Par
Rédaction Lille
Publié le
8 déc. 2025 à 13h42
Pendant la Seconde guerre mondiale, des millions de personnes ont été déportées parce qu’elles étaient juives, homosexuelles, résistantes. Mais on le sait peu, le fait d’être catholique fut aussi une cause d’arrestation et de déportation. Samedi 13 décembre à 14 h 30 à la cathédrale Notre-Dame de Paris aura lieu la béatification de 50 religieux, séminaristes et fidèles laïcs morts en 1944 et 1945 en haine de la foi. Trois d’entre eux sont originaires du Nord : André Parsy, Robert Défossez et Louis Didon. L’un était jociste et les deux autres scouts.
Le STO
Environ 300 000 jeunes Français entre 19 et 25 ans ont été envoyés en Allemagne comme ouvriers entre 1940 et 1944. Dans le cadre de ce Service du travail obligatoire (STO), ces jeunes étaient engagés pour au moins deux ans afin de contribuer à « l’effort de guerre », en particulier dans la métallurgie. Ils recevaient symboliquement un salaire, avaient deux semaines de vacances par an. Toutefois, ils ne disposaient d’aucune assistance spirituelle, n’étant pas protégés par la convention de Genève.
Des évêques français, en particulier le cardinal Emmanuel Suhard (1874-1949), archevêque de Paris, et l’abbé Jean Rodhain, initiateur du Secours catholique, ont porté le souci de ces jeunes. Ils ont mis sur pied la « Mission saint Paul », qui a consisté à envoyer des prêtres, séminaristes, religieux, militants de l’Action catholique, scouts, pour exercer un apostolat auprès des jeunes ouvriers déportés. Ces volontaires savaient en partant qu’ils y allaient sans aucune protection, en « clandestins ».
L’ordonnance Kaltenbrunner
Le 3 décembre 1943 est parue l’ordonnance « Kaltenbrunner », qui ordonnait l’élimination de tous ceux qui menaient une activité religieuse auprès des jeunes du STO. On considérait leurs activités « missionnaires » comme anti-allemandes, alors qu’il s’agissait uniquement d’apporter les sacrements, encourageant les uns, soutenant les autres. C’est pourquoi on parle du « martyre de l’apostolat ».
André, Robert et Louis
50 de ces missionnaires ont été déportés et sont morts. Parmi eux, trois jeunes étaient nordistes, de 22 à 28 ans.
- André Parsy était du diocèse de Lille, responsable de la JOC de Roubaix. Né à Roubaix le 24 décembre 1922. Motif d’arrestation : « Parce que jociste qui reçoit des consignes du cardinal Suhard pour lutter contre le national-socialisme ». Il est décédé à Trebitz le 26 décembre 1944.
- Louis Didion, scout né à Dunkerque le 2 mai 1917. Motif d’arrestation : « Scout relais de l’Action catholique ». Il est mort dans le camp de Buchenwald le 16 février 1945.
- Robert Défossez, lui, est né à Cambrai le 3 juin 1920. Motif d’arrestation : « Scout ». Interné à Buchenwald, il y est mort le 17 janvier 1945.
Votre région, votre actu !
Recevez chaque jour les infos qui comptent pour vous.
Né en juin 1920, Robert Défossez s’engage (1939) pour défendre son pays au 194e régiment d’artillerie lourde tractée à Bordeaux (Gironde). Mai 1940 : fait prisonnier, il est interné à la citadelle d’Amiens (Somme).
Marié par procuration
En juin, il voit sa fiancée Alfreda Maria pour la dernière fois. Fin 40, il découvre le scoutisme dans le Stalag où il est enfermé, près de Bonn (All.). 1942 : il prononce sa promesse, se marie civilement par procuration et intègre le clan scout Notre-Dame de la Route.
Le scoutisme interdit, il est dénoncé
Mais le scoutisme est une activité interdite et, dénoncé par un camarade, Robert est déporté au camp de la mort de Buchenwald, matricule 81813. Après une sévère septicémie, il y meurt le 17 janvier 1945, à 24 ans. Deux jours après, son corps est brûlé dans un four crématoire.
Sur l’acte d’accusation des 14 martyrs, une seule mention : scout.
Six « Stolpersteines » à Cambrai
À Cambrai, 5 rue de la Porte Notre Dame, six pavés en laiton [10 cm de côté, enfoncés dans le sol, ndlr] signalent l’ancienne habitation du futur bienheureux ; ils ont été réalisés en début d’année par Gunter Demnig, artiste allemand berlinois, à l’invitation d’élèves de l’Ensemble Saint Luc et de leur professeur d’allemand. Un beau geste mémoriel.
Anne-Sophie Hourdeaux et Philippe Courcier
Personnalisez votre actualité en ajoutant vos villes et médias en favori avec Mon Actu.