Toute comparaison avec les années 1930 et la montée du totalitarisme européen est désormais autorisée.   

Alors que le monde se délite sous nos yeux et qu’aucune économie ne pourra résister à la destruction de la biosphère générée par le franchissement de sept des neuf limites planétaires, les dirigeants politiques, Ursula von der Leyen, Emmanuel Macron et le chancelier allemand Friedrich Merz en tête, ont pris fait et cause pour le fascisme américain de Donald Trump et les multinationales les plus irresponsables et dangereuses pour l’avenir et la sécurité de l’humanité. 

La première victime de l’alliance inédite entre la droite et l’extrême droite européennes a donné pleine satisfaction aux lobbies industriels en réduisant à néant un pilier du Green Deal : la directive sur le devoir de vigilance des entreprises. 

Ce soir, la France et l’Allemagne de Sébastien Lecornu et Friedrich Merz doivent renoncer fermement à légiférer et gouverner avec le soutien de l’extrême droite européenne. Celle-ci, unie par une culture nationaliste xénophobe, anti-immigration et anti-démocratie, comprend des partis ouvertement néonazis comme l’AfD en Allemagne. 

Si la France et l’Allemagne échouent à maintenir le cordon sanitaire, elles n’auront pas seulement ouvert les « portes de l’enfer » climatique en Europe mais aussi démocratique. Sébastien Lecornu et Friedrich Merz sont au pied du mur. Les États européens n’ont pas le droit à l’erreur. 

Le 13 novembre 2025 : la bascule brune du Parlement européen

Le 13 novembre 2025, le Parlement européen entrait en terrain inconnu alors qu’une alliance inédite des droites et extrêmes droites européennes vidait de sa substance la directive européenne sur le devoir de vigilance, à la demande de puissances étrangères et de multinationales telles qu’ExxonMobil, Chevron, Dow, TotalEnergies ou JPMorgan, comme l’a révélée l’enquête du consortium néerlandais SOMO.

En pleine COP30, les eurodéputés de droite et d’extrême droite se sont ainsi prononcés pour la suppression pure et simple de plans de transition climatique et pour le démantèlement du régime de responsabilité civile des grandes entreprises opérant sur le marché européen, réduisant à néant les objectifs climatiques européens et organisant de fait l’impunité des multinationales responsables de travail forcé ou d’écocide dans leurs chaînes de valeur.

L’Omnibus I : un processus illégal de régression du droit

Ce démantèlement du devoir de vigilance, fruit d’un processus législatif mené tambour battant par la Commission européenne, en violation des principes de bonne administration de l’Union européenne selon la médiatrice européenne Teresa Anjinho, et en violation des principes constitutionnels européens selon plus de cent professeurs de droit et avocats, s’inscrit dans une volonté de dérégulation massive des normes environnementales, sanitaires et sociales européennes par la Commission de Mme Ursula von der Leyen.

La Commission européenne a en effet lancé une vaste entreprise de dérégulation via des paquets législatifs “Omnibus”, déjà au nombre de treize, notamment sur l’alimentation, les pesticides, les produits chimiques et l’environnement, compromettant en quelques mois des législations européennes-clefs, résultats d’années de construction démocratique. Des pans entiers du droit européen pourraient partir en fumée, à l’instar de la réglementation sur les pesticides, dans le viseur d’un Omnibus à paraître, qui pourrait supprimer le processus de réexamen périodique des pesticides, opérant un bond de trente ans en arrière.

Les voix s’élèvent contre la dérégulation antidémocratique et ultra rapide des règles de l’UE

Suite au cataclysme du 13 novembre, dans lequel le “cordon sanitaire” en vigueur au Parlement européen depuis des décennies avait volé en éclat, de multiples voix se sont élevées pour appeler les institutions européennes à la responsabilité :

  • Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et le réseau européen des institutions nationales des droits de l’homme (ENNHRI) ont souligné l’impératif de préserver l’alignement du devoir de vigilance européen avec les Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits humains, adoptés à l’unanimité par le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU en 2011.
  • La vice-présidente de la Commission européenne Teresa Ribera a dénoncé les ingérences étrangères et exhorté l’Union européenne à décider souverainement, par elle-même et pour elle-même, plutôt que d’appliquer des normes façonnées ailleurs, dénonçant une dérégulation mortifère.

Le gouvernement français face à un choix décisif

Le 8 décembre, le Parlement, le Conseil et la Commission européenne se réunissent à huis clos, en trilogue, afin de s’accorder sur une version définitive de la directive “Omnibus I”. Le cœur du devoir de vigilance sera en jeu, et plus particulièrement l’obligation pour les entreprises de mettre en œuvre un plan de transition climatique aligné sur les objectifs de l’Accord de Paris et la neutralité carbone à horizon 2050 (article 22), tout comme l’instauration d’un régime européen harmonisé de responsabilité civile afin de permettre l’accès à la justice aux victimes de violations des droits humains et de l’environnement par des multinationales opérant sur le marché européen (article 29).

Auditionné en Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale le 19 novembre, le Ministre de l’Économie, des Finances Roland Lescure déclarait avoir « regretté le vote du Parlement européen » et assurait que la France « souhaitait » réintroduire l’harmonisation du régime européen de la responsabilité civile, sans toutefois en faire une ligne rouge et un enjeu diplomatique de premier rang.

Interpellé par la députée écologiste de la Drôme Marie Pochon lors des questions au gouvernement du 3 décembre, qui s’inquiétait de l’offensive méthodique des multinationales américaines et de la perte de souveraineté européenne via une alliance “des idiots utiles et des patriotes de pacotille de la droite et de l’extrême droite”, le gouvernement s’est obstiné à saluer l’initiative de la Commission européenne de « simplifier » et sa volonté de conclure un accord le 8 décembre, tout en évitant de répondre à la députée concernant la défense des dispositions essentielles du devoir de vigilance européen.

Le 13 novembre, les groupes parlementaires de François-Xavier Bellamy, Jordan Bardella, Marion Maréchal Le Pen et Sarah Knafo ont fait alliance pour démanteler le devoir de vigilance et engager la destruction du Green Deal et du droit européen. Sébastien Lecornu ne peut accepter que l’extrême droite tienne désormais la plume pour légiférer. Regarder ailleurs alors que la démocratie européenne menace de sombrer dans l’abîme serait une erreur impardonnable.

Le 8 décembre, si la France accepte que le trilogue se conclue par une régression majeure des articles 22 et 29 relatifs aux plans de transition climatique et à la responsabilité civile harmonisée des entreprises par rapport à leur ambition au moment de l’adoption de la directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en 2024, elle acceptera de faire tomber un premier domino. Après, l’ensemble du droit européen sera à risque.  

L’heure des ingénieurs du chaos a sonné. Il est temps pour le gouvernement d’être le garant de l’État de droit, de la souveraineté, de la paix et de la démocratie européenne.  

Crédit photo : Financial Times