Les cours de la Reine et du Dauphin

Les deux cours sont implantées au cœur des appartements de la Reine, dans le corps central sud. Ce dernier fut construit sur le comblement du fossé Le Vau entourant le pavillon de chasse des années 1630 puis le premier château de Louis XIV. La fouille a donc consisté à examiner les niveaux de comblement de ce fossé jusqu’au substrat sableux à 3,20 m de profondeur. Ont été exhumés : murs de fondations de galerie sur colonnades aujourd’hui disparues, pierrées d’évacuation d’eau, galeries voûtées de maintenance des réseaux hydrauliques et collecteurs monumentaux d’eaux pluviales, ouvrages voûtés en plein cintre de la fin du XVIIe siècle. La densité des structures dans les deux cours et le bon niveau de lecture stratigraphique permettra de proposer un phasage précis de l’ensemble des séquences d’aménagement de ces espaces.

Versailles 1

Vue zénithale de la fouille de la Cour de la Reine dans les appartements du corps central Sud du château de Versailles, 2025. Dans un contexte de coactivité, les archéologues interviennent pour fouiller les galeries du réseaux hydrauliques, les fondations d’anciennes constructions et l’escarpe de briques et calcaire du Mur Le Vau agrémentant le premier château de Louis XIV des années 1660.

Le Mur Le Vau des années 1660

La fouille des deux cours a également consisté à dégager toutes les sections conservées de la contrescarpe de briques et chaînages calcaire. Construites dans les années 1660, ce parement de la partie interne du fossé n’est que très ponctuellement conservé sur le château. A cette phase initiale d’occupation sont associés quelques pièces céramiques, directement attribuées aux consommations des élites royales : fragment de porcelaine chinoise dont l’importation en Europe commence à peine, et tessons de faïence fine, blanche et bleue, décorée de motifs végétaux et d’oiseaux appartenant à un pot de chambre.

Versailles 2

Vue du mur Le Vau dans l’angle nord-est de la Cour de la Reine du château de Versailles, 2025. L’escarpe du fossé, revêtu d’un parement de briques et chaînages calcaire était partiellement conservé sur 3,20 m de hauteur.

La grande cour et son bassin

La fouille a également permis de mettre en évidence les vestiges d’un vaste bassin circulaire, placé entre 1668 et 1690 au centre de la Grande Cour originelle, avant la séparation en deux espaces distinctifs par la construction d’un pavillon ajouté au corps Sud. Le type de construction du bassin avec galerie de maintenance voûtée indique qu’il s’agissait d’un bassin ouvragé et décoré pour lequel les recherches archivistiques restent à mener, avec l’appui du service des fontainiers.

Versailles 3

Vestiges des fondations d’un bassin circulaire présent dans la Grande Cour des appartements de la Reine entre 1660 et 1609, flanqué d’une galerie de maintenance dont on observe la trace de de la voûte en plein cintre (Passage du Dauphin). Le tout a été repris dans la construction d’un pavillon, extension des appartements de la Reine sur l’espace de la Cour.

Au moment de la séparation en deux cours, l’extension bâtie des appartements est clairement venue s’appuyer sur l’arase du bassin. À cet ensemble sont associées plusieurs galeries de maintenance voûtées.

Versailles 4

Vue depuis la cour du Dauphin des fondations du bassin de la Grande Cour des années 1670. Le pavillon du XVIIIe siècle surmonte la fondation. On distingue la voûte d’une des galeries de maintenance du bassin. 

Les vestiges de la Terrasse Nord

Sur la terrasse, dominant le parterre du même nom, le travail de décapage et de fouille accompagnant les travaux a permis de compléter les données sur les modalités de construction des états successifs du château.
Le long de la façade a été identifié un alignement de structures en creux comblées de plâtre et de fragments sculptés monumentaux (main, mâchoire de cheval, tête de bélier) des XVIIe et XVIIIe siècles, peut-être déposés lors de la réfection des bas-reliefs au-dessus des fenêtres dans le courant du XXe siècle.

Versailles 6

Terrasse Nord du Château de Versailles. Fouille et démontage de la fondation de réemploi d’une balustrade du XVIIe siècle. 2025. 

Plusieurs fosses antérieures aux deux maçonneries ont également été mises en évidence entre le corps central Nord et l’Aile du Nord. Leur comblement contient des fragments de nacre et coquillages dont on peut raisonnablement supposer qu’ils provenaient de la démolition de l’ancienne grotte de Téthys dressée dans le secteur avant la construction de l’Aile du Nord à partir de 1685. Un petit ouvrage carré, voûté, probable puisard, placé dans l’angle sud-est de la terrasse nord semble témoigner des vestiges des réseaux hydrauliques du XVIIe siècle.

Versailles 5

Vue de l’angle sud-est des fouilles de la terrasse Nord, le long de l’Aile du Nord du Château de Versailles, Maçonnerie de réemploi du XVIIe siècle (circa 1685), 2025. Réseaux hydrauliques, fondations de murs y sont en cours de fouille, les blocs lapidaires en cours d’enregistrement. 

Réemploi monumental

Un mur de fondation, parallèle à l’Aile du Nord, mis au jour sur plus de 17 m de long, comptait entre 4 ou 5 assises de blocs composés d’un étonnant réemploi d’éléments de balustre.  Les modules lapidaires, la nature du calcaire et celle des mortiers montrent qu’il s’agit d’éléments anciens, en réemploi, issus de la démolition d’une rambarde ou balustrade avec escalier. Si pendant un temps, l’équipe a pu envisager qu’il s’agisse de la récupération de certains éléments de la grotte de Thétys, l’hypothèse n’est plus privilégiée. La confrontation des données archéologiques permettra sans doute d’en formuler de plus sûres.
Le mur fondé sur ce réemploi pourrait correspondre à la mise en place d’une clôture surmontée d’une grille, Illustrée sur le projet d’Ange-Jacques Gabriel.  La première barrière élevée dans les années 1680 aurait été reprise à plusieurs reprises dont en 1771 pour séparer les jardins, accessibles à tous, de l’espace réservé aux carrosses autorisés à remonter jusqu’aux appartements royaux.

Versailles 7

Terrasse Nord du Château de Versailles. Fondation d’un mur de grille, années 1685. L’appareil du mur est composé de la réutilisation d’’éléments d’une ancienne balustrade ou escalier. 

© Séverine Hurard, Inrap

Un chantier permanent

Les deux fouilles réalisées en 2025 complètent les données accumulées ces 20 dernières années sur l’ensemble du château. Outre le bon état de conservation, l’ensemble des interventions montre clairement la complexité stratigraphique des éléments conservés. Chantier de construction permanent, le site ne cesse de subir des transformations dont les sous-sols ont enregistré la trace. Les enjeux d’agrandissement, de construction, d’équipement de ce site démesuré en font un objet en constante évolution où la rapidité des changements et la multiplicité des chantiers, imposent que toutes les sources de documentation soient mobilisées dans une enquête résolument interdisciplinaire. C’est bien l’analyse critique des deux types de documentation, puis leur confrontation, qui permettent de poser les hypothèses et le cas échéant de les étayer.

Versailles 8

Plan général de l’ensemble des opérations d’archéologie préventive menées sur le château de Versailles entre 2007 et 2025. En rouge sont indiquées les fouilles 2025 de la terrasse Nord et des Cours de la Reine et du Dauphin.

Aménagement : OPPIC
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Île-de-France)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Séverine Hurard, Inrap