 000 caisses ou 520 000 canettes », affirme le journaliste.

Série One day trip, 1988-1989, Mission Photographique Transmanche n°5 – Collection du CRP/ Centre régional de la photographie Hauts-de-France
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© PARR Martin
Une fois les achats effectués, les Anglais remontent sur le ferry avec leur cargaison pour fêter Noël.
Une série photo qui s’inscrit dans un projet plus global, intitulé « Mission Photographique Transmanche ». Initié en 1988 par le centre régional de la photographie (CRP) des Hauts-de-France, il visait à suivre les transformations entraînées dans le Nord Pas-de-Calais par le creusement du tunnel sous la Manche.

Série One day trip, 1988-1989, Mission Photographique Transmanche n°5 – Collection du CRP/ Centre régional de la photographie Hauts-de-France
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© PARR Martin
« Il y a ce chantier du siècle qui se profile et le centre régional de la photographie, orienté sur les questions autour des mutations du territoire, va se saisir de cette question sous tous les angles et proposer aux artistes de déterminer des sujets librement autour du tunnel », raconte Audrey Hoareau, directrice du CRP.
Aux côtés de Martin Parr, plus d’une vingtaine de photographes venus du monde entier y ont participé durant 18 ans. 427 clichés au total, répartis en 26 cahiers, précieusement gardés au centre régional de la photographie de Douchy-les-Mines. Des témoins d’une époque aujourd’hui révolue. « Cette mission visait à questionner notre société, les relations qui allaient s’ouvrir grâce au tunnel sous la Manche, explique la directrice du CRP. Avec le Brexit, on voit que les choses ont beaucoup changé, et le témoignage des artistes est très important ».

Série One day trip, 1988-1989, Mission Photographique Transmanche n°5 – Collection du CRP/ Centre régional de la photographie Hauts-de-France
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© PARR Martin
Les photographies de Martin Parr constituent le cahier numéro 5 de la mission. Elles sont soigneusement conservées au CRP de Douchy-les-Mines avec 9 000 autres œuvres. Invisibles du grand public donc, mais « si des structures souhaitent organiser une exposition, notre collection est disponible », rappelle Audrey Hoareau. La structure a par ailleurs numérisé toutes ses œuvres. Elles seront disponibles en accès libre sur internet, à l’horizon 2027, à l’occasion du bicentenaire de la photographie.