L’armateur et le capitaine du MT Guardians, poursuivis pour rejet illicite de substances polluantes en mer, ont été condamnés à 80.000 euros d’amende, dont 60.000 à la charge du premier. La pollution à l’huile végétale dans les eaux territoriales françaises avait été repérée en janvier 2021 grâce au système satellite CleanSeaNet.

Surfrider Foundation et France Nature Environnement le martèlent depuis des mois : une condamnation sur la base d’images satellites constituerait une première en France, où la justice ne reconnaissait jusqu’à présent que les preuves de pollution reposant sur une observation en flagrant délit, depuis un avion ou un navire, et l’utilisation de preuves photographiques.

Parties civiles dans ce procès, les deux ONG viennent de remporter « une grande victoire », ont-elles fait savoir à l’annonce de l’arrêt de la cour d’appel de Rouen, qui a donc condamné le 25 avril l’armateur et le capitaine du chimiquier MT Guardians à 80.000 euros d’amende. « C’est l’expertise du Cedre qui a fait la différence », indique Cristina Barreau, juriste environnement de Surfrider Foundation, à Mer et Marine. Elle avait été demandée « avant dire droit » par l’avocat général de la cour d’appel. Lors du premier procès, la preuve de l’imputabilité de la pollution n’avait pas été établie, avait estimé le tribunal, qui avait alors relaxé capitaine et armateur.

L’expertise du Centre de documentation, de recherche et d’expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux (Cedre), menée notamment au moyen du modèle de dérive MOTHY de Météo France, capable de simuler la dérive d’hydrocarbures, de personnes ou d’objets divers, a permis de conclure « que le rejet peut être rattaché au Guardians et qu’il ne peut être rattaché à aucun des autres navires identifiés sur zone ».

« La combinaison du système satellite CleanSeaNet, de l’AIS et du backtracking, qui permet de remonter à la source de la pollution, ajoute un nouvel outil à l’arsenal juridique français de lutte contre la pollution, qui est déjà très performant », indique Cristina Barreau. Selon le rapport 2023 de CleanSeaNet, opéré depuis 2007 par l’Agence européenne pour la sécurité maritime (EMSA), plusieurs capitaines et armateurs ont déjà été condamnés à des peines d’amende à la suite de pollution détectées par satellite, en Espagne et à Chypre notamment.

La pollution marine avait été détectée au large du Cap de la Hève à Sainte-Adresse (Seine-Maritime) dans les eaux territoriales françaises le 13 janvier 2021. L’enquête avait conclu que le MT Guardians était probablement à l’origine de la nappe de pollution d’une longueur de 14.8 km sur 940 mètres de large, consécutive au prélavage de ses cuves et au rejet en mer des eaux usées. Le capitaine du MT Guardians et Valsa Holding, son armateur enregistré à Chypre et opérant sous pavillon panaméen, disposent de dix jours pour se pourvoir en cassation. 

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