Boissons sucrées et cancer colorectal : pourquoi l’alerte
revient
Ouvrir une canette après le travail, partager un « jus de fruits »
à table, piocher une boisson énergétique pendant le sport. Des
gestes banals, mais qui s’inscrivent dans un environnement où les
aliments ultra-transformés se sont imposés. En
France, le CNRS estime qu’ils représentent environ 80 % des
produits disponibles en supermarché. Six grandes familles sont
pointées du doigt pour malmener le métabolisme, et l’une d’elles
est au coeur d’un faisceau d’indices qui inquiète les
chercheurs.
Ces produits apportent beaucoup de calories, de sel, de sucres
ajoutés et de graisses saturées ou trans, avec très peu de fibres
protectrices. Les données s’accumulent sur leurs effets
métaboliques et, au-delà, sur des maladies chroniques. Une boisson
industrielle très populaire se détache dans ce tableau. La quantité
fait une vraie différence.
Deux verres par jour : un risque de cancer de l’intestin plus
que doublé
Une large étude publiée dans la revue Gut en 2021 s’est
intéressée au cancer colorectal d’apparition
précoce. Dans la cohorte Nurses’ Health Study II, 95 464
infirmières ont été suivies entre 1991 et 2015, et 41 000 d’entre
elles ont renseigné leur alimentation à l’adolescence. À 50 ans,
109 participants avaient développé un cancer colorectal. Par
rapport à celles qui buvaient moins d’une fois par semaine ce type
de boisson, celles qui déclaraient consommer deux boissons
sucrées par jour présentaient un risque plus de
deux fois supérieur de cancer de l’intestin. À
l’adolescence, chaque boisson sucrée consommée quotidiennement
était associée à +32 % de risque de cancer
colorectal précoce. Sont concernées les boissons gazeuses sucrées,
boissons aromatisées aux fruits, boissons énergisantes et
sodas.
Ces résultats convergent avec une mise en garde reprise par la
Société française de nutrition : « l’incidence du cancer du côlon
proximal et la mortalité liée augmentent avec les quantités de
boissons sucrées et de fructose consommées. Ainsi, pour chaque
boisson sucrée consommée en plus au quotidien, l’incidence serait
augmentée d’environ 20 % et la mortalité d’environ 40 % ». Les
chercheurs notent aussi qu’à la place de ces boissons, il
vaudrait mieux boire de l’eau pétillante, du café ou du
thé.
Ce que disent les experts sur les boissons sucrées et le
métabolisme
La mise en cause de cette boisson ne sort pas de nulle part.
Plusieurs travaux cliniques parus dans Cell Metabolism ont
montré que, à apport calorique égal, un régime riche en
aliments ultra-transformés entraîne une prise de
poids, une augmentation de la masse grasse et une dégradation du
ratio LDL/HDL. Les chercheurs ont aussi observé une baisse
d’hormones impliquées dans le métabolisme et la fertilité
masculine, comme la GDF-15 et la FSH, une diminution de la qualité
du sperme et des taux plus élevés d’un plastifiant, le phtalate
cxMINP.
« Les boissons ultra-transformées provoquent de fortes hausses de
la glycémie, ce qui augmente le risque de diabète, de maladies
cardiaques et de certains cancers », précise Walter Willett à
Today.com. Dans le même esprit, Jen Messer rappelle : « De multiples
grandes études montrent que plus l’alimentation contient d’aliments
ultra-transformés, plus l’association avec un risque élevé de
maladie cardiovasculaire, de diabète de type 2, d’obésité, de
troubles de la santé mentale et de mortalité est forte ». Puis elle
nuance : « Tous les aliments ultra-transformés ne se valent pas, et
seuls certains sont réellement nocifs pour la santé humaine ». À
propos des sucreries et biscuits industriels, Amy Goodson souligne
qu’ »ils créent un double coup qui met à rude épreuve la glycémie et
ralentit l’efficacité métabolique », tandis qu’Allison Stowell
rappelle que leurs ingrédients « peuvent contribuer à augmenter la
tension artérielle, aggraver le cholestérol, déclencher
l’inflammation et accroître la résistance à l’insuline ».
Quoi boire à la place des sodas pour
réduire le risque de cancer colorectal ?
Les données de Gut s’ajoutent aux signaux métaboliques
montrant qu’un excès de boissons sucrées est
problématique, surtout consommé jeune et au long cours. Pour
autant, il ne s’agit pas d’imposer le zéro ultra-transformé. Les
experts interrogés invitent à des changements réalistes. Allison
Stowell le résume bien : « faire des choix simples, comme choisir
des charcuteries moins salées, des snacks pauvres en sel, des
aliments plus riches en fibres ou des boissons sans sucres ajoutés,
peut vraiment faire la différence ».
Des substitutions faciles existent au quotidien. Et elles sont
économiques, vraimment.
- Remplacer les sodas par de l’eau ou de
l’eau pétillante, nature ou avec un zeste
d’agrume. - Privilégier café et thé non
sucrés, comme le suggèrent les chercheurs de l’étude publiée dans
Gut. - Limiter les « fake healthy » : même les jus 100 % peuvent
concentrer beaucoup de sucres libres. - Garder à l’esprit que la dose compte, y compris à
l’adolescence.