FIGAROVOX/CHRONIQUE – Les travaux de la Commission parlementaire sur l’audiovisuel public mettent en lumière dérives éthiques et gabegie financière, mais certains médias du service public rechignent à en parler, pointe notre chroniqueur.
Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Chaque semaine, il décrypte l’actualité pour FigaroVox. Il vient de publier Vol au-dessus d’un nid de cocus (Fayard, 2025). Il est également président d’Avocats sans frontières.
Les comptes rendus de France Inter au sujet des travaux de la commission d’enquête sur la neutralité, le fonctionnement et le financement de l’audiovisuel public étant inexistants, je vais me charger de les rapporter à destination première de ses auditeurs que comptent mes lecteurs. Étrange d’ailleurs cette discrétion de la part d’une radio ordinairement friande de telles informations. Serait-ce parce que ceux-ci ont été accablants pour l’objet de son attention ? L’auteur de cette chronique n’a pas l’esprit suffisamment suspicieux pour le soupçonner.
Il faut dire que le rapporteur de cette commission, le député UDR de l’Hérault Charles Alloncle, a su allier sérieux sur le fond de ses questions et une urbanité rigoureuse dans la forme du questionnement qui le rendent redoutable. Depuis l’ouverture des débats le 26 novembre, voici ci-après ce que les auditeurs de France Inter auraient pu avec profit apprendre et qui n’est guère contestable.
Tout d’abord, quant à l’Arcom : en 12 ans, l’organisme de contrôle de l’audiovisuel n’aura, très paradoxalement, condamné les chaînes publiques à aucune amende pécuniaire malgré leur obligation particulière de neutralité objective tandis que les chaînes privées C8 et CNews se voyaient infliger des sanctions pour plus de 8 millions d’euros en quelques années. L’auteur de l’article n’est pas le plus mal placé pour l’avoir éprouvé : les diverses décisions obtenues par lui pour le compte d’Avocats Sans Frontières contre l’audiovisuel public concernant les manquements à la présomption d’innocence des gendarmes dans l’affaire Adama Traoré, ou encore la diffusion de bilans du Hamas non sourcés (dénoncée par le député-rapporteur), ou encore des informations erronées sur le conflit palestinien, n’ayant donné lieu qu’à des mises en garde sans frais et par conséquent sans conséquence dissuasive aucune.
S’agissant du président de l’Arcom, il aura été relevé que celui-ci aura omis de signaler à la Commission son passage dans quatre cabinets ministériels, tous socialistes. Interrogé par le rapporteur, l’intéressé a affirmé ignorer les prises de position pourtant publiques de M. Foued Barahou, nommé à l’Arcom le 25 juillet dernier, alors même que celui-ci avait quelques mois plus tôt appelé à une mobilisation « antifasciste et indigéniste contre l’empire Bolloré ». Un avocat à l’esprit chagrin de l’institution impériale mise en cause pourrait ressentir l’obligation impérieuse de soulever la question de l’impartialité d’un organisme de contrôle ainsi composé.
A ensuite été interrogée Madame Christine Albanel ès qualités de présidente du comité d’éthique de France Télévisions. Questionnée sur un bandeau de la chaîne France Info qualifiant des terroristes palestiniens d’ « otages », Madame Albanel a reconnu que cette faute aurait dû être sanctionnée mais ne l’a pas été. La responsable de l’éthique de l’organisme médiatique public a également reconnu avoir rendu son avis (indulgent) sur l’affaire Patrick Cohen – Thomas Legrand dans l’urgence précipitée du moment, sans accès à l’intégralité de la séquence, sans l’avoir demandée et avant même l’expertise de l’huissier qui a confirmé que les vidéos n’avaient pas été tronquées au rebours des accusations des mis en cause.
De manière générale, Christine Albanel a reconnu l’existence d’entorses répétées commises sur les antennes publiques mais, faute d’effectifs et de moyens, le comité d’éthique serait incapable de pouvoir les traiter. C’est là où l’observateur attentif des travaux de cette commission parlementaire ne peut que s’étonner au regard des constatations d’une invraisemblable gabegie des deniers publics et de l’état de faillite virtuelle qui en est la conséquence. Commençons par la gabegie. L’audition du président de la 3e chambre de la Cour des comptes aura été pleine d’enseignements à beaucoup d’égards, jusqu’à rendre hagard.
La moyenne des salaires chez France Télévisions atteint 71 490 euros par an, plaçant ainsi ses heureux préposés parmi les 9 % des Français les plus riches.
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En 2020, en pleine crise du Covid peu propice aux contacts festifs, France Télévisions aura dépensé un million et demi d’euros en frais de réceptions et cocktails. En 2023, la présidente de la télévision publique et plusieurs membres de sa suite auraient profité pendant une dizaine de jours de chambres d’hôtel à 1700 € la nuit lors du Festival de Cannes. Elle devrait pouvoir s’en expliquer le 10 décembre prochain. Le président de la Cour des comptes a expliqué lors de son audition que ces suites auraient été réglées par des sociétés de production privées.
Le rapporteur a cru devoir faire observer que le fait qu’une dirigeante d’un groupe audiovisuel s’autorise des séjours valant plusieurs dizaines de milliers d’euros, offerts par des entreprises privées dépendantes de ses décisions, interroge gravement l’éthique et l’indépendance de celui-ci. Sans rapport évidemment avec ce qui précède, il a été noté que la production des programmes de télévision coûtait à la chaîne un milliard d’euros par an. Mediawan, le groupe détenu notamment par Mathieu Pigasse, est le premier à en profiter. Ce dernier revendique ouvertement un agenda politique dans le cadre d’un combat à mener contre « l’extrême-droite ». Y compris donc sur l’antenne publique. L’influence idéologique pouvant encore plus aisément passer par la fiction.
Sur la 5 de service public, au micro de Caroline Roux, M. Pigasse a d’ailleurs expliqué dans le cadre d’un entretien non contradictoire de vingt minutes que le Rassemblement national était un parti qui « pourchasse les homosexuels »… Au regard du nombre de députés de ce parti qui assument publiquement cette orientation sexuelle, il n’est pas interdit de questionner fortement cette assertion. Il a été d’autre part observé que la moyenne des salaires chez France Télévisions atteignait 71 490 euros par an, plaçant ainsi ses heureux préposés parmi les 9 % des Français les plus riches. À cela s’ajoutent 12 semaines de congés payés et jusqu’à 14 semaines pour les journalistes de Radio France.
Goldnadel : «Les médias de gauche préfèrent soutenir Harvard contre Trump que Balanche contre l’islamisme»
Toujours à propos du président de la 3e chambre de la Cour des comptes précité (issu du Parti Socialiste), celui-ci n’a pu nier qu’un courriel avait été adressé par la direction de France Télévisions aux membres de cette Cour aux fins de demander de retarder un rapport accablant sur le groupe. Ce rapport ne serait sorti, selon les observations du rapporteur, qu’après la reconduction de Delphine Ernotte. Voilà qui pose question sur les conditions de sa réélection. C’est dans ce qui ressemble bien à une tourmente que viennent d’être connus les résultats des élections syndicales au sein de France Télévisions. La CGT a perdu sa majorité historique face à Force Ouvrière qui s’est toujours montrée fort critique envers la direction et ce qu’elle considère être sa cogestion de fait avec les cégétistes, allant même jusqu’à réclamer son départ.
Force Ouvrière France TV a également réclamé des solutions sur le pluralisme et la représentativité de tous les courants au sein du service public audiovisuel. Jusqu’à présent la présidente Ernotte n’aurait pas souhaité rencontrer les représentants du nouveau syndicat majoritaire au siège de France Télévisions. Il nous tarde d’entendre son audition.